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L'Iran signe l'accord sur l'échange de combustible nucléaire

Le président brésilien Lula da Silva en compagnie de son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad, dimanche à Téhéran. L'Iran, le Brésil et la Turquie ont signé lundi l'accord sur la procédure d'échange de combustible nucléaire, opération visant à dissiper l

Le président brésilien Lula da Silva en compagnie de son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad, dimanche à Téhéran. L'Iran, le Brésil et la Turquie ont signé lundi l'accord sur la procédure d'échange de combustible nucléaire, opération visant à dissiper l - -

TEHERAN - L'Iran, le Brésil et la Turquie ont signé lundi l'accord sur la procédure d'échange de combustible nucléaire, opération visant à...

par Parisa Hafezi et Fernando Exman

TEHERAN (Reuters) - La prudence était de mise au sein de la communauté internationale après la signature lundi d'un accord entre l'Iran, le Brésil et la Turquie sur l'échange de combustible nucléaire censé dissiper les soupçons des Occidentaux sur la nature des activités sensibles iraniennes.

L'Iran a dit avoir accepté de transférer 1.200 kg d'uranium faiblement enrichi, soit la majeure partie de son stock connu, en échange de combustible destiné à son réacteur de recherche médicale de Téhéran. L'échange doit avoir lieu d'ici un mois en Turquie.

Le directeur de l'agence iranienne de l'énergie atomique, Ali Akbar Salehi, a jugé que l'accord constituait un pas sur la voie de la coopération en matière nucléaire et vers l'abandon du projet de sanctions envisagées contre son pays.

Il a cependant souligné que l'Iran poursuivrait ses activités d'enrichissement d'uranium, notamment la production d'uranium enrichi à 20%. "Il n'y a pas de relation entre l'accord d'échange et nos activités d'enrichissement (...) Nous continuerons nos travaux sur l'uranium enrichi à 20%", a-t-il dit.

Ces propos n'ont convaincu ni les Etats-Unis, ni leurs alliés qui demandent que Téhéran démontre que son programme nucléaire poursuit uniquement des objectifs pacifiques.

"L'Iran a plusieurs fois manqué à ses engagements et les Etats-Unis et la communauté internationale continuent d'avoir de sérieuses inquiétudes", a dit un porte-parole américain. "Je pense que nous progressons de manière régulière dans la voie des sanctions", a-t-il ajouté.

"L'Iran doit prendre les mesures nécessaires pour convaincre la communauté internationale que son programme nucléaire est exclusivement mené à des fins civiles", a dit Robert Gibbs, porte-parole de la présidence. Il a estimé toutefois que le transfert à l'étranger d'une partie de l'uranium iranien faiblement enrichi pourrait être une étape positive.

Le département d'Etat américain, pour sa part, s'est dit prêt à discuter avec l'Iran si Téhéran répond aux inquiétudes de la communauté internationale.

"Nous restons prêts à discuter avec l'Iran n'importe où, n'importe quand, à condition que l'Iran soit disposé à répondre aux inquiétudes de la communauté internationale sur son programme nucléaire. C'est l'Iran qui n'a pas voulu le faire depuis de nombreux mois", a dit P.J. Crowley, son porte-parole.

L'accord conclu lundi est fondé sur le projet d'échange de combustible soumis à l'Iran en octobre par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), dont la République islamique contestait certains volets. Téhéran exigeait notamment que l'échange ait lieu sur son territoire.

Face à ce blocage, le Brésil et la Turquie avaient proposé le mois dernier, lors de la conférence de révision du Traité de non prolifération (TNP), de jouer les médiateurs.

LES DISCUSSIONS SUR LES SANCTIONS SE POURSUIVENT

Qualifiant l'accord de lundi de "tournant historique", le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a estimé que les sanctions n'avaient désormais plus de fondement.

"L'accord d'échange montre que Téhéran veut ouvrir une route constructive (...) Il n'y a plus de fondements à de nouvelles sanctions ou pressions", a-t-il dit à la presse.

Sitôt l'accord signé, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a appelé à la reprise des négociations avec les grandes puissances. "Il est temps pour les pays '5+1' d'entrer avec l'Iran dans des discussions fondées sur l'honnêteté, la justice et le respect mutuel", a-t-il déclaré.

La dénomination "5+1" fait référence aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie) et l'Allemagne.

L'accord a été trouvé dimanche à l'issue de discussions entre Ahmadinejad, son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.

L'accord initial, soutenu par les Etats-Unis, prévoyait le transfert de ce même stock d'uranium vers la Russie puis la France pour qu'il y soit converti en combustible.

PRUDENCE TEINTÉE DE SCEPTICISME

Le porte-parole du secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon a salué un accord "encourageant" mais a rappelé que Téhéran devait se conformer aux résolutions du Conseil de sécurité.

Pour le président russe Dmitri Medvedev, plusieurs questions restent en suspens. "L'une de ces questions est la suivante: l'Iran enrichira-t-il lui-même de l'uranium ? D'après ce que je comprends des déclarations de responsables de cet Etat, ce processus se poursuivra. Dans ce cas (...), les inquiétudes de la communauté internationale pourraient persister", a-t-il déclaré.

Le président russe s'est entretenu au téléphone avec son homologue brésilien et a "qualifié de positifs les efforts du Brésil et de la Turquie pour promouvoir une solution politique et diplomatique sur le problème du nucléaire iranien", indique un communiqué du Kremlin.

A Londres ou à Paris, on dit attendre de connaître les détails du texte pour se prononcer sur le fond, mais il n'est pas question dans l'immédiat de renoncer à envisager de nouvelles sanctions contre l'Iran.

"L'Iran a l'obligation d'assurer la communauté internationale de ses intentions pacifiques", a dit Alistair Burt, secrétaire d'Etat britannique aux Affaires étrangères.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), souligne-t-il, "dit ne pas être en mesure de le vérifier. C'est pourquoi nous travaillons avec nos partenaires à une résolution du Conseil de sécurité assortie de sanctions. Ce travail doit se poursuivre jusqu'à ce que l'Iran prenne des mesures concrètes pour se conformer à ses obligations."

Pour le ministère français des Affaires étrangères, l'accord ne résout pas les problèmes de fond que pose le programme nucléaire de Téhéran.

"Ne nous leurrons pas: une solution à la question du (réacteur de recherche), le cas échéant, ne réglerait en rien le problème posé par le programme nucléaire iranien", a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay, Bernard Valero, en déplorant les "violations constantes" de ses obligations internationales par l'Iran.

La Commission européenne et l'Allemagne ont aussi réagi avec prudence. A Bruxelles comme à Berlin, on insiste sur la nécessité d'examiner en détail les modalités de l'accord conclu avant de se prononcer sur le fond.

Avec Ramin Mostafavi, Fredrik Dahl, Simon Cameron-Moore, Sylvia Westall, Chris Buckley, Luke Baker, Erik Kirschbaum, Madeline Chambers, Adrian Croft; Grégory Blachier, Pascal Liétout, Jean-Philippe Lefief et Guy Kerivel pour le service français