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Hausse des salaires, dépenses publiques… comment expliquer la force de l'économie américaine?

L'économie américaine est soutenue par une forte croissance, une solidité des créations d'emploi et une consommation vigoureuse, à l'inverse des prédictions de récession.

Une croissance qui défie les prédictions de récession, des créations d'emplois solide, une consommation toujours forte: l'économie américaine continue de surprendre, malgré les taux d'intérêt élevés qui auraient dû produire l'effet inverse. Pourquoi ce paradoxe?

• "La valeur du talent"

Le faible taux de chômage, la croissance des salaires et les embauches ont soutenu la frénésie de consommation des ménages américains. Pendant la crise du Covid-19, les dirigeants avaient du mal à embaucher, former et retenir les talents.

Échaudés par ces difficultés, ils réfléchissent désormais à deux fois avant de supprimer des emplois, et vont plutôt ralentir les embauches, explique à l'AFP Gregory Daco, chef économiste pour EY. Conséquence: "une plus grande résilience sur le marché du travail", souligne-t-il, et des employeurs qui accordent une plus grande valeur à leur personnel: "une facette unique de ce cycle économique est que la valeur du talent a changé".

Certes, les embauches dans le secteur privé ont peu à peu ralenti. Mais le secteur public est, lui, resté dynamique et l'administration, la santé, l'éducation, "ont tiré une grande partie de la croissance de l'emploi", relève Kathy Bostjancic, cheffe économiste de l'assureur Nationwide.

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• Pouvoir d'achat

Les salaires, à force de grimper, ont fini par augmenter plus vite que l'inflation, qui, elle, ralentit. C'est le cas depuis mai 2023, relève Julia Pollak, cheffe économiste du site d'annonces d'emploi ZipRecruiter. "La baisse de l'inflation et la hausse du pouvoir d'achat alimentent de fortes dépenses de consommation", commente-t-elle pour l'AFP.

Le nombre d'offres d'emplois en ligne diminue régulièrement depuis le sommet de novembre 2021, mais reste historiquement élevé, ajoute Julia Pollak. Elle note néanmoins que les signes de ralentissement du marché du travail sont visibles, chaque offre d'emploi disponible ayant enregistré en janvier 30% de candidatures supplémentaires par rapport à janvier 2023.

• Dépenses du gouvernement

D'abord 2.200 milliards de dollars face au Covid-19 en mars 2020, puis 1.900 milliards un an plus tard: l'ancien président Donald Trump, puis son successeur Joe Biden, avaient sorti l'artillerie lourde pour soutenir l'économie américaine face à cette crise inédite. Des paquets budgétaires qui ont certainement participé à "provoquer des pressions inflationnistes", selon Dan North, économiste pour Allianz Trade Amérique du Nord.

Joe Biden a ensuite signé un plan de 1.200 milliards de dollars pour les transports et infrastructures en novembre 2021, puis son plan d'action climatique en août 2022, de 750 milliards de dollars. Résultat, au moment où la banque centrale américaine, la Fed, tentait de ralentir l'économie pour juguler la forte inflation, "la politique budgétaire a fait exactement le contraire", souligne Dan North.

"Les subventions gouvernementales pour les véhicules électriques, les puces électroniques et les infrastructures stimulent les investissements des entreprises à un moment où les taux d'intérêt élevés auraient, sans cela, pu les faire chuter", ajoute Julia Pollak. Environ 30% de la croissance du PIB l'année dernière provenait du secteur public, qui représente environ 14% de l'économie, détaille Gregory Daco.

• Taux très bas puis très hauts

Si les taux élevés n'ont pas dégradé l'économie comme attendu, c'est aussi parce qu'ils étaient, auparavant, proches de zéro. En mars 2020, face au Covid, la Fed les avait en effet brusquement abaissés, et n'avait commencé à les relever que deux ans plus tard. Cela "a permis aux entreprises d'émettre de la dette à des taux d'intérêt très bas", détaille Dan North, et, désormais, "les entreprises, dans l'ensemble, paient les intérêts les plus bas jamais enregistrés".

Les ménages, eux aussi, avaient pu profiter des taux d'intérêt exceptionnellement faibles des prêts immobiliers, avant qu'ils ne grimpent de nouveau.

Les économistes affirment qu'il faudra du temps pour que l'impact des hausses de taux se répercute sur l'économie réelle. La dernière hausse a été annoncée en juillet par la Fed. Or, il faut environ six trimestres, soit un an et demi, pour que le plein effet se manifeste et fasse ralentir l'économie, selon Dan North. Les perspectives cette année restent toutefois positives, avec des réductions des taux d'intérêt à l'horizon et une inflation bien moins forte.

J. Br. avec AFP