BFM Business
International

Guerre en Ukraine: quels sont les pays les plus exposés à une crise alimentaire?

Invitée aux réunions du G20, la secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, a mis en garde jeudi 21 avril contre le risque de crise alimentaire mondiale.

La farine et le pain, bientôt des denrées rares? Pour une cinquantaine de pays, qui importent plus de 30% de leurs céréales et oléagineux depuis l’Ukraine et la Russie, ce scénario pourrait devenir réalité. Entre les bombardements, la mise à l’arrêt de l’économie et la fermeture de certains ports, les quantités disponibles de céréales et d’oléagineux sont en forte baisse.

Le Proche-Orient en pénurie de blé

Car ces deux pays sont des mastodontes de la production mondiale de céréale: à eux deux ils assurent 30% des exportations mondiales de blé. Et parmi les plus gros acheteurs mondiaux, l’Egypte et la Turquie pourraient subir de plein fouet cette pénurie de céréales à venir. 60% de leurs importations de blé viennent de la Russie et de l’Ukraine.

Leurs approvisionnements ont déjà pris du retard: l’Egypte et la Turquie attendent respectivement 6,6 millions et 4 millions de tonnes pour le second semestre de la campagne de commercialisation 2021/2022, d’après l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO). Si bien que l’Egypte a suspendu courant mars l’ensemble de ses exportations de céréales pour renflouer ses stocks nationaux.

Comme eux, une grande partie des pays du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord importent plus de la moitié de leurs ressources en blé depuis les deux belligérants. Tunisie, Yémen, Libye… Certains pays, comme l’Erythrée ou l’Arménie, dépendent même à près de 100% du blé russe et ukrainien.

La Turquie, inquiète pour l’huile de tournesol

A cette pénurie de blé s’ajoutent des tensions sur les exportations de maïs, dont les ressources ukrainiennes devaient représenter 18% du commerce mondial en 2021/2022. De quoi aggraver la situation de l’Egypte et de la Turquie qui importent près d’un tiers de leur maïs d’Ukraine. D’autres pays exportateurs, comme le Brésil ou l’Argentine, pourront compenser une partie des 14 millions de tonnes qu’aurait dû assurer l’Ukraine au monde d’ici septembre 2022. Mais pas l’intégralité. Encore moins pour les ressources en huile de tournesol dont la Russie et l’Ukraine assurent 80% des exportations mondiales, soit la quasi-totalité. Parmi les plus gros importateurs d’huile de tournesol, l’Inde, l’Union européenne, la Chine, l’Iran et … la Turquie, qui attendent encore 5,4 millions de tonnes d’ici septembre 2022, selon la FAO.

Les prix alimentaires explosent de 39% en Afrique

Si le ministre turc de l’Agriculture a assuré début mars que le pays "dispose de stocks d’huile de tournesol suffisants", les prix s’envolent dans le pays. En un an, le prix des denrées alimentaires a augmenté de 70%.

Comme en Turquie, le prix des céréales et des oléagineux s’envole dans le bassin méditerranéen. Rien qu’en mars, l’indice FAO du prix des céréales a augmenté de 24,9 points par-rapport à février, le portant à son niveau le plus haut depuis 1990. En fonction de la sévérité de la crise alimentaire, la FAO estime que la hausse des prix du blé pourrait aller jusqu’à 21,5% lors de la campagne 2022/2023, 19,5% pour le maïs et 17,9% pour les autres oléagineux. Tunisie, Irak… Les manifestations contre l’inflation alimentaire se multiplient et la crise alimentaire entraine une forte contestation sociale.

Au sud du bassin méditerranéen, en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest, la pénurie de céréales aggrave une inflation présente depuis plusieurs mois. Au dernier trimestre 2021, les prix alimentaires affichaient déjà une hausse de 39% par-rapport à la moyenne des cinq dernières années. Ces pays sont ultra dépendants des ressources russes et ukrainiennes. Entre 2018 et 2020, 25 pays africains ont importé plus de 33% de leur blé depuis l’Ukraine et la Russie, selon la Conférence des Nations Unies sur le Commerce (UNCTAD). Parmi les pays les plus touchés, le Bénin a importé près de 70% de blé russe en 2021, la Somalie a importé plus de 40% de blé russe et plus de 50% de blé ukrainien.

1,79 milliard d’euros d’aide alimentaire

La hausse des prix alimentaires pourrait alors plonger 10 millions de personnes dans la pauvreté, a estimé mardi la secrétaire au Trésor américain Janet Yellen, lors d’une première table ronde au G20. Face aux millions de tonnes de céréales restées à quai dans les ports russes et ukrainiens, elle a appelé le FMI et la Banque mondiale à trouver des solutions. Le 7 avril dernier, suite aux déclarations du président du Niger Mohamed Bazoum, plusieurs pays dont la France ont déjà promis d'augmenter leur aide alimentaire à hauteur d'1,79 milliard d'euros.

Margaux Fodéré