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Fin d'une saga: détenue depuis trois ans au Canada, une haute-dirigeante de Huawei retrouve la liberté

Meng Wanzhou, directrice financière et fille du fondateur du groupe chinois Huawei a finalement pris l'avion pour retrouver la Chine tandis que deux Canadiens ont pris le chemin inverse. Un accord diplomatique entre le Canada et la Chine qui met fin à trois ans de tension entre les deux pays.

C'est une saga diplomatico-judiciaire de trois ans qui s'achève: la directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei, Meng Wanzhou, a pris le chemin du retour depuis Vancouver samedi à la faveur d'un accord avec les Etats-Unis, tandis que deux Canadiens ont été libérés de prison en Chine.

Meng Wanzhou, l'ancien diplomate Michael Kovrig et l'homme d'affaires Michael Spavor ont été libérés après des années de détention dans ce qui a été appelé la "diplomatie des otages".

Ces "trois dernières années, ma vie a été bouleversée", a déclaré devant la presse Meng Wanzhou, 49 ans, surnommée la "princesse" de Huawei, qui a toujours nié les accusations et a plaidé "non coupable" vendredi.

La fille du patron de Huawei a ensuite embarqué à bord d'un avion pour Shenzhen, recouvrant la liberté après trois ans d'assignation à résidence à Vancouver et échappant à une extradition vers les Etats-Unis qui voulaient la juger pour fraude bancaire.

Chassé-croisé

Depuis son avion, Meng Wanzhou a posté un message sur les réseaux sociaux chinois remerciant "le parti et le gouvernement".

"C'est cette nuance de rouge brillant chinois qui (...) me conduit sur le long chemin du retour", a-t-elle écrit.

Quant aux "deux Michael", comme ils sont appelés dans leur pays, c'est le Premier ministre Justin Trudeau qui a annoncé vendredi à la presse la fin de leur détention.

"Il y a 12 minutes, Michael Kovrig et Michael Spavor ont quitté l'espace aérien chinois, en route pour la maison", a-t-il dit, sans vouloir donner de détails sur les circonstances de leur libération, car "c'est une opération actuellement en cours".

Ils sont attendus samedi au Canada, a-t-il précisé.

Les "Deux Michaels" ont été arrêtés quelques jours seulement après Mme Meng pour ce qu'Ottawa a qualifié d'accusations d'espionnage "inventées de toutes pièces". De son côté, Pékin a qualifié le cas de Meng Wanzhou d'"incident purement politique".

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a rapidement salué la décision des autorités chinoises de libérer les deux Canadiens après leur détention "arbitraire".

Vers un abandon des poursuites?

Le départ de Meng Wanzhou pour la Chine est la concrétisation d'un accord spectaculaire rendu public vendredi par un tribunal de New York entre le ministère de la Justice et le mastodonte chinois des télécoms.

Lors d'une audience publique du tribunal fédéral de Brooklyn, le représentant du ministère de la Justice David Kessler avait proposé de "reporter" jusqu'au 1er décembre 2022 les "poursuites" engagées depuis fin 2018 contre Meng Wanzhou, notamment pour "complot" en vue de commettre une "fraude bancaire".

L'accord, entériné et qualifié de "sérieux" par le tribunal fédéral de Brooklyn - que le Wall Street Journal a été le premier à dévoiler - prévoyait aussi que Washington recommande à Ottawa de faire "libérer" Mme Meng et abandonne de facto toute demande d'extradition.

La justice américaine accusait la numéro 2 du géant chinois des télécoms d'avoir menti à un cadre de la banque HSBC lors d'une rencontre à Hong Kong en 2013, à propos des liens entre le groupe chinois et une filiale nommée Skycom qui vendait des équipements à l'Iran, exposant l'établissement à des sanctions américaines.

Selon le ministère de la Justice, Mme Meng a reconnu qu'elle avait fait à l'époque "de fausses déclarations" et "dissimulé la vérité" au cadre de HSBC sur les "activités de Huawei en Iran".

Si l'accord en justice n'est pas contesté ou rompu d'ici le 1er décembre 2022, les poursuites seront définitivement abandonnées, selon Washington.

En Chine, le fait que Meng Wanzhou a reconnu les faits a été effacée d'internet.

L'agence de presse d'État Xinhua a déclaré qu'elle rentrait en Chine "grâce aux efforts incessants du gouvernement chinois", tandis que le rédacteur en chef du journal d'État Global Times l'a déclarée "libérée après avoir plaidé non coupable".

Les médias d'État n'ont pas mentionné la libération des deux Canadiens.

Même si les liens entre le Canada et la Chine "ne reviendront probablement pas à ce qu'ils étaient auparavant", estime l'ancien ambassadeur canadien en Chine, Guy Saint-Jacques, la résolution de cette affaire signifie "une épine de moins" dans les relations bilatérales.

Mais le fait que la libération de MM. Kovrig et Spavor coïncide avec celle de Mme. Meng "confirme bien qu'il s'agissait d'une diplomatie des otages", considère-t-il.

"Je pense que cela enverra probablement la mauvaise leçon à la Chine", renchérit Lynette Ong, professeure associée de sciences politiques à l'Université de Toronto, "que la diplomatie des otages fonctionne".
T.L avec AFP