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Facture énergétique en hausse de 54%: comment l'inflation mine le pouvoir d'achat au Royaume-Uni

Au 1er avril, la facture d'électricité et de gaz de 22 millions de Britanniques a augmenté de 54% en moyenne. S'il a annoncé quelques mesures de soutien pour faire face à l'inflation, le gouvernement a décidé d'augmenter dans le même temps les cotisations salariales de 1,25 point.

A en croire les projections statistiques, c’est un choc de pouvoir d’achat d’une ampleur inédite depuis l’exercice 1956-1957 qui attend les Britanniques. Face à une inflation galopante, le revenu disponible des ménages outre-Manche devrait baisser cette année de 2,2%, selon l’Office for Budget Responsability (OBR), un organisme indépendant chargé des prévisions budgétaires au Royaume-Uni. Encore plus alarmiste, le groupe de réflexion Resolution Foundation table lui sur une chute de pouvoir d’achat de 4% en 2022.

La faute à une envolée des prix que les pouvoirs publics peinent à contrôler. A 5,5% en janvier sur un an, l’inflation britannique alimentée par la reprise post-Covid et la guerre en Ukraine a accéléré à 6,2% février, un niveau inédit depuis 1992. Le pic estimé à 8,7% est attendu par l’OBR à la fin de l’année. S’il se vérifiait, il s’agirait d’un record depuis 40 ans.

"Pressions sur le budget des ménages"

Les dernières publications d’indicateurs mesurant l’évolution de l’activité économique britannique sont pourtant rassurantes. Fin mars, l’Office national des statistiques (ONS) revoyait la croissance du Royaume-Uni au 4e trimestre 2021 en nette hausse, à 1,3%, contre 1% initialement prévu. Sur l’année, son PIB a ainsi progressé de 7,4%. L’indice PMI composite de l’activité globale du pays a lui aussi été rehaussé pour le mois de mars, à 60,9 après 59,9 en février. Signe de la bonne tenue du secteur privé.

Mais à y regarder de plus près, tout n’est pas si rose. D’abord, l’indice PMI de mars a surtout été porté par une accélération de la production dans les services quand celle du secteur manufacturier a enregistré sa plus faible croissance depuis octobre. Ensuite, "Les plus grosses contributions à l'augmentation" du PIB au 4e trimestre 2021 "sont venues du secteur de la santé" avec une hausse des visites chez le médecin, des tests de dépistage du Covid-19 "en plus d'une extension du programme de vaccination", a détaillé l'ONS.

La maison de recherche Capital Economics a ajouté pour sa part que "la révision à la hausse du PIB au dernier trimestre de l’an dernier n’est peut-être pas aussi encourageante qu’elle le semble car elle est due à une réévaluation des inventaires et parce que les dépenses des consommateurs sont revues en baisse, ce qui montre que les pressions sur le budget des ménages commence à se ressentir". Et ce d’autant plus aujourd’hui que l’augmentation des salaires nominaux pourtant conséquente en janvier (+4,8%) était encore inférieure à l’inflation.

Les Britanniques se tournent vers le discounters

Cette érosion du pouvoir d’achat pousse les consommateurs britanniques à adapter leurs comportements en se tournant davantage vers les enseignes de supermarchés discount. D’après le dernier panel Kantar relayé par Les Echos, les ventes d’Aldi et Lidl ont progressé outre-Manche de 3,6% sur douze semaines, alors que les prix de l’alimentaire ont pris 5,2% le mois dernier. Les deux enseignes allemandes ont ainsi vu leurs parts de marché atteindre des niveaux records, à respectivement 8,6 et 6,4%. Tandis que les marques distributeurs pèsent désormais 50,6% du marché, contre 49,9% il y a un an.

De leur côté, les ventes de véhicules neufs au Royaume-Uni ont dégringolé de 14% en mars pour atteindre leur plus faible niveau depuis 1998. Certes, la pénurie mondiale de semi-conducteurs et les perturbations dans la chaîne d’approvisionnement renforcées par la guerre en Ukraine ne sont pas étrangères à cette chute, mais "la hausse des coûts de l’énergie, des prix du carburant, l’inflation et la compression des revenus des ménages pourraient avoir une incidence sur la demande de véhicules neufs", estime l’association professionnelle de l’industrie automobile britannique, Society of Motor Manufacturers and Traders.

Une facture énergétique qui explose

Comme ailleurs en Europe, les consommateurs britanniques sont surtout confrontés à une explosion des prix de l’énergie. Au 1er avril, la facture annuelle d’électricité et de gaz des ménages a déjà augmenté de 54%, à 1971 livres (2360 euros), pour 22 millions de clients qui bénéficient de tarifs encadrés outre-Manche. Soit une hausse de 693 livres en moyenne (plus de 830 euros).

"Cette hausse est due à une augmentation record des prix mondiaux du gaz au cours des six derniers mois, les prix de gros ayant quadruplé au cours de l'année dernière", a précisé l'Ofgem, autorité britannique de l'énergie, dans son communiqué. A ce rythme, les factures d’énergie pourraient encore augmenter de plus de 40% en octobre, a prévenu le régulateur.

Mesures de pouvoir d'achat... et hausse des cotisations

Sous la pression de l’opinion, le gouvernement britannique pas vraiment pressé de ressortir le chéquier après le soutien financier consenti pendant la crise sanitaire a fini par annoncer de nouvelles aides pour le pouvoir d’achat fin mars. Parmi elles, une baisse des taxes sur les carburants de 5 pence par litre, une TVA à taux 0 sur les équipements pour l’isolation des logements et une hausse du seuil à partir duquel les employés sont soumis aux cotisations sociales. Cette dernière mesure à 6 milliards de livres permettra aux travailleurs modestes de voir leurs prélèvements baisser de 330 livres en moyenne.

Reste que dans le même temps, le ministre des Finances britannique, Rishi Sunak, a maintenu la hausse de 1,25 point des cotisations sociales au 1er avril pour tous les salariés et travailleurs indépendants. Cette mesure visant à améliorer le financement du système de santé public avait été décidée en septembre dernier. Elle représente 12 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les salaires.

Autrement dit, les mesures de pouvoir d’achat permettront seulement de compenser une partie de la hausse des cotisations. Avec une inflation qui accélèrera encore dans les mois qui viennent, les ménages devraient donc bien voir leur revenu disponible se tarir. En conséquence, l’OBR qui tablait initialement sur une croissance de l’économie britannique de 6% en 2022 a été contraint de revoir sa position, invoquant les conséquences de la hausse des prix et de la guerre en Ukraine. Il anticipe désormais un ralentissement, avec une croissance de 3,8%.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco