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Face à la multiplication des grèves, le gouvernement britannique impose un service minimum

Le Royaume-Uni est secoué depuis plusieurs mois par des mouvements sociaux. Accusé d'inaction, le gouvernement conservateur a annoncé l'instauration d'un service minimum dans plusieurs secteurs.

Confronté à d'importants mouvements sociaux et accusé d'inaction, le gouvernement britannique a montré les muscles face aux grévistes en annonçant jeudi l'instauration d'un service minimum dans plusieurs secteurs, au risque d'aggraver encore les crispations sociales. Cheminots, ambulanciers, infirmières... Le Royaume-Uni est secoué ces derniers mois par des mouvements sans précédent depuis l'époque Thatcher dans les années 1980 pour de meilleurs salaires, l'inflation supérieure à 10% pesant sérieusement sur le coût de la vie.

Ces grèves se sont encore accentuées en fin d'année face à la fermeté du gouvernement conservateur qui refuse à ce stade les augmentations demandées par les grévistes, entraînant des perturbations massives dans plusieurs secteurs, en particulier dans le transport ferroviaire et surtout le système de santé, déjà exsangue.

À la peine dans les sondages après une année de scandales politiques et d'aggravations économiques, le gouvernement conservateur a surtout choisi de contrer l'impact des grèves, en mobilisant l'armée durant les fêtes de fin d'année pour remplacer les grévistes, et en promettant de "nouvelles lois dures". Jeudi, il a ainsi confirmé qu'il présenterait "rapidement" une loi visant à instaurer un service minimum dans plusieurs secteurs sensibles.

Pompiers et ambulanciers

"Il doit y avoir un niveau minimum de sécurité sur lequel la population peut compter, même en cas de grève, en particulier dans le secteur de la santé", a déclaré sur plusieurs médias le ministre aux Entreprises Grant Shapps. "Les autres économies modernes européennes ont toutes des niveaux de sécurité minimum (...) et nous les introduirons dans la loi maintenant également", a-t-il ajouté. Ce service minimum s'imposerait chez les pompiers, les ambulanciers et dans le secteur ferroviaire, selon un document publié par l'exécutif.

Le gouvernement entend laisser syndicats et employeurs discuter pour définir ces "niveaux de sécurité minimum", mais "ce que nous allons faire c'est donner le pouvoir (au législateur) de l'imposer si c'est nécessaire", a détaillé le ministre. Parallèlement, le gouvernement a annoncé son intention "d'inviter" les syndicats pour "des discussions honnêtes et constructives" sur l'évolution des salaires pour l'année à venir.

Les mouvements sociaux et désormais la crise du système de santé, avec des patients qui attendent des heures des ambulances ou dans les couloirs des urgences, dominent l'actualité. Les médecins demandent des mesures d'urgence pour éviter des morts inutiles tandis que les syndicats appellent le gouvernement au dialogue.

"Une attaque contre le droit de grève"

Tentant de reprendre l'initiative dans son premier discours de l'année mercredi, le Premier ministre Rishi Sunak n'a fait aucune annonce précise, laissant nombre d'observateurs sur leur faim. Il a simplement affirmé que la porte était "toujours ouverte" pour dialoguer mais que ces discussions devaient être basées sur ce qui est "raisonnable" et "abordable" financièrement pour le pays. L'instauration d'un service minimum a sans surprise suscité une levée de boucliers de la part des syndicats.

"Quand on pensait que le gouvernement ne pouvait pas tomber plus bas, des ministres affirment qu'ils cherchent des accords pour arrêter les grèves en les rendant illégales", a réagi le syndicat PCS, promettant de "résister". Le secrétaire général du TUC Paul Nowak a lui fustigé "une attaque contre le droit de grève". "C'est une attaque contre les travailleurs et c'est une attaque contre l'une des plus anciennes libertés" au Royaume-Uni, a-t-il ajouté, regrettant que cette annonce "n'offre rien de plus pour aider sur les salaires et la crise du coût de la vie".

Jeudi matin, le chef de l'opposition travailliste Keir Starmer avait aussi critiqué la perspective d'une telle mesure. "Je ne pense pas qu'une loi est le moyen de mettre fin à des mouvements sociaux. Vous devez vous mettre autour de la table et faire des compromis", a-t-il déclaré dans son discours de rentrée.

Des élections à l'horizon

À deux ans au plus tard des prochaines élections législatives, pour lesquelles les travaillistes sont favoris face à des conservateurs usés après près de 13 ans au pouvoir, il a aussi fustigé les "platitudes" du discours prononcé la veille, au même endroit, par Rishi Sunak dans lequel il avait listé de vagues promesses sur l'immigration, la santé et l'économie, mais sans mesure concrète.

J. Br. avec AFP