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COP28: frictions entre pays riches et en développement sur le protectionnisme vert

Le Sud reproche au Nord la mise en place de nouvelles réglementations sur les importations. Il estime que celles-ci peuvent avoir des "conséquences inattendues", défavorable à son développement.

Les pays participant aux conférences de l'ONU sur le climat arrivent en vantant leurs investissements massifs dans la transition énergétique. Mais tout cela pourrait-il handicaper les pays en développement?

L'accusation, portée par les puissantes économies émergentes, est devenue une question majeure à la COP28 à Dubaï cette semaine. Les Etats-Unis et l'Europe sont les premiers visés, l'Union européenne en raison de sa nouvelle taxe carbone aux frontières sur les importations. "Les réglementations commerciales peuvent avoir des conséquences inattendues, et nous devrions y réfléchir un peu", a déclaré le président de la Banque mondiale, Ajay Banga, lors d'un événement très couru à Dubaï, dans une salle où se pressait Premiers ministres, patrons et diplomates.

Les nations sont divisées sur la meilleure façon de gérer un nombre croissant de différends commerciaux liés au climat, une question qui n'a jamais été abordée lors des réunions de la COP. L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a reçu environ 18.000 plaintes concernant les politiques vertes, mais le commerce reste encore souvent négligé par les décideurs climatiques, a noté la directrice générale de l'OMC, Ngozi Okonjo-Iweala.

Frictions

Le Brésil, la Chine, l'Inde et l'Afrique du Sud ont demandé que "leurs préoccupations concernant les mesures unilatérales et coercitives liées au changement climatique" soient ajoutées à l'ordre du jour de la COP28, mais cette demande n'a pas été acceptée. Le sujet s'est néanmoins imposé dans les discussions de la COP28, qui a accueilli lundi la toute première journée dédiée au commerce.

Dans les coulisses, le contentieux autour du commerce vert a mis en évidence ce qui, selon les experts, pourrait devenir un élément de friction dans les futures négociations sur le climat si rien n'est fait pour y remédier. "Cela devient un sujet très brûlant", a déclaré à l'AFP Alden Meyer, du groupe de réflexion E3G.

Les observateurs affirment que l'impact sur les pays les plus pauvres, en particulier en Afrique, de la taxe carbone aux frontières de l'UE est un point particulièrement sensible. La Chine a critiqué ce projet et a appelé à Dubaï à l'établissement de normes commerciales convenues à l'échelle mondiale. "Nous devons permettre, sans imposer aucune barrière, l'entrée sur les marchés des produits qui répondent à ces normes", a déclaré l'émissaire chinois pour le climat, Xie Zhenhua, lors du même événement cette semaine.

Craintes de délocalisations

Les pays riches estiment que l'OMC est plus compétente que les conférences de l'ONU pour aborder ces sujets. Ces frictions risquent de "s'infiltrer et de se propager dans différents contextes", a fait valoir Trevor Sutton, directeur de recherche au Yale Center for Environmental Law and Policy. Ce sujet divise aussi les pays riches. L'"Inflation Reduction Act" (IRA), le grand plan climat de du président américain Joe Biden, inquiète ses alliés en Europe et en Asie.

La loi offre des milliards de dollars de subventions pour les technologies renouvelables et des allègements fiscaux pour les véhicules électriques et les batteries fabriqués aux Etats-Unis, créant un désavantage économique pour les productions d'ailleurs. En Europe, l'IRA suscite des craintes de délocalisations massives vers les Etats-Unis.

"Changer les règles commerciales"

Les observateurs estiment que la perception selon laquelle les pays riches protègent leurs propres industries aux dépens des autres risque d'éroder la confiance, un élément essentiel des COP où les décisions sont adoptées par consensus. "S'il y a une perte de confiance, de nombreux pays vont penser simplement qu'il s'agit de mesures protectionnistes (...) d'un obstacle à leur développement", a souligné la cheffe du commerce de l'ONU, Rebeca Grynspan, lors d'un discours lundi en marge de la COP28.

Cela survient également alors que les pays dits du Sud ont exhorté les pays les plus riches à tenir leurs promesses de payer pour l'impact du réchauffement climatique. "Il doit y avoir un programme beaucoup plus réfléchi pour changer les règles commerciales" (...) "sans discrimination à l'encontre du Sud", a ainsi déclaré à l'AFP Lidy Nacpil, militante philippine spécialiste de la question de la dette.

T.L avec AFP