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Arrêtons de tout attendre de la politique monétaire !

Le mandat de Mario Draghi à la tête de la BCE expire fin octobre

Le mandat de Mario Draghi à la tête de la BCE expire fin octobre - FREDRIK VON ERICHSEN / AFP

Il serait raisonnable de cesser de tout attendre de la politique monétaire pour revenir aux théories des grands anciens sur le cycle, assure notre éditorialiste Jean-Marc Daniel.

Chaque jour nous apporte un nouveau commentaire enthousiaste ou va-t-en-guerre sur l’action des banques centrales, désormais élevées au rang de gourou moderne de la politique économique, institutions tout puissantes garantissant aux populations inquiètes la croissance et, finalement, le plein emploi. Or, à y regarder de près, tandis que la croissance ralentit un peu partout depuis 2 ans et que l’accumulation de dettes, notamment de dette publique, devient suffisamment inquiétante pour que les ménages, y compris aux Etats-Unis, augmentent leur taux d’épargne, il serait raisonnable de cesser de tout attendre de la politique monétaire pour revenir aux théories des grands anciens sur le cycle et sur l’efficacité de la dite politique monétaire.

Au début du XXe siècle, Albert Aftalion la comparait, dans ses travaux sur les cycles économiques, à une fenêtre. En phase de « surchauffe » (c’est lui qui a introduit l’expression pour caractériser une période de tension sur les capacités de production induisant une poussée d’inflation), on ouvre la fenêtre pour refroidir (on durcit la politique monétaire) ; en revanche, en phase de récession, on la ferme, en ayant conscience que cela ne fera pas monter la température. Cette idée a été reprise dans l’image de l’élastique ou du ressort, popularisée par JK Galbraith, selon laquelle un ressort peut freiner une locomotive qui va trop vite, mais ne pousse pas et ne fait pas démarrer un train à l’arrêt. 

Samuelson a synthétisé toutes ces métaphores en rappelant le rôle de chaque composante de la politique économique dans le cycle. La politique monétaire doit se traduire par des taux élevés dans la période de forte expansion et d’excès de demande. Cet excès de demande, qui se traduisait naguère par de l’inflation, se traduit de plus en plus par un déficit extérieur (c’est le cas aux Etats-Unis) ou encore, dans les économies vieillissantes comme l’Allemagne ou le Japon, naturellement épargnantes, par un infléchissement du taux d’épargne. En revanche, dans les périodes de récession, elle doit venir au secours de la politique budgétaire. Cette dernière intervient alors pour soutenir l’activité en laissant se creuser un déficit conjoncturel dont le coût sera d’autant plus supportable que les taux d’intérêt seront bas.

En résumé, pour Samuelson, la politique monétaire n’est là ni pour donner de l’inflation, mais pour la combattre, ni pour relancer l’activité économique, mais pour faire en sorte que la relance budgétaire soit la moins pénalisante possible en termes de charge d’intérêt.

A oublier ces sages principes, on a conduit les banques centrales à mener des politiques procycliques et à se réfugier, pour masquer leur impuissance et leur incapacité à résoudre des problèmes pour lesquels elles ne sont pas armées, dans des justifications absconses et en fin de compte ridicules (cf le célèbre « si vous avez compris ce que j’ai dit, c’est que je me suis mal exprimé » de Greenspan …)