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Argentine: l'élan dérégulateur du gouvernement de Javier Milei à l'épreuve du parlement

Le parlement argentin examine depuis mercredi un texte déjà amputé de près de la moitié de ses articles. Des milliers d'opposants ont manifesté contre celui-ci à l'appel de mouvements sociaux et de gauche radicale.

Après le test de la rue, celui des élus. Le parlement argentin examine depuis mercredi les réformes dérégulatrices du président ultralibéral Javier Milei, un projet déjà fortement amendé par un exécutif contraint aux compromis parlementaires et voué à un débat de plusieurs jours.

La Chambre des députés a commencé à la mi-journée à débattre du texte, à la fois volumineux et polémique, baptisé "Loi des bases et points de départ pour la liberté des Argentins". Les parlementaires s'apprêtaient à une session marathon sur plusieurs jours, avec près de 200 orateurs prévus.

A l'extérieur, quelques milliers d'opposants aux réformes ont manifesté, à l'appel de mouvements sociaux et de gauche radicale. Quelques heurts ont opposé en fin de journée une partie des manifestants à la police, qui dégageait les axes proches du Parlement et a fait usage de gaz lacrymogène, a constaté l'AFP. Mobilisation toutefois sans commune mesure avec la grève générale et les manifestations dans plusieurs villes du 24 janvier, première contestation d'ampleur pour Milei, après un mois et demi au pouvoir.

Texte amputé

Le train de réformes, surnommé "Loi omnibus", comportait initialement 664 articles, touchant quasiment tous les domaines, du système électoral à l'éducation, de la culture aux privatisations, au code pénal, commercial, à la légitime défense, la lutte contre les incendies, le divorce, le statut des clubs de football... Après des semaines de tractations, il a été amputé de près de la moitié des articles: notamment, une série de réformes fiscales cruciale - pour lesquelles le gouvernement a dit se laisser du temps - et la modification controversée de l'indexation des retraites.

Concessions en partie inévitables en raison de l'arithmétique au parlement, où le jeune parti de Javier Milei, La Libertad Avanza, n'est que la troisième force. Loin du succès personnel de Milei à la présidentielle (55,6%). Restent des points de contentieux: les privatisations - le géant pétrolier YPF en a été exclu mais 40 entreprises restent visées-, et la délégation temporaire de pouvoirs accrus à l'exécutif au nom de "l'urgence économique" et sociale.

"Réparer le dommage"

Les députés devaient dans un premier temps, jeudi sans doute, procéder à un vote dit "général", sur le principe de la loi, avant l'examen des articles dans le détail. Le scénario reste incertain: des députés de l'opposition centriste sont prêts à donner "des possibilités de gouverner" à l'exécutif, mais restent réticents sur la délégation de pouvoirs, sa durée, son extension. Pour Martin Tetaz, "un tiers du projet va avoir des difficultés à être approuvé" en l'état et son bloc exigera des modifications.

Dans l'opposition de gauche, le député Hugo Yasky a exhorté la Chambre à ne pas voter la délégation de pouvoirs, "chèque en blanc à un admirateur de Vox, Bolsonaro, Trump et de toute l'extrême droite du monde". "Aujourd'hui, la politique a l'opportunité de commencer à réparer le dommage qu'elle a causé au peuple argentin", a lancé le président Milei sur le réseau social X, appelant à voter des réformes "fondamentales pour libérer les forces productives".

Inflation mensuelle record

Javier Milei, un économiste de 53 ans se définissant comme "anarcho-capitaliste", a bousculé la politique argentine en deux ans d'ascension éclair - député en 2021 puis président en novembre 2023 - avec un programme de dérégulation et de "tronçonnage" d'un "Etat ennemi" et dispendieux. "Il n'y pas de plan B" à l'austérité budgétaire, a-t-il encore martelé ces derniers jours, pour stabiliser une économie endettée et étranglée par une inflation chronique, à 211% sur l'année 2023.

De fait, ses mesures les plus fortes à ce jour affectent déjà le quotidien de millions d'Argentins: une dévaluation de plus de 50% du peso en décembre, des prix "libérés" - que le gouvernement précédent tentait d'encadrer tant bien que mal - et la fin des subventions aux transports, à l'énergie notamment.

Premier impact concret: une inflation mensuelle record à 25% en décembre (20% pressentis en janvier). M. Milei lui-même a prévenu que les choses "allaient empirer" dans un premier temps, avec une "stagflation" (stagnation de l'activité combinée à une inflation élevée) en 2024.

"Mesures audacieuses"?

Mardi, le FMI qui anticipait 2,8% de croissance en Argentine en 2024, a révisé ses prévisions et projette une récession, -2,8%, de la 3e économie d'Amérique latine, sous l'effet des mesures d'austérité. Le pays serait ainsi le seul du G20 en récession en 2024, avant une reprise à +5% en 2025, selon le Fonds.

Néanmois, sa présidente Kristalina Georgieva a estimé que le gouvernement ultralibéral de Milei prend des mesures économiques "audacieuses", après avoir approuvé le déblocage d'un versement d'environ 4,7 milliards de dollars à l'Argentine mercred.

"La nouvelle administration prend des mesures audacieuses pour restaurer la stabilité macroéconomique et commencer à s'attaquer aux obstacles à la croissance", a déclaré Kristalina Georgieva dans un communiqué à l'issue d'une réunion du conseil d'administration.

T.L avec AFP