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Afrique, climat, céréales, Ukraine, Bharat, cinq points à retenir sur la réunion du G20 à New Delhi

Les dirigeants du G20 réunis à New Delhi ont été invités dimanche à rendre hommage, pieds nus, au Mahatma Gandhi, héros de l'indépendance indienne, au mémorial qui lui est dédié.

Les dirigeants du G20 réunis à New Delhi ont été invités dimanche à rendre hommage, pieds nus, au Mahatma Gandhi, héros de l'indépendance indienne, au mémorial qui lui est dédié. - Ludovic MARIN

Le sommet du G20 présidé par le Premier ministre indien Narendra Modi samedi à New Delhi, en l'absence de Xi Jinping et Vladimir Poutine, a abouti contre toute attente à une déclaration finale consensuelle, mais non sans compromis.

Les dirigeants du G20 se sont réunis à New Delhi ce week-end, leur hôte, le Premier ministre Narendra Modi, espérant faire valoir l'influence diplomatique croissante de l'Inde et faciliter le dialogue sur l'Ukraine ou le réchauffement climatique en l'absence de Xi Jinping et Vladimir Poutine.

De profonds désaccords sur la guerre de la Russie en Ukraine, l'abandon progressif des combustibles fossiles et la restructuration de la dette, au menu de ce sommet de deux jours, rendront difficile une déclaration finale dimanche.

Le prochain sommet doit se tenir en novembre 2024 à Rio de Janeiro. Au cours d'un entretien diffusé samedi soir sur la chaîne télévisée indienne Firstpost, Lula a assuré que M. Poutine recevrait une invitation, assurant qu'il n'y serait pas arrêté, en dépit d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) émis en mars, qui accuse le président russe de crimes de guerre pour la déportation d'enfants ukrainiens.

Ce qu'il faut retenir du sommet de New Delhi.

G20 + l'Union africaine

Le G20 a intégré officiellement l'Union africaine (UA), un signal fort pour l'Afrique et une victoire diplomatique pour l'Inde qui s'affiche comme leader des pays du Sud.

C'est l'une des premières annonces concrètes de ce club des plus grandes économies mondiales, avec un important projet d'infrastructures au Moyen-Orient pour lequel un accord doit être signé en marge du G20.

L'entrée de l'Union africaine au G20 va offrir "une voix et une visibilité" à l'Afrique, continent qui affiche aujourd'hui "la croissance la plus rapide", et lui permettra de faire valoir ses intérêts et ses points de vue au sein de l'instance, selon le président kényan William Ruto.

Etablie à Addis Abeba, capitale de l'Ethiopie, l'UA compte 55 membres (dont six suspendus), totalisant trois mille milliards de dollars de PIB. Le continent n'était jusque-là représenté au G20 que par un seul Etat, l'Afrique du Sud, dont le président Cyril Ramaphosa s'est dit "ravi" de la place offerte à l'UA.

Climat: un "strict minimum"

Profondément divisé sur l'avenir du pétrole, le G20 a échoué à appeler à une sortie des énergies fossiles dans sa déclaration finale, mais soutient pour la première fois l'objectif de tripler les renouvelables d'ici 2030, un "strict minimum" à trois mois de la 28e Conférence climat des Nations unies.

Le président français Emmanuel Macron a même jugé "insuffisants" les résultats du sommet du G20 de New Delhi en matière de climat et a "alerté tout le monde" sur la nécessité de fixer des objectifs plus ambitieux notamment sur la sortie du pétrole

La question d'une éventuelle sortie des énergies fossiles, cause essentielle de la crise climatique de plus en plus sévère, est cette année au coeur des négociations internationales censées culminer en décembre à la COP28 de Dubaï.

L'année 2023 est en voie de devenir la plus chaude jamais connue par l'humanité. Et une sortie des énergies fossiles sans captage de CO2 ("unabated) est jugée "indispensable" par le premier bilan de l'accord de Paris, publié vendredi par l'ONU Climat. Le G7 en a approuvé le principe au printemps, tout en échouant à fixer un calendrier.

"Couloir" logistique au Moyen-Orient

Les Etats-Unis ont poussé, à l'occasion du G20, pour un ambitieux projet de "couloir" logistique reliant l'Inde et l'Europe au Moyen-Orient, avec un rôle de premier plan pour l'Arabie saoudite. Un accord de principe a été signé entre les Etats-Unis, l'Inde, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l'Union européenne, la France, l'Allemagne et l'Italie.

"C'est vraiment important": commentant cette signature, le président américain a parlé d'un accord "historique" lors d'une table ronde rassemblant les dirigeants concernés.

A la fin de la réunion, Joe Biden s'est approché de Narendra Modi et du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, pour une poignée de main collective.

Ukraine: l'"agression" russe pas mentionnée

Concernant l'Ukraine, si la déclaration finale dénonce l'"emploi de la force" visant à obtenir des gains territoriaux, le texte ne fait pas mention explicitement d'une "agression" russe en Ukraine, expression pourtant utilisée en 2022 lors du précédent sommet du G20 à Bali dans une référence à une résolution de l'ONU qui avait déploré "dans les termes les plus vifs l'agression commise par la Fédération de Russie contre l'Ukraine".

Si Kiev avait affirmé dès samedi, par la voix d'un porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, que "le G20 n'a pas de quoi être fier", le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a estimé pour sa part dimanche que "le sommet est sans aucun doute un succès".

"Nous avons été capables de déjouer les tentatives de l'Occident pour +ukrainiser+ l'ordre du jour du sommet", s'est félicité lors d'une conférence de presse à New Delhi M. Lavrov, qui emmenait la délégation russe en l'absence du président Vladimir Poutine. "Le texte ne mentionne pas la Russie du tout."

"L'Inde, c'est le Bharat"

Narendra Modi a ouvert le G20 derrière une plaque où son pays était identifié comme "Bharat", soit le plus fort signal à ce jour d'un potentiel changement du nom officiel "India", hérité du passé colonial.

L'Inde et le Bharat sont les deux noms officiels du pays en vertu de sa Constitution, dont l'article 1 commence par: "L'Inde, c'est le Bharat". Le mot "Bharat" remonte aux anciens textes hindous écrits en sanscrit.

Mais les membres du BJP, le parti nationaliste hindou au pouvoir, ont déjà fait campagne contre l'utilisation du nom "Inde", qui trouve ses racines dans l'Antiquité occidentale et a été imposé par le Royaume-Uni.

Les hindous constituent l'écrasante majorité des 1,4 milliard d'habitants de l'Inde, mais de nombreuses minorités religieuses, en particulier les plus de 200 millions de musulmans, craignent que Modi ne veuille refaire du pays une nation hindoue.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama avec AFP Journaliste BFM Éco