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Inflation: faut-il une nouvelle ristourne sur les carburants?

Malgré la nouvelle envolée des prix des carburants, qui flirtent régulièrement avec les 2 euros/litre dernièrement, le gouvernement a maintenu sa position de ne pas réinstaurer des systèmes de remise à la pompe.

Si vous avez décidé de faire votre plein pendant cette rentrée, vous risquez de tomber de haut. Les carburants à la pompe avoisinent de nouveau les 2 euros le litre et la question du rétablissement de la ristourne accordée par le gouvernement l’année dernière refait surface. Une mesure que défend notamment Xavier Bertrand, président LR de la région Hauts-de-France.

Des prix à la pompe similaires à l’an passé

"Le prix du pétrole brut est encore en train d’augmenter et ce n’est pas une bonne nouvelle", explique, sur BFMTV, Jean-Louis Schilansky, ancien président de l'Union Française des Industries Pétrolières (UFIP) en évoquant un baril passé de 70 dollars début juillet à 90 dollars début septembre.

"Il est bien possible que le prix continue d’augmenter si la politique des producteurs de pétrole, en particulier l’Arabie Saoudite, reste la même: c'est-à-dire fermer les robinets pour faire monter les prix."

Francis Pousse, président national de la branche distributeurs carburants et énergies nouvelles du syndicat Mobilians ajoute que malheureusement l’euro est aujourd’hui plus faible et ne permet pas d’amortir cette inflation. "Quand on passe le seuil psychologique des 2 euros [le litre], on vend moins et cela met à mal beaucoup de stations, en particulier en zone rurale."

L’année dernière, autour de mi-juillet, les prix des carburants avaient atteint le même seuil et l’État avait décidé d’accorder plusieurs remises pour les conducteurs français:

  • 30 centimes/litre du 1er septembre au 15 novembre 2022
  • 10 centimes/litre du 16 novembre au 31 décembre 2022
  • 100 euros d’indemnité carburant sur l’année 2023

Au total, 10 millions de ménages ont finalement bénéficié de l’indemnité carburant. Une mesure dont le coût total a été estimé à 8 milliards d’euros pour l’État et surtout, ce sont les ménages les plus aisés qui ont bénéficié en majorité de ces aides. 25% d’entre eux sont parvenus à économiser 64 à 115 euros en 2022. En comparaison, 25% des ménages les plus modestes n’ont réalisé que 48 euros d’économie.

Une ristourne bienvenue?

Faut-il alors réinstaurer un système de ristourne ou de blocage des prix à la pompe pour sauvegarder le pouvoir d’achat des Français, comme le défend Xavier Bertrand?

Pour Jean-Louis Schilansky, ancien président de l'Union Française des Industries Pétrolières (UFIP), "c’est un moyen très efficace de faire baisser les prix rapidement".

"C’est plus flexible que la baisse de la TVA. Le problème est que cette mesure est très coûteuse. Pour l’automobiliste, c’est bingo mais pour les finances publiques, c’est très compliqué", complète-t-il.

Un fait que Charles Rodwell, député Renaissance des Yvelines, confirme en rappelant à quel point la crise sanitaire et l’inflation ont gonflé la dette publique. "La crise Covid c’est près de 400 milliards d’euros qui ont été mis sur la table, la hausse des prix de l’électricité, c'est 70 milliards d’euros, la dernière ristourne [à la pompe], c’est 8 milliards d’euros. Cet argent, on doit le rembourser", insiste-t-il.

"La ristourne proposée par Les Républicains n’est pas une bonne solution, dénonce-t-il. Il faudrait dilapider des milliards d’euros pour une ristourne qui toucherait tout le monde, quel que soit le revenu?".

Le député fait valoir les choix budgétaires passés qui ont permis de dégager à la rentrée des revalorisations salariales: 125 à 250 euros pour les enseignants, 25% en plus pour les aides-soignants mobilisés la nuit et 25% en plus pour ceux sur le pont le dimanche. Le blocage des prix sur 5000 produits du quotidien est aussi invoqué.

"La France qui roule va râler"

"Entre la rentrée 2022 et la rentrée 2023, la différence c’est que le gouvernement a pris la décision de tenir un budget plus rigoureux", décrypte Bruno Jeudy, Éditorialiste politique de BFMTV. "La politique des boucliers ne va pas être continuée, Bruno Le Maire l’a dit sur tous les tons avant l’été et à la rentrée [...] et la France qui roule va râler."

"On vit dans un monde totalement fou où on doit se réjouir que Total ne dépassera pas les 1,99 au litre. Une ristourne serait donc évidemment la meilleure des nouvelles! Les automobilistes en ont marre", martèle Pierre-Olivier Marie, rédacteur en chef adjoint de Caradisiac.com.

"C’est une catastrophe pour les automobilistes [...] aujourd’hui on est sans filet", s’inquiète Fabrice Godefroy, expert mobilité et environnement à l’Association 40 millions d’automobilistes. "Il y a un moment où il faudra arrêter les rustines, d’autant plus que les automobilistes vont devoir faire face au malus sur le taux de CO2 en 2024, un malus sur le poids du véhicule qui va se renforcer, des taxes sur les carburants, le péage qui augmente…"

Un contexte peu rassurant et qui présage des crispations sociales similaires au mouvement des Gilets Jaunes, qui s’est soulevé en octobre 2018 alors que le prix de l’essence affichait "seulement" 1,50€ à la pompe.

Pierre Berthoux