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Gel des prix, TVA à 0%... La Hongrie et l'Espagne ont-elles réussi à endiguer l'inflation alimentaire ?

Les prix alimentaires en hausse de 16,5% en mars sur un an en Espagne.

Les prix alimentaires en hausse de 16,5% en mars sur un an en Espagne. - AFP

Sur BFMTV, Bruno Le Maire a fustigé les oppositions qui préconisent des gels de prix ou des taux de TVA à 0% pour endiguer l'inflation alimentaire. Prenant les cas de deux pays qui ont tenté cette stratégie.

Alors que l'inflation alimentaire n'en finit pas de grimper en France, frôlant les 16% en mars, l'exécutif devrait-il s'inspirer d'initiatives mises en place par nos voisins européens pour éteindre la flambée ?

C'est ce qu'estiment les oppositions au Parlement qui du côté du RN réclament une TVA à 0% sur les produits de première nécessité ou encore un blocage des prix dans les rangs de la Nupes.

"Je ne vois que la répétition de mêmes vieilles recettes qui n'ont jamais marché", a assuré ce mardi sur BFMTV Bruno Le Maire.

Et le ministre de l'Economie de prendre deux exemples en Europe: ceux de l'Espagne et de la Hongrie.

L'Espagne n'a pas endigué les prix avec sa TVA à 0%

Concernant d'abord le premier, notre voisin ibérique a mis en place au début de l'année un taux de TVA à 0% pour toutes les denrées de première nécessité comme le pain, le lait, le fromage, les fruits, les légumes ou les céréales. D’autres aliments comme l’huile et les pâtes ont été déclassés d’un taux de TVA de 10% à 5%.

"Quels sont les résultats ? Baisse de la TVA en janvier, augmentation des prix alimentaires 14,6% en janvier, 15,7 en février, 16,3% en mars, joli résultat", a commenté le ministre français de l'Economie.

Qu'en est-il vraiment? On constate d'abord que le taux d'inflation a fortement chuté en mars de l'autre côté des Pyrénées. Avec un taux global de 3,3%, l'Espagne est aujourd'hui un des pays qui a le mieux endigué l'inflation pour le moment.

Mais ce chiffre est exclusivement du à la baisse des prix des carburants et de l'électricité sur un an. Car dans l'alimentaire, les prix ont continué leur hausse. Selon l'institut INE (l'Insee espagnol), la hausse des prix alimentaires s'est même légèrement accélérée depuis la mise en place des taux réduits de TVA.

Décembre 2022: 15,7%

Janvier 2023: 15,4%

Février 2023: 16,6%

Mars 2023: 16,5%

On peut faire l'hypothèse que la hausse des prix aurait été encore plus forte si la TVA n'avait pas baissé. Mais ce qui est certain c'est que les consommateurs espagnol n'ont pas gagné de pouvoir d'achat avec cette baisse.

En France, la hausse des prix alimentaires a été plus importante sur la période. Selon l'Insee, elle est passée de 12,1% en décembre à 15,9% en mars. Un rythme d'accélération plus élevé que chez notre voisin mais au final l'inflation alimentaire reste légèrement en dessous en France alors que l'Espagne a renoncé dans le même temps à 10 milliards d'euros de rentrées fiscales avec ses taux de TVA réduits. Cette absence de résultat flagrant n'a pas empêché son voisin portugais d'adopter la même stratégie en mars.

"On sait bien que quand on baisse la TVA ça ne va pas dans la poche des consommateurs, ça va dans la poche des distributeurs, des industriels ou de ceux qui peuvent en bénéficier directement", rappelle Bruno Le Maire.

La Hongrie entre pénurie et flambée des prix record

Qu'en est-il de la Hongrie et de sa tentative de blocage des prix? Pour rappel, fin 2021, en pleine campagne pour sa réélection, le premier ministre hongrois Viktor Orban a annoncé un plafonnement des prix qui portait à la fois sur le carburant et les produits alimentaires. S'il a depuis supprimé en décembre le plafonnement des prix sur le carburant suite à une chute de 30% des importations causant de nombreuses pénuries dans le pays, celui des prix des produits alimentaires de base est toujours en vigueur.

Depuis fin 2021, les prix du blanc de poulet, des oeufs, de l'huile de tournesol, des pommes de terre, du sucre ou encore du lait sont bloqués à leur niveau d'octobre 2021. Une mesure plutôt symbolique qui ne concernait au final qu'une poignée de produits (parmi les plus consommés par les Hongrois) mais qui aurait eu des effets pervers selon les observateurs.

Avec la guerre en Ukraine et l'explosion de leurs coûts, les producteurs hongrois contraints de vendre leurs produits à perte se sont rattrapés en faisant flamber les prix de produits voisins. Le blanc de poulet est bloqué? Les cuisses de poulet et le blanc de dinde ont flambé. Le sucre en poudre est gelé? Le prix du sucre cristal a explosé.

"Les prix des produits proches des produits aux prix gelés ont parfois immédiatement bondi de 50%", résume dans Les Echos Grzegorz Sielewicz, chez Coface.

Les consommateurs ont donc massivement stocké les quelques produits à prix bloqués qui se sont donc retrouvés en pénurie, nourrissant d'autant plus la hausse des tarifs des produits non bloqués.

Au final, la Hongrie est le pays d'Europe qui subit la plus forte hausse des produits alimentaires depuis un an. Selon les données de la Banque Mondiale, de 11,3% de hausse en février 2022, l'inflation des prix alimentaires a dépassé les 30% en août dernier et stagne depuis au dessus des... 44%. Un niveau plus important qu'en Ukraine en guerre depuis plus d'un an (33% en janvier).

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco