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Football, NFT et spéculation: l'ascension stratosphérique de la startup française Sorare

Créée en 2018, l'entreprise a réalisé une levée de fonds record pour être désormais valorisée à 4,3 milliards de dollars. Elle propose des cartes à jouer virtuelles, rendues uniques grâce à la technologie blockchain, ouvrant la voie à une multitude d'usages.

Internet a-t-il fini sa mue? Né comme une manière de connecter des universités américaines sur un même réseau, il est devenu un espace de liberté et d'échange où la propriété exclusive était vouée à disparaître. A l'orée des années 2020, la blockchain semble avoir mis un terme à ce fantasme en remettant justement la propriété privée au cœur du réseau.

Dernier exemple en date, le succès stupéfiant d'une petite startup française d'une trentaine d'employés. Née en 2018, Sorare vient de lever 680 millions de dollars, un record en France pour atteindre une valorisation de 4,3 milliards de dollars. A titre de comparaison, c'est l'équivalent du numéro 1 européen des serveurs OVHcloud, créée en 1999 et c'est même le double d'Air France-KLM.

Enchères en ligne

L'idée des deux fondateurs de Sorare, Adrien Montfort et Nicolas Julia était de surfer sur l'émergence très discrète des NFT (non-fungible token), une technologie intimement liée à la blockchain. En clair, il s'agit d'imposer un certificat infalsifiable à un fichier numérique qui le rendra ainsi unique. Exemple le plus spectaculaire: un œuvre au format jpeg vendue 69,3 millions de dollars aux enchères, en mars dernier.

"Quand on a vu les NFT, on s'est dit que tous les biens de valeur dans le web vont être des NFT dans l'horizon 5 à 10 ans" résume ce mardi Nicolas Julia sur BFM Business.

Fan de foot, il va ainsi lancer des cartes à collectionner, façon Panini, mais uniquement virtuelles. Certaines sont évidemment plus rares et peuvent ainsi être achetées en ligne à d'autres joueurs ou via un système d'enchères sur le site. Ce mardi, une carte "super rare" de Lionel Messi atteignait 28.000 dollars en première enchère.

Panini à la sauce crypto

Le succès est fulgurant: 600.000 utilisateurs et 150 millions de dollars de volume d'affaires depuis janvier dernier pour ce Fantasy Football (simulation sportive) à la sauce cryptomonnaies, puisque tout se règle en Ethereum, le principal concurrent du bitcoin. Des tournois sont organisés pour confronter ses meilleurs jeux et gagner des gains bien réels.

Mais Sorare ne se contente pas de digitaliser des cartes, l'idée est aussi de mêler virtuel et réel, au profit des joueurs. "Parce qu'ils possèdent ces NFT, ils accèdent aussi à des évènements dans le monde réel" résume Nicolas Julia. Ils permettent par exemple de gagner des billets pour aller voir des matchs (réels !).

L'enjeu pour la startup est désormais de séduire un plus grand public, la plupart des actuels aficionados étant avant tout des amateurs de NFT et de cryptomonnaies. Beaucoup y ont d'ailleurs vu un investissement spéculatif, espérant que l'Ethereum prenne de la valeur, et leurs cartes dans le même temps.

Un milliard de chiffres d'affaires d'ici 2024

La rareté de la carte est aussi le meilleur moyen de faire gonfler sa valeur auprès des collectionneurs tandis que les performances d'un joueur (en chair et en os) sur le terrain augmentera le prix de sa carte. Mieux vaut donc choisir de jeunes joueurs à fort potentiel pour espérer une plus-value.

Des bonnes connaissances, de la stratégie et probablement une bonne dose de chance: voici la recette miracle qui attire sur Sorare. Le jeu a conquis les fonds d'investissements et les sportifs eux-mêmes. Les footballeurs Antoine Griezmann et Gerard Piqué sont d'ailleurs impliqués dans le financement et n'hésitent pas à s'offrir les cartes les plus onéreuses.

Les clubs sont aussi de la partie, via des partenariats. Cette semaine, la Liga (le championnat de football espagnol) vient justement d'arriver dans le jeu. Pour Sorare, déjà rentable, ce n'est qu'un début puisque la startup vise un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars en 2024.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business