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Equans: les syndicats votent Bain et écartent Bouygues

Le comité de groupe européen de l’actionnaire Engie s’est réuni hier. Les élus valident les engagements sociaux du fonds américain. Les offres fermes pour le rachat d’Equans seront déposées mardi prochain.

C’est la dernière ligne droite pour le rachat d’Equans. Les trois candidats déposeront mardi prochain leurs offres fermes auprès du propriétaire Engie. D’ici là, les syndicats de la société spécialisée dans les services à l’énergie, continuent de faire monter les "enchères sociales" entre le fonds américain Bain Capital et les deux industriels français Bouygues et Eiffage. Les trois compétiteurs ont multiplié les engagements sociaux ces dernières semaines pour emporter l’adhésion des syndicats qui -c’est une première- ont un poids prépondérant dans l’opération.

Le comité de groupe européen d’Engie s’est réuni mercredi matin. Il n’a pas pris position pour un candidat en particulier. Mais entre les lignes, les déclarations des élus sont claires: leur préférence va à Bain!

"Il est le candidat qui a le plus travaillé son dossier et apporté le plus de garanties sociales, explique Yohan Thiébaux, le coordinateur CGT chez Engie, premier syndicat du groupe. Et nous prendrons position pour celui qui apportera les meilleurs engagements sociaux, même si c'est Bain. Nous ne sommes pas opposés à eux par principe".

Bain a accepté toutes les demandes des syndicats

Le fonds américain s’est engagé à ne pas procéder à des départs contraints et à maintenir le périmètre d’Equans pendant cinq ans. Ils ont accepté toutes les demandes des représentants des salariés comme leur présence au conseil d’administration, le statut d’entreprise à mission et l’engagement de l’introduire en Bourse à Paris alors que les syndicats craignaient une "délocalisation" aux Etats-Unis. Sur les aspects sociaux, Bain est conseillé par Alixio, l’entreprise présidée par Raymond Soubie, ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy et grand spécialiste des relations avec les syndicats. Enfin, pour "franciser" son projet, le fonds américain vient de s’associer à Fimalac, la société de Marc Ladreit de Lacharrière.

La CGT qui soutient un fonds d’investissement américain c’est inattendu mais ce n’est pas une première. Au printemps, les salariés de Suez avaient pris fait et cause pour les fonds d’investissement français Ardian et américain GIP pour contrer l’offensive de l’ennemi Veolia.

La centrale n’est pas seule. "Sur l'ensemble des mesures sociales, Bain semble le mieux disant et ne présente évidemment pas de doublons dans les effectifs ", abonde José Belo, son homologue de la CFDT, premier syndicat chez Equans. Comme la CGT et la CFE-CGC, la CFDT joue un rôle important dans la vente alors que leurs représentants siègent au conseil d’administration d’Engie.

Les élus craignent des doublons chez Bouygues et Eiffage

Depuis le début de la vente d’Equans, en septembre, les élus voient d’un mauvais œil les candidatures des industriels Bouygues et Eiffage, et encore plus celle de Spie avant qu’il n’abandonne. Ils craignent des coupes dans les effectifs alors qu’Equans présente d’importants doublons avec ses concurrents en France, en Belgique et aux Pays-Bas. La CGT les chiffre à 4500 en cas de rachat par Eiffage et à 1500 avec Bouygues.

Les deux industriels se sont pourtant engagés à ne pas procéder à des départs contraints. Bouygues a même promis l’embauche de "10.000 salariés d’ici 2026 car les métiers de services à l’énergie sont en pleine croissance" justifie le groupe. "Il n’y aura que quelques centaines de doublons dans les fonctions supports et Bouygues les reclassera dans le groupe", ajoute un proche du géant du BTP.

La BPI en renfort

Mais les syndicats veulent plus que des promesses. "Bain et Eiffage sont prêts à formaliser leurs garanties sociales par écrit devant le comité de groupe afin qu'elles leur soient opposables, justifie Yohan Thiebaux. Nous attendons que Bouygues le fasse". Fort de leur pouvoir inédit dans le choix du repreneur, les élus font monter la pression sur Bouygues et la maintiennent sur Bain.

"Le vrai risque avec Bain c’est la revente d'Equans dans cinq ans, ajoute l’élu de la CFDT. Fimalac a envoyé un signal fort en s’engageant à rester l'actionnaire de référence ensuite mais cela pourrait rester insuffisant pour nous rassurer sur la pérennité du groupe en France. Il est important que des institutionnels s'associent à leur projet". Les syndicats réclament la participation de BPI France auprès de Bain pour définitivement les rassurer.

Tactique syndicale

Ils ne cachent pas non plus vouloir éviter Bouygues dont la politique de dialogue social est critiquée. "Chez Bouygues, nous perdrons toute force syndicale face à leurs 'syndicats-maison'", tranche Yohan Thiebaux de la CGT. Même son de cloche à la CFDT alors que ce sont Force Ouvrière et la CFTC qui règnent chez Bouygues. "On sait ce que ça veut dire syndicat-maison, c’est ceux choisis par le patron!" s’emporte un élu qui préfère rester anonyme.

Bien décidés à jouer les arbitres jusqu’au bout dans le duel à distance entre Bain et Bouygues, les représentants de salariés n’en oublient pas pour autant le challenger Eiffage. "Il a joué le jeu en initiant un dialogue avec les partenaires sociaux dès le début du processus. Nos équipes et les leurs travaillent quotidiennement sur le projet", vante José Belo. La CFDT est le premier syndicat chez Equans mais aussi chez Eiffage… L’enjeu de la tactique syndicale est bien réel dans cette opération.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business