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Yannick Bolloré tourne la page de son père chez Vivendi

Alors que Vivendi vient de prendre le contrôle de Lagardère, Yannick Bolloré impose sa gouvernance et se sépare de la garde-rapprochée de son père.

C’est un "changement d’ère" chez les Bolloré, dixit un proche du groupe. Vivendi a annoncé il y a dix jours une nouvelle direction sous la houlette du président du conseil de surveillance Yannick Bolloré. Plutôt discret jusque-là, le fils cadet de Vincent Bolloré prend le pouvoir et se sépare des lieutenants de son père. Et tient à imposer sa patte.

Exit les "Bolloré boys" de toujours: Gilles Alix, compagnon de route depuis 35 ans, qui suit notamment les activités africaines du groupe, et Cédric de Bailliencourt, l’argentier depuis 15 ans. Ils sont les deux sont "bras" de Vincent Bolloré au sein de son empire, chez Bolloré et à la Compagnie de l’Odet, la société familiale. Un troisième homme, Hervé Philippe, quittera aussi le directoire de Vivendi le 22 juin. Il a rejoint Vincent Bolloré en 2005 lors de son raid sur Havas. Il devrait, selon plusieurs sources, prendre bientôt des fonctions chez Lagardère.

Ces changements ont pour objectif de calmer le jeu avec la Commission européenne qui planche sur la prise de contrôle de Vivendi sur Lagardère. "Bolloré est dans le viseur de Bruxelles et doit montrer que son groupe, Vivendi et Lagardère ont des gouvernances indépendantes", résume un de ses amis. Les "coopérations éditoriales" entre Europe1, radio de Lagardère, et CNews, chaine d’information de Vivendi, n’ont pas plu à l’Autorité française de la concurrence. Elle soupçonne Vincent Bolloré de diriger Lagardère à distance et craint son emprise dans le secteur de l’édition.

Calmer le jeu avec Bruxelles...

La Commission européenne a entamé son enquête sur le rapprochement entre Hachette et Editis, les éditeurs des deux groupes. Les discussions préliminaires avec les services de la concurrence ont été "difficiles" selon un proche du groupe. Bruxelles doit rendre son avis à la fin de l’année. Il sera accompagné de concessions importantes.

Le retrait de Vincent Bolloré doit aussi calmer le jeu avec Arnaud Lagardère après deux ans de tensions. Avec Yannick Bolloré aux manettes, l’heure est à la réconciliation. Ses proches assurent qu’il s’entend très bien avec celui qui va rester PDG de Lagardère et présentera, seul, un plan stratégique dans quelques mois.

Ces évolutions interviennent alors que Vincent Bolloré a passé la main à ses enfants en février dernier. Le relai à Cyrille Bolloré au sein du groupe, a déjà été transmis il y a deux ans. Yannick Bolloré prend donc la suite chez Vivendi alors que son père a terminé son offensive sur Lagardère.

...et Emmanuel Macron

Mais cette page se tourne aussi à un moment politique important. La réélection d’Emmanuel Macron n’est pas une bonne nouvelle pour Vincent Bolloré. Pendant un an, il ne s’est pas caché d’avoir poussé la candidature d’Eric Zemmour pour faire gagner la droite et échouer Emmanuel Macron. Pari perdu. "Les deux hommes ne se sont jamais appréciés, c’est certain, ajoute cet ami de vingt ans de Vincent Bolloré. Mais en réalité, l’impact de la réélection de Macron compte peu".

Pour autant, le nouvel homme fort de Vivendi, Yannick Bolloré fait passer les messages clairs sur ses intentions. "Vivendi ne soutient personne politiquement et n’intervient pas dans les contenus journalistiques", a-t-il martelé sur BFM Business il y a un mois. En privé, il assure ne pas connaitre Eric Zemmour, une manière de se démarquer de son père. Et rétorque bien connaitre Emmanuel Macron depuis plus de dix ans. En 2009, l’ex-banquier de Rothschild avait travaillé avec Yannick Bolloré sur un projet d’acquisition dans les médias qui n’a finalement jamais vu le jour. Le mot d’ordre est clair: il n’y a aucun problème avec le locataire de l’Elysée. "La prise en main de Yannick est aussi un changement d’air", s’amuse un proche de la famille.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business