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WeWork: de la pépite à 47 milliards au dépôt de bilan, la chute du géant du coworking

WeWork, géant américain du coworking, est au bord de la faillite, après avoir été l'une des start-up américaines les plus prometteuses.

Une ascension fulgurante, puis une chute vertigineuse. Après avoir été l'une des plus prometteuses start-up américaines, WeWork n'est plus qu'à quelques pas de la faillite. Alourdi par des pertes gigantesques, lâché par les investisseurs, le géant du "coworking" tente de garder la tête hors de l'eau mais les derniers efforts semblent vains. Peut-être la fin de l'histoire après une douzaine d'années d'existence seulement, qui l'ont vu passer de start-up ambitieuse à star déchue.

WeWork a vu le jour en 2010 à New York. Adam Neumann, jeune trentenaire originaire d'Israël, fonde l'entreprise avec son ami Miguel McKelvey. Après une première expérience réussie dans un loft de Brooklyn, où ils montent un espace de travail partagé avec le propriétaire de l'immeuble, les deux associés en mesurent rapidement le potentiel et décident de se lancer seuls à l'assaut du marché croissant du coworking, convaincus de leur modèle économique.

Dans le sillage de la crise financière, jeunes entreprises et travailleurs indépendants peinent à trouver des locaux à des loyers abordables. Au lieu de proposer un immense local de bureaux à une seule entreprise, WeWork préfère fragmenter la surface en une multitude d'espaces, du bureau individuel à l'étage complet, loués séparément et auxquels s'ajoutent une offre de services. Le premier espace de coworking de WeWork ouvre ses portes dans le quartier de SoHo, à Manhattan, en avril 2011.

Manœuvres financières du PDG

Le succès est rapide, voire insolent. Les ouvertures se succèdent les unes après les autres: à la fin de l'année 2018, WeWork s'est installé dans une centaine de villes dans le monde, avec plus de 400 espaces de coworking au compteur. Affichant une confiance résolue, Adam Neumann, devenu PDG, charme les investisseurs et lève plusieurs centaines de millions de dollars. Puis rencontre le patron du conglomérat japonais SoftBank, Masayoshi Son, qui investira des sommes colossales à partir de l'été 2017.

La société est rebaptisée "The We Company" et mise sur de nouveaux marchés, notamment les clubs de gym et la location d'appartements. En grande pompe, WeWork prépare son arrivée à Wall Street. Mais certains investisseurs se montraient déjà sceptiques quant à la comptabilité de l'entreprise, agacés par le discours d'Adam Neumann et le manque de transparence, et les informations financières publiées en amont de l'entrée en Bourse achèvent de convaincre les autres.

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WeWork accumule les pertes, laissant planer le doute sur sa solidité. Surtout, des articles de presse dévoilent les manœuvres financières d'Adam Neumann. Pour rassurer les marchés, l'entreprise réforme sa gouvernance et rogne les pouvoirs de son patron. Insuffisant: théoriquement valorisée à 47 milliards de dollars en janvier 2019, ce n'est plus que la moitié alors qu'approche l'entrée en Bourse. Prévue pour le mois de septembre, elle est finalement reportée à une date indéterminée.

La crise sanitaire comme coup de grâce

SoftBank sauve WeWork de la faillite en y injectant plusieurs milliards de dollars en octobre de la même année. Le conglomérat japonais grimpe alors de 29% à 80% du capital. Adam Neumann, lui, est définitivement évincé des instances dirigeantes de l'entreprise. WeWork, dont l'image a été sérieusement écornée et qui a perdu depuis longtemps son statut de pépite prometteuse, tente de redresser la barre et continue d'ouvrir de nouveaux espaces de coworking.

Quelques mois plus tard, c'est la pandémie de Covid-19 qui donne le coup de grâce. La crise sanitaire, les confinements puis l'essor du télétravail vident ses bureaux. L'entreprise, qui a fini par s'introduire en Bourse en 2021, bien plus tard que prévu, ne parvient pas à satisfaire ses besoins de liquidités et enchaîne encore les pertes financières. En novembre 2023, sa capitalisation ne s'élève qu'à 61 millions de dollars, après avoir perdu 98% de sa valeur depuis le début de l'année.

Les déboires de WeWork, qui s'apprêterait à déposer une demande de mise en faillite dès la semaine prochaine selon le Wall Street Journal, ont même inspiré une série télévisée. La plateforme de streaming Apple TV+ a diffusée l'année dernière une mini-série de huit épisodes nommée WeCrashed, qui retrace l'ascension puis la chute de WeWork. Dans le rôle-titre, Jared Leto incarne l'ex-patron Adam Neumann, tandis qu'Anne Hathaway joue son épouse, Rebekah Neumann. Une histoire façon "rise and fall" typiquement américaine: Hollywood en raffole, la Bourse un peu moins.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV