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Retard du TGV M: Jean-Pierre Farandou le juge "pénalisant", les "pénalités prévues par les contrats en cas de retard s’appliquent"

Dans un entretien à Ville Rail et Transports, le PDG de la SNCF évoque un retard "pénalisant" aussi bien pour les clients que pour l'opérateur.

Ce n'est un secret pour personne dans le secteur, le tout nouveau TGV M arrivera avec beaucoup de retard. Une vraie mauvaise nouvelle pour la SNCF qui connaît depuis quelques années une demande exceptionnelle, mal satisfaite en période de pics à cause d'un nombre insuffisant de trains.

Une première depuis 1995, la SNCF va sortir un nouveau TGV dans En route pour demain - 11/11
Une première depuis 1995, la SNCF va sortir un nouveau TGV dans En route pour demain - 11/11
17:46

La SNCF a commandé à Alstom 115 rames pour 3,5 milliards d'euros. L'industriel s'était engagé à livrer 12 rames par an dès cette année.

Dans une interview à Ville, Rail et Transports, Jean-Pierre Farandou, PDG du Groupe SNCF, s'agace et accable Alstom, le constructeur du nouveau fleuron de la compagnie ferroviaire.

"Les retards sont pénalisants pour nos clients. Si nous avions plus de trains, nous les remplirions sur de nombreuses destinations, comme la Bretagne ou le Sud Ouest, où nous manquons de trains. La livraison des TGV M aurait dû commencer à la fin de l’année dernière. C’était la date prévue dans le contrat d’achat. Désormais, on nous annonce mi-2025, c’est donc un an et demi de retard", se désole-t-il.

Tensions et problème sur un composant

Le dirigeant pointe également les retards dans les livraisons de nouveaux RER. "On sait aussi que les grosses commandes de RER pour l’Ile-de-France vont être livrées en retard. Cela nous embarrasse. Sur la ligne B par exemple, nous sommes obligés avec la RATP d’exploiter avec du matériel très ancien. Un matériel de 40 ans est forcément moins fiable qu’un neuf."

"Alstom est confronté à des problèmes industriels. Espérons qu’ils seront résolus rapidement. Les pénalités prévues par les contrats en cas de retard s’appliquent", prévient-il, évoquant la globalité de ces commandes.

Comment expliquer ces reports? Comme toute l'industrie, Alstom est en effet confronté à des tensions sur la chaîne d'approvisionnement, tout comme ses sous-traitants. Ce qui provoque des ralentissements de la production et des délais de livraison beaucoup plus longs.

Mais le problème se situe surtout au niveau d'un composant du train: la batterie de secours (appelée "greffon"). Voulue par la SNCF dès la conception du projet, cette innovation doit permettre au TGV M de rouler même en cas de coupure de courant au niveau des caténaires (notamment dans un tunnel). Une vraie valeur ajoutée.

L'idée: éviter d'immobiliser plusieurs heures une rame et ses 600 à 700 passagers en rase campagne sans lumière et sans climatisation, et attendre une locomotive diesel pour tracter le train jusqu'à la gare la plus proche.

Cette batterie doit ainsi permettre au TGV de rouler sur plusieurs dizaines de kilomètres (40 à 50) à vitesse réduite et d'alimenter certaines fonctions comme la lumière, la sonorisation ou encore la climatisation.

Problème, le fabricant de cet élément, Saft, une filiale à 100% de TotalEnergies, a pris beaucoup de retard et semble avoir du mal à le combler. Et s'en passer exigerait d'intervenir à nouveau sur les rames, ce qui prendrait beaucoup de temps.

Interrogé, Saft se contente d'indiquer être "un des très nombreux fournisseurs travaillant sur le projet TGV M" sans donner de détails sur la production de sa batterie dédiée au nouveau train.

Moins de trains, c'est des prix qui augmentent plus vite

Le retard du TGV M a des conséquences multiples. D'un côté, la SNCF pourrait offrir plus de places et générer donc plus de chiffre d'affaires.

En janvier, dernier, Christophe Fanichet, patron de SNCF Voyageurs faisait le même constat: "Si j'avais plus de trains, je pourrais faire voyager plus de Français pendant les périodes tendues et vu l'appétit pour le train, c'est dommage. Il n'y aura donc pas de miracle cette année" sur l'offre lors des prochaines périodes de grands départs, notamment l'été prochain".

La SNCF devra faire avec son parc, 364 TGV, et optimiser les circulations pour offrir un peu plus de places comme elle l'a fait l'an passé.

De l'autre, pour les clients, avec une offre sous-dimensionnée par rapport à la demande, les trains disponibles pour les périodes de pics (comme les vacances d'été) se remplissent très vite, ce qui fait augmenter aussi vite les prix pour les places restantes. De quoi ressentir une vraie flambée rapide des tarifs dénoncée par beaucoup de consommateurs.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business