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Paris-New York à 129€: mais comment font ces nouvelles compagnies low-cost?

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Alors qu'on pensait que le low-cost était réservé aux courtes distances et au moyen-courrier, des compagnies comme Norwegian ou French Blue se lancent désormais sur le long-courrier. Mais l'équation économique sera difficile à trouver.

Un Paris-New York à moins de 180 euros. Un Los Angeles-Paris pour 230 euros. Ou encore un Paris-Punta Cana en République Dominicaine pour 149 euros. Des prix jamais vus dans le transport aérien long-courrier. Et c'est ce que proposent des compagnies aériennes comme Norwegian ou la petite française French Blue. Encore plus fort: l'islandais Wow Air affiche un Paris/New York à partir de 129 euros TTC en A321 via Reykjavik à compter de novembre.

L'ambition de toutes ces compagnies: imposer le modèle du low-cost dans les longues distances. Faire du Easyjet et du Ryanair pour des vols transatlantiques. 

Et alors qu'on pensait que le low-cost rimait obligatoirement avec courte distance, ces compagnies sont persuadées que leur modèle est viable. Alors que Ryanair, pionnier du low-cost en Europe, planche depuis des années, la petite compagnie française French Blue pense avoir trouvé la formule. Mais qu'est-ce qui a changé pour que ce modèle décolle enfin? "Tout simplement l'environnement, explique Marc Rochet, le président de la compagnie qui appartient au groupe Dubreuil (Air Caraïbes). Aujourd'hui on voit bien que c'est le trafic familial, touristique et de rapprochement qui explose, pas le business. Or ce sont des clients qui acceptent de payer à la carte." 

Norwegian s'attaque à la France

Une nouvelle demande donc, un pétrole bas et de nouveaux avions moins gourmands en kérosène. Voilà les bases posées pour l'essor du low-cost long-courrier. "La France n'a pas pris le train du low-cost il y a 25 ans, explique Marc Rochet. Nous voulons saisir cette fois cette opportunité." Et le modèle de French Blue est celui de Norwegian. Cette petite compagnie norvégienne encore inconnue il y a quelques années est en train de devenir le Ryanair du long-courrier. Créée en 1993 par Bjørn Kjos, un ancien avocat, la compagnie affrétait à l'origine des avions pour des vols charters. Avant de se concentrer sur le low-cost à partir de 2002. Mais c'est en 2012 que Norwegian prend réellement son envol. La compagnie passe cette année-là la plus grosse commande de l'histoire de l’aviation européenne avec 122 Boeing 737 et 100 Airbus A320neo. Cette année-là également, elle lance ses premiers vols long-courrier qui relient Oslo et Stockholm à New York et Bangkok. 

Des prix d'appel agressifs qui séduisent les clients. En quelques années, Norwegian devient la première compagnie d'Europe du nord. Et après avoir commandé 30 Boeing 787 Dreamliner, elle s'apprête à lancer son offensive sur la France, en lançant à partir du 29 juillet des vols à destination de New York, Los Angeles et Miami à des prix d'appel de 179 euros l'aller simple. Norwegian pourrait même lancer dès 2017 des vols entre la métropole et les Antilles: c'est en tout cas ce qu'a laissé entendre Bjørn Kjos, de passage à Paris en juin. Avec ses initiatives, Norwegian prévoit un bond de 26% de son activité dans l'Hexagone en 2016.

149 euros sans repas ni bagage

Un succès qui a donc donné des idées à Air Caraïbes. La compagnie française a créé French Blue à partir d'une feuille blanche en appliquant peu ou prou les mêmes recettes que celles de Norwegian. C'est ce qu'explique Marc Rochet: "Nous avons des Airbus A330-300, les avions les moins consommateurs de carburants, un aménagement plus dense à l'intérieur, un modèle d'organisation plus efficace avec notamment la sous-traitance de maintenance à Air France Industrie et des équipages plus productifs qui vont faire 800-830 heures par an contre 750 heures dans une compagnie comme Air Caraïbes". En revanche, la compagnie assure ne pas faire de dumping social. "Nos salaires de commandants de bord sont de 120.000 euros par an, nous avons débauché un pilote d'Emirates", confie Marc Rochet.

Et pour les clients alors? Du low-cost classique. French Blue propose 3 tarifs sur la République Dominicaine:

-Basique à 149 euros: pas de repas, ni de bagage en soute.

-Smart à 199 euros: avec repas et bagage.

-Eco premium à 259 euros: avec des sièges plus larges et internet durant le vol. 

Des prix à la carte, un confort minimal sur le tarif de base mais des services modernes quand on monte en gamme comme la connexion internet. Voilà la recette de ces compagnies qui veulent bousculer le marché.

Mais ont-elles réellement un chance de s'imposer? C'est loin d'être gagné, à en croire les experts du secteur. "Les écarts de prix ne sont pas si extraordinaires que ça: le Londres-New York est par exemple à 400 livres (484 euros environ) en aller retour chez Norwegian, on en trouve à 500 livres sur d'autres compagnies qui elles proposent des repas et des bagages", relève Pierre Bergeron, analyste aérien et automobile chez Société Générale. Les prix sont tellement bataillés sur le web, que les tarifs low-cost ne seraient pas si avantageux. En fait deux obstacles forts s'opposent à l'émergence du low-cost long courrier:

1. La stratégie de hub des grandes compagnies: les majors ont leurs propres structures low-cost qui amènent les passagers des petits vers les grands aéroports puis les embarquent sur des long-courrier. Or les low-cost font du point à point, elles ne peuvent pas prendre en charge les passagers du début à la fin. 

2. La rotation des avions impossible sur le long courrier: faire davantage voler les avions est la clé de voûte de la stratégie des low-cost. Chez Ryanair par exemple, les 300 Boeing de la compagnie assurent le même nombre de vols que les 350 appareils d'Air France. Or cette utilisation intensive n'est pas possible sur des vols de 8 heures ou plus. Il y a des temps de repos incompressibles.

Le low-cost pas viable à terme?

"Le low-cost long-courrier restera sur quelques produits d'appel mais je ne le vois pas s'imposer comme une vraie alternative aux majors", estime Pierre Bergeron. Les résultats de Norwegian semblent lui donner raison. La compagnie peine à être réellement profitable. Après des pertes de 114 millions d'euros en 2014 (2,1 milliards de chiffre d'affaires), elle a bouclé un exercice 2015 à peine rentable (26 millions d'euros), mais a perdu à nouveau 60 millions d'euros au premier trimestre et, ce malgré la croissance du nombre de passagers qui est passé de 17,7 millions en 2012 à 25,8 millions en 2015.

Du côté de French Blue, on reste optimiste. "Le low-cost crée de la croissance en volume sur tous les marchés où il arrive grâce à l'appel tarifaire, assure Marc Rochet. Le long-courrier était assez protégé jusqu'à présent avec les hubs et les majors mais ça ne durera pas. Ce sont les clients qui décideront d'aller vers le low-cost." Autrement dit, même si les obstacles sont nombreux, la forte demande potentielle fera émerger les modèles gagnants. Impossible n'est pas French Blue?

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco