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Le Parlement européen adopte la directive autorisant la circulation des "méga-camions"

Aussi appelés "gigaliners", ces camions peuvent mesurer jusqu’à 25,25 mètres de long et peser jusqu’à 60 tonnes. C’est près de 16 tonnes de plus que les camions autorisés aujourd’hui.

Malgré une opposition assez forte, les députés européens ont adopté ce mardi par 330 voix pour et 207 voix contre, le projet de directive "Poids et dimension", proposée par la Commission. Cette directive autorise notamment la circulation dans l'Union européenne des "méga-camions".

Aussi appelés "gigaliners", ces camions peuvent mesurer jusqu’à 25,25 mètres de long et peser jusqu’à 60 tonnes. C’est près de 16 tonnes de plus que les camions autorisés aujourd’hui (44 tonnes et 18,75 mètres maximum) partout en Europe, et notamment en France. Ils circulent déjà en en Scandinavie, depuis les années 90, et ont plus récemment été autorisés sur dérogation en Espagne ou au Portugal.

Le texte adopté autorise automatiquement entre Etats voisins consentants, qui les acceptent déjà sur leur territoire, la circulation de ces géants.

Un texte à visée écologique (critiquée)

Dans sa présentation avant le vote en séance plénière à Strasbourg, la rapporteure espagnole Isabel García Muñoz (socialiste) a mis en avant les avantages de ces poids lourds en matière de concurrence (donc de prix) et d'environnement. En effet, ces géants de la route peuvent transporter 50% à 75% de marchandises en plus par rapport aux camions actuellement autorisés.

Elle a assuré que "les règles créeront de réelles incitations pour les entreprises à passer au zéro émission et rendre le transport routier plus durable et plus sûr" et fait valoir qu'"en transportant la même charge avec moins de véhicules et moins de déplacements, nous pouvons réaliser des réductions significatives d'émissions" carbone.

À l'origine, la révision des règles sur les poids et dimensions des camions vise à encourager le développement des poids-lourds zéro émission, en autorisant un espace supplémentaire pour installer des piles à batterie ou à hydrogène.

Le texte relève à 44 tonnes (contre 40 actuellement) le poids maximal des camions zéro émission circulant entre pays de l'UE. Mais les véhicules diesel bénéficieraient aussi de ce relèvement jusqu'en 2035, et pourraient même peser davantage si les Etats entre lesquels ils circulent le permettent pour les opérations de fret "intermodal" (combinaison train/bateau et route).

Encore des négociations à prévoir

Mais le texte est vertement critiqué par les écologistes. "Le vote d’aujourd’hui va à l’encontre des objectifs fixés par le Green Deal de décarbonation de nos transports. Qui peut sérieusement imaginer que des méga-camions diesel de 60 tonnes nous permettront de réduire les émissions de CO2 des poids lourds de 90% d’ici 2050?", s'interroge la député européenne Karima Delli.

"Comment peut-on justifier d’augmenter le poids maximum des camions de quatre tonnes sous prétexte de verdir les poids lourds? C’est totalement contradictoire. Aujourd’hui, j’appelle la France à se positionner fermement contre les mégacamions. Notre pays est entouré de pays qui les autorisent et qui vont faire pression pour que nous les autorisions également. Nous devons être clairs sur la question: il n’y aura pas de méga-camions sur le territoire français", martèle la député européenne écologiste.

En encourageant l'essor des méga-camions, "cela ouvre une brèche, on ne sait pas ce que d'autres gouvernements pourraient faire", abonde la délégation française de Renew (libéraux). Une majorité d'eurodéputés français s'opposaient aux méga-camions, mais leurs amendements ont été rejetés.

Mais la décision d'autoriser ces véhicules n'est pas encore définitivement actée. Comme le signale Karima Delli, "le Conseil n’ayant pas encore acté sa position, ce texte sera négocié en trilogue lors de la prochaine mandature". Le Conseil européen adoptera sa position en juin, et il reviendra ensuite à la prochaine assemblée parlementaire, élue après les élections de juin 2024, d'entamer alors des négociations pour finaliser le texte.

Par la voix de son ministre des Transports Patrice Vergriete, la France a d'ores et déjà "redit son refus d'une libéralisation de la circulation internationale des camions de 44 tonnes et des 'mégatrucks'".

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business