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Transports

Incendie sur un cargo: pourquoi le transport de voitures électriques est source d'inquiétude?

Plus difficiles à éteindre, les feux de voitures électriques inquiètent le secteur du transport maritime après plusieurs incendies majeurs.

L'incendie qui a fait un mort et plusieurs blessés ce mercredi au large des Pays-Bas sur le cargo Fremantle Highway est soupçonné d'être lié à une batterie de véhicule électrique. Selon la radio publique néerlandaise NOS, l'une des 25 voitures électriques qui se trouvaient à bord pourrait en effet avoir déclenché le feu. Contactée mercredi en début d'après-midi par l'AFP, la porte-parole des garde-côtes néerlandais s'est toutefois montrée prudente, affirmant être pour l'instant dans l'incapacité de commenter l'origine du feu.

Si rien n'est encore confirmé officiellement, cette catastrophe relance donc le débat autour de la sécurité du transport maritime des voitures électriques. Les batteries au lithium de ces véhicules, qui contiennent un liquide inflammable, peuvent prendre feu dans plusieurs cas. Le risque d'incendie est particulièrement accru lorsqu'elles sont trop chargées, souffrent de défauts de fabrication ou sont soumises à des températures élevées.

Et il faut dire que le nombre d'accidents sur des navires transportant des véhicules s'est multiplié ces dernières années. Les conséquences de ces incidents ont été aggravées par le gigantisme croissant des cargos, selon un rapport de l'assureur Allianz publié en août 2022.

Le Sincerity Ace a pris feu dans l'Océan Pacifique le jour du Nouvel An en 2018, avec 3500 véhicules à son bord, causant la mort de cinq membres d'équipage. Le Höegh Xiamen a été détruit par le feu en juin 2020 dans le port de Jacksonville, en Floride, avec près de 2500 véhicules à son bord, à cause d'une batterie mal déconnectée sur une voiture d'occasion. Dernièrement, en mars 2022, le Felicity Ace a coulé avec les 4000 Volkswagen, Porsche et autres Lamborghini qu'il transportait de l'Allemagne vers les États-Unis. Avec le cargo au fond de l'Atlantique, la cause du feu n'a pas pu être déterminée, mais il transportait aussi des véhicules électriques.

Des armateurs inquiets

Alors que les ventes de ces voitures à batterie s'accélèrent dans les pays riches, le secteur du transport maritime s'intéresse de plus en plus à la question. Les transporteurs restent discrets sur la question: contactés par l'AFP, Grimaldi et K-Line, exploitant du navire qui a pris feu au large des Pays-Bas, n'étaient pas en mesure de commenter cette question mercredi.

Le Japonais Mitsui O.S.K. Lines, armateur malheureux du Felicity Ace, a depuis arrêté de transporter des voitures électriques d'occasion, qui commencent à être exportées vers les pays en développement. En Norvège, l'armateur Havila a complètement interdit les voitures hybrides et électriques à bord de ses bateaux touristiques.

"Un feu sur une voiture électrique, hybride ou à hydrogène demanderait une intervention de services de secours externes et mettrait les passagers en danger. Nous prenons la sécurité au sérieux, et ne sommes pas prêts à prendre ce risque", a souligné la compagnie, pourtant pionnière dans l'électrique, avec de grosses batteries pour propulser ses bateaux.

Des procédures particulières nécessaires

Les incendies de voitures dotées de batteries électriques ne sont a priori pas plus fréquents ou dangereux que ceux de voitures à essence, assure l'Association américaine de protection contre les incendies (NFPA). Ils nécessitent en revanche des procédures particulières, selon l'organisation qui propose depuis 2010 des formations spécifiques.

Il faut en général beaucoup plus d'eau pour les éteindre et il est aussi fréquent que des batteries prennent à nouveau feu plusieurs heures, voire plusieurs jours, après l'incident initial, à cause d'un phénomène dit "d'emballement thermique" qui peut se produire dans les batteries lithium-ion endommagées.

A bord d'un bateau, cet "emballement thermique" est "quasiment inévitable à moins que l'équipage n'intervienne immédiatement pour contrôler le feu", prévenait l'assureur Allianz dans une note d'août 2022.

Un chargement partiel des batteries recommandé

"Malheureusement, cette intervention est rarement possible, faute d'une détection assez précoce, d'un manque d'équipage, et de capacités suffisantes à bord pour lutter contre le feu". D'autant plus que les voitures sont mélangées et serrées par milliers sur les ponts du bateau, quasiment pare-chocs contre pare-chocs.

L'Agence européenne de sécurité maritime (EMSA) a recommandé en 2022 d'entraîner les marins et d'identifier les voitures par carburant, avec des autocollants par exemples, pour les repérer au plus vite dans les cales en cas d'incident.

L'EMSA recommande surtout de charger les batteries des véhicules électriques entre 20 et 50% seulement de leur capacité: au-delà, le risque d'incendie augmente.

Selon Allianz, des armateurs étudient la possibilité de poser des couvertures ignifuges sur les voitures électriques.

Le transporteur norvégien Höegh Autoliners s'adapte de son côté au passage de son pays à 100% de voitures électriques en 2025: son prochain navire, l'Aurora, prévoit davantage de sécurité, mais aussi des rampes et des ponts renforcés pour accueillir les voitures à batterie, bien plus lourdes que leurs cousines à essence.

Nina Le Clerre avec AFP