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Transports

Crash de l'Airbus A310 : que s'est-il passé ?

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Un Airbus A310-300 de Yemenia Airways, parti du Yémen, avec 153 personnes dont 66 Français à bord, s'est abîmé dans la nuit de lundi à mardi, près des Comores. Explications et témoignages.

Un Airbus A310-300 de la compagnie nationale Yemenia Airways, parti de Sanaa au Yémen, avec 153 personnes (142 passagers dont 66 Français et 11 membres d'équipage à bord), s'est abîmé dans la nuit de lundi 29 à mardi 30 juin dans l'océan Indien, à 3 km des côtes de l'archipel des Comores, peu avant son atterrissage. Une rescapée, une adolescente de 12 ans, a été retrouvée au large des Comores, et les recherches se poursuivent sur place, tandis que les causes de ce drame restent inconnues.

Bussereau : « Des défauts constatés en 2007 sur cet appareil »

Un Airbus A330-200 de Yemenia avait décollé lundi de l'aéroport parisien de Roissy, pour faire escale à Marseille, puis à Sanaa au Yémen où les passagers ont changé d'appareil pour embarquer à bord d'un Airbus A310-300, le vol IY626 pour Moroni. Un appareil qui datait selon Airbus de 1990, totalisait 51 900 heures de vol, 17 300 vols, et opérait sous les couleurs de Yemenia depuis 1999. Une compagnie qui ne figure pas sur la liste noire des compagnies aériennes mais est « très surveillée » par les autorités françaises, a précisé le secrétaire d'Etat aux Transports, Dominique Bussereau : « cet appareil avait été contrôlé en 2007 en France, a-t-il précisé. Des défauts avaient été constatés sur un certain nombre d'équipements qui manquaient ou méritaient d'être améliorés, et depuis, cet avion n'était pas réapparu depuis dans le ciel européen. »

« Yemenia a ce qu'il faut pour pouvoir entretenir ses avions »

Pour Jean Serrat, ancien commandant de bord, « l'A310 reste un avion fiable ». Critique envers la compagnie aérienne yéménite, aux « très forts capitaux saoudiens », il ajoute : « on pourrait penser que financièrement ils ont ce qu'il faut pour pouvoir entretenir correctement leurs avions. Je pense que c'était le cas en ce qui concerne ceux qui allaient sur l'Europe, parce qu'ils sont particulièrement suivis. Par contre, les avions qui volent au départ de Sanna vers les Emirats ou d'autres lieux d'Afrique de l'Est, là c'est vrai qu'on entend des témoignages consternants. Quand on commence à avoir des problèmes d'ossature et de sièges, ça veut dire que du point de vue général, l'avion n'est pas suivi comme il faut. »

« Le crash d'un "avion-poubelle", prévisible » ?

Depuis le crash, les témoignages de passagers ayant emprunté ces lignes se multiplient et les représentants de la communauté comorienne de Marseille, expriment leur colère. Depuis plusieurs mois, ils critiquaient ces A 310 qu'ils étaient obligés d'emprunter au départ de Sanna au Yémen. Farid Souali, président de l'association SOS voyages aux Comores, explique même : « L'accident était prévisible, ce sont des avions qui ne répondent pas aux normes internationales. Yemenia était la moins chère de toutes les 'compagnies poubelles' et avait un quasi-monopole sur cette destination. »
Une colère aujourd'hui entendue par Dominique Bussereau : « Il y a une organisation de l'aviation civile internationale, où la France joue un rôle très actif et que nous poserons ce problème, pour éviter ce genre de correspondance de voyage. »

« Yemenia ne faisait pas partie des compagnies "à risques" »

Rappelant le crash du Boeing 737-300 de la compagnie égyptienne Flash Airlines qui avait fait 148 victimes en janvier 2004 à Charm-El-Cheikh, Jean Serrat revient sur la délicate question des contrôles des avions : « Depuis cet accident, il y a, ne serait-ce qu'au niveau de la Communauté européenne, énormément de vérifications faites sur tous les avions qui se posent sur les aérodromes européens. Et ce comorien qui explique : on prend un avion à Paris Charles-de-Gaule, on va à Marseille et de là on va à Sanna, avec un Airbus A330 tout récent (2 ou 3 ans) ; et le problème se pose à partir de Sanna. Les avions qui y sont ne sont pas contrôlés par les organismes officiels européens. On ne peut pas contrôler tous les avions dans le monde. Bien sûr, une liste existe, avec des précautions à prendre - énormément d'avions du Congo, du Nigéria sont sur ces listes. Mais cette compagnie là [Yemenia] n'a jamais été sur la liste noire. Je sais qu'elle était particulièrement suivie, mais elle ne faisait pas partie des compagnies dites "à risques" sur la liste. » Sur le site securvol.fr, Yemenia et ses 11 avions qui ont une moyenne d'âge de 10 ans, sont d'ailleurs classés dans le groupe C des compagnies "sous réserve".
Après cet accident, la Commission européenne a proposé de « constituer une liste noire mondiale » des compagnies aériennes dangereuses.

« Un terrain spécial, une approche de nuit très délicate, et pas de radar ! »

Alors que les causes de ce drame restent inconnues, Jean Serrat explique que les conditions d'atterrissage dans cette région sont parfois difficiles : « Moroni, Seychelles... sont des terrains un peu spéciaux. Dans le sens où si vous allez faire une reconnaissance de l'île pour la première fois vous poser à Moroni, qu'il fait beau et qu'il n'y a pas de vent, c'est un terrain qui ne pose absolument aucune difficulté. Par contre, s'il y a des vents importants avec des rafales, le terrain est juste avant un volcan (à peu près à 7-8km) qui fait 2000m d'altitude. Donc, il y a énormément de courants rabattants, qui peuvent compliquer une arrivée. Et se poser de jour à Moroni ne pose pas de problème. La nuit, c'est déjà beaucoup plus délicat, les situations météos peuvent être un peu instables. Il faut faire attention, on n'est pas sur un grand aéroport avec tous les moyens performants. Ce matin encore on entendait "il a été perdu par le radar..." ; à Moroni, il n'y a jamais eu de radar ! On est en contact radio avec la tour, on fait de l'auto-information et il y a un type d'approche - qu'on appelle en terme technique une MGN, une manœuvre à vue libre - qui est un petit peu délicate et il faut arriver sur la pointe des pieds. »

La rédaction