BFM Business
Transports

Cannes: Walter Salles s'attaque à un monstre avec "Sur la route"

Le cinéaste brésilien Walter Salles a relevé un défi de haute volée en adaptant pour le grand écran l'oeuvre phare de la "beat generation", "Sur la route", de Jack Kerouac. Présenté en compétition à Cannes à l'occasion de la 65e édition du Festival, le fi

Le cinéaste brésilien Walter Salles a relevé un défi de haute volée en adaptant pour le grand écran l'oeuvre phare de la "beat generation", "Sur la route", de Jack Kerouac. Présenté en compétition à Cannes à l'occasion de la 65e édition du Festival, le fi - -

par Wilfrid Exbrayat CANNES (Reuters) - Ecrit voici plus d'un demi-siècle par Jack Kerouac, "Sur la route", oeuvre phare de toute la "beat...

par Wilfrid Exbrayat

CANNES (Reuters) - Ecrit voici plus d'un demi-siècle par Jack Kerouac, "Sur la route", oeuvre phare de toute la "beat generation" de poètes et d'écrivains américains de l'après-guerre, n'en reste pas moins tout à fait actuelle de l'avis de Walter Salles.

Le cinéaste brésilien a relevé un défi de haute volée qui avait fait reculer d'autres cinéastes avant lui: mettre en images un roman longtemps réputé inadaptable. Mais le résultat, pour peaufiné qu'il soit, reste quelque peu conventionnel.

"Entre le 2 et le 22 avril 1951, Jack Kerouac écrit un roman de 125.000 mots sur un support papier de 36,50 mètres de long. Il a 29 ans".

Cette formule synthétique est de Gérard Lhéritier, fondateur du musée des lettres et manuscrits qui expose en ce moment à Paris le "tapuscrit" en question.

Francis Ford Coppola a acquis les droits du livre en 1979, l'année-même où il récoltait sa seconde Palme d'or avec "Apocalypse Now".

Après avoir approché des cinéastes tels que Jean-Luc Godard et Gus Van Sant, c'est finalement Walter Salles qui a retenu son attention en 2004, après avoir vu "Carnets de voyages".

"Ce que nous observons dans le film a un lien avec 'Carnets de voyages'. C'est l'éveil politique et social de jeunes qui découvrent une géographie, qui leur était étrangère", a expliqué Walter Salles après la projection de son long métrage, l'un des 22 à en découdre pour la Palme d'or.

"Ces jeunes essaient de trouver une liberté qui leur était interdite, de dépasser une culture extrêmement conservatrice, celle de l'Amérique d'après-guerre", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse, parlant également, pour cette génération, d'une "perte d'innocence".

Sal Paradise/Jack Kerouac rêve à sa manière du "Grand Ouest". Son point de repère et son alter ego, dans ses pérégrinations d'une côte à l'autre, lors de plusieurs voyages à pied, en camion et en voiture, c'est Dean Moriarty/Neal Cassidy, un jeune gars qui serait nihiliste s'il ne faisait une grande consommation de sexe, d'alcool et d'amphétamines.

VISION CRITIQUE DU MONDE

L'un des problèmes majeurs de Walter Salles était de constituer le casting adéquat. Kirsten Dunst (vue dans "Virgin Suicides", "Marie-Antoinette" ou encore "Melancholia") fut la première choisie. Elle interprète Carolyn Cassady, alias Camille dans le roman, l'épouse du compagnon de route de Jack Kerouac.

Garrett Hedlund joue le personnage de Neal Cassady, Sam Riley celui de Jack Kerouac et Kristen Stewart, celui de Luanne Henderson (Marylou), première épouse de Neal Cassady dont elle restera la maîtresse.

"Sur la route" est le type même d'histoire qu'épouse instinctivement le cinéaste brésilien qui n'en est pas à son premier "road movie", si l'on songe à "Terre lointaine" (1996), "Central do Brasil" (1998), le film qui l'a révélé au grand public, et "Carnets de voyage", qui avait déjà été présenté à Cannes en compétition.

"J'ai fait plusieurs road movies et je me rends compte que plus on s'éloigne du point de départ, plus on gagne en profondeur, mieux on se connaît. Mais en même temps, une partie de soi-même disparaît, est laissée au bord de la route", a expliqué Walter Salles.

Toutefois, en 2004, Salles ne se sent pas tout à fait prêt et il préfère tourner dans un premier temps un documentaire, inédit, "Looking for 'On the Road'", pour se faire une meilleure idée du matériau littéraire sur lequel il devra travailler mais aussi des figures de la Beat Generation.

D'eux, Walter Salles dit qu'ils "ont le courage de faire l'expérience de tout à fleur de peau". "Je pense que c'est très important aujourd'hui car le seul moyen de se faire une vision critique du monde est d'en faire l'expérience personnelle. C'est ce qui donne à ce livre un aspect extrêmement contemporain".

A la fin du film, Sal et Dean se rencontrent une dernière fois. Dean n'a pas changé, y compris dans sa mise, tandis que Sal a adopté un costume nettement plus bourgeois. Dean dit à Sal qu'il aura toujours été son meilleur ami.

Mais "Sur la route" est aussi l'histoire d'une "amitié brisée", selon Walter Salles. "Même si l'amitié a disparu, elle est immortalisée dans le livre. Il y a une certaine douleur et souffrance mais il est possible de la transcender grâce à l'art et la littérature", ajoute-t-il toutefois.

"Sur la route" sort sur les écrans en France ce mercredi.

Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Gérard Bon