BFM Business
Transports

Boeing 737 Max d'Alaska Airlines: pourquoi les enquêteurs ne pourront pas exploiter l'une des boîtes noires

Les techniciens du National Transportation Safety Board sont arrivés trop tard pour récupérer les données qui sont écrasées au bout de deux heures selon la réglementation américaine, contre 25 heures en Europe.

Même si le pilotage n'est absolument pas en cause dans l'incident du Boeing 737 Max 9 d'Alaska Airlines, qui a perdu un panneau en plein vol vendredi, les échanges vocaux entre les pilotes et l'équipage avant, pendant et après cet épisode auraient pu fournir de précieuses informations ou indices aux enquêteurs et à Boeing.

Manque de chance, ces informations sonores n'existent plus. En effet, les techniciens du National Transportation Safety Board (NTSB), l'équivalent du Bureau Enquête Accident en France, sont arrivés trop tard pour récupérer les données.

Porte arrachée en plein vol: comment Boeing a échappé à la catastrophe
Porte arrachée en plein vol: comment Boeing a échappé à la catastrophe
17:16

Car selon la réglementation aérienne américaine, les données du "cockpit voice recorder" ou CVR sont écrasées au bout de deux heures, c'est-à-dire effacées pour laisser place à un nouvel enregistrement.

"Une perte" pour l'enquête

Un comble pour un équipement aujourd'hui informatique intégré dans des conteneurs capables de résister à des forces colossales mais incapables d'enregistrer plus de données sonores.

Jennifer Homendy, présidente du NTSB a ainsi confirmé que l'enregistreur de données de vol et l'enregistreur vocal du cockpit de l'avion ont été envoyés dimanche aux laboratoires de l'agence pour être lus, mais qu'aucune donnée vocale n'était disponible.

"Il se passait beaucoup de choses, dans le poste de pilotage et dans l'avion. C'est un événement très chaotique. Le disjoncteur du CVR n'a pas été tiré. L'équipe de maintenance est allée le chercher, mais c'était juste après environ deux heures", a-t-elle déclarée, selon des propos rapportés par Reuters.

Et de poursuivre: "C'est malheureusement une perte pour nous, une perte pour la FAA et une perte pour la sécurité, car ces informations sont essentielles non seulement à notre enquête mais aussi à l'amélioration de la sécurité aérienne".

De quoi ajouter une polémique à la polémique déjà intense dans cette affaire. Car le NTSB réclame déjà depuis longtemps l'allongement de la durée d'enregistrement du CVR, comme en Europe où il est de 25 heures.

Les pilotes farouchement contre un allongement de la durée d'enregistrement

Et l'agence fédérale n'est pas la seule. Depuis le crash du vol MH370 de Malaysian Airlines en 2014, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI, une entité de l'ONU), recommande la généralisation des enregistrements de 25 heures sur les avions fabriqués à partir de 2021, ce qui correspond d'ailleurs à la durée déjà utilisée pour conserver les données de vol.

D'autant plus que de nombreux incidents évités de justesse depuis 2018 ont également donné lieu à l'effacement du CVR. Dix enquêtes ont ainsi été compromises, met en avant le NTSB.

De son côté, le régulateur, la Federal Aviation Administration (FAA) est plus prudent en annonçant il y a un mois qu'elle proposait de prolonger cette durée à 25 heures, mais uniquement pour les nouveaux avions. De quoi ouvrir une discorde entre le NTSB et la FAA.

Sauf qu'une telle mesure (comme celle visant à installer une caméra dans le cockpit) se heurte à l'opposition farouche des pilotes américains.

"(Cela) porterait atteinte de manière significative aux droits à la vie privée des pilotes et des autres membres d'équipage, et augmenterait considérablement la probabilité que les enregistrements CVR soient utilisés à mauvais escient ou diffusés sans autorisation", a ainsi déclaré le mois dernier le syndicat représentant les pilotes d'Atlas Air à la FAA.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business