Alcool au volant: une amende dès la première bière?
C'est un véritable "plan de lutte" contre l'insécurité routière. Bernard Cazeneuve a présenté, ce lundi, une série de 26 mesures en réponse à l'augmentation du nombre de tués sur les routes en 2014, qui constitue la première année de hausse dans ce domaine depuis douze ans.
Une seule bière pour se retrouver dans l'illégalité
A ce titre, l'éventail des dispositions annoncées est très large, allant de la formation à la protection, en passant par l'amélioration des infrastructures et des véhicules. Toutefois, l'annonce la plus notable de ce jour concerne indéniablement le taux d'alcoolémie légal pour les conducteurs novices*: ce dernier se voit abaissé de 0,5 à 0,2 gramme par litre de sang, à titre expérimental. Une "tolérance zéro" qui ne dit pas son nom?
Désormais, avec un seul verre d'alcool, certains jeunes pourront se retrouver au-dessus du seuil légal. En effet, une dose d'alcool tel que servie dans les bars (12,5 cl pour du vin, 25 cl pour la bière et 3 cl pour un whisky) correspond à chaque fois à la même quantité d'alcool pu absorbée. En l'occurrence, 10 g d'alcool pur, soit 0,2 gramme par litre de sang.
"La France est le cancre de la sécurité routière"
Habitué des coups de gueule contre les mesures annoncées pour la gouvernement en matière de sécurité routière, notamment sur la vitesse, Pierre Chasseray de l'association "40 millions d'automobilistes" se dit "évidemment" solidaire du ministre de l'Intérieur sur cette annonce choc.
"Que pouvait faire d'autre le ministre de l'Intérieur?", s'interroge le porte-parole de "40 millions d'automobilistes", interrogé par BFMTV.com. "La France est le cancre de la sécurité routière. Nous visons moins de 2.000 morts sur les routes par an, et plus d'un 1/3 des tués le sont à cause de l'alcool au volant, personne ne pouvait rester les bras ballants."
Face à cette problématique très précise de l'alcoolémie au volant, Pierre Chasseray a toutefois des choses à redire. "Je regrette que seuls les jeunes conducteurs soient stigmatisés et je regrette profondément que nous n'ayons pas pu faire respecter la loi des 0,5 gramme par litre de sang."
"Ce n'est pas une bonne mesure", pour Chantal Perrichon
Autre figure en matière de sécurité routière, Chantal Perrichon, contactée par nos soins, s'est dite de son côté "désappointée". Abaisser le taux légal d'alcoolémie pour les jeunes de 0,5 grammes à 0,2 par litre de sang, "ce n'est pas une bonne mesure", affirme-t-elle.
Premièrement, "il y a peu d'accidents mortels entre 0,2 et 0,5", nuance la présidente de la Ligue contre la violence routière. "Et il ne faut pas oublier que nous sommes incapables de faire respecter la loi sur les 0,5 grammes. Durcir la loi quand nous ne sommes pas capables de l'appliquer, c'est la décrédibiliser", juge-t-elle.
Tout comme Pierre Chasseray, Chantal Perrichon se désole de voir cette mesure limitée aux nouveaux conducteurs. "Il y a des gens de 30, 40, 50 ans, qui font partie des 30% de tués par an à cause de l'alcool au volant", rappelle-t-elle. Pis, avec une telle disposition, les jeunes risquent de se retrouver "plus pénalisés que les autres": "Avec un seul verre de bière, ils pourraient perdre leur permis", rappelle-t-elle.
Comment aller plus loin?
Pour le porte-parole de 40 millions d'automobilistes, le ministère de l'Intérieur se doit désormais "d'accompagner cette mesure". "Je demande à l'Etat la mise en place d'éthylotests gratuits dans des lieux comme les boîtes de nuit, pour donner aux gens toutes les chances de respecter cette loi. Pourquoi ne pas mettre la main au porte-feuilles, avec tout l'argent tiré de la répression routière?", propose Pierre Chasseray.
Dans la même veine et de manière encore plus radicale, Chantal Perrichon souhaite voir des avancées et une généralisation des systèmes d'éthylotests anti-démarrage (EAD). Mais pas seulement: "Il faut aussi lutter contre ce qui incite à consommer de l'alcool", déclare-t-elle. "Pour cela, il faut interdire la publicité de l'alcool sur Internet ou encore la vente dans les stations-services." Des pistes qui restent aujourd'hui encore trop peu explorées.