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Aéroports, gares... Le nouveau système de contrôle aux frontières de l'UE va-t-il semer la pagaille?

Un train Eurostar à destination de Paris, à la gare St Pancras de Londres, le 18 janvier 2021

Un train Eurostar à destination de Paris, à la gare St Pancras de Londres, le 18 janvier 2021 - Tolga Akmen © 2019 AFP

La mise en place en octobre du nouveau système automatisé de contrôle des entrées et sorties de l'espace Schengen pourrait engendrer la formation de longues files d'attente dans les aéroports, gares et ports.

De l'autre côté de la Manche, on se prépare au pire. À quelques mois du déploiement du nouveau système de contrôle des entrées et sorties aux frontières de l'Union européenne, le maire de Londres, Sadiq Khan, a alerté samedi sur le "chaos" que ce dispositif allait entraîner en gare de St-Pancras, craignant "des files d'attente potentiellement énormes pour les passagers aux heures de pointe".

Baptisé EES (Entry/Exit System), ce système que redoutent tant les Britanniques doit entrer en vigueur en octobre. À cette date, les ressortissants de pays tiers entrant dans l'espace Schengen seront soumis à un système automatisé de contrôle des entrées et des sorties dans les aéroports, gares et ports permettant de rallier le territoire européen. Le dispositif donnera naissance à une base de données centralisée qui comprendra la date et le lieu d'entrée et de sortie, ou de refus d'entrée, les photographies du visage et les empreintes digitales du voyageur.

Yann Leriche, directeur général de Getlink - 25/01
Yann Leriche, directeur général de Getlink - 25/01
10:29

"Des files d'attente de plus de 14 heures" au port de Douvres?

D'après l'Union européenne, l'EES facilite "l'identification des voyageurs qui n'ont pas le droit d'entrer ou qui ont séjourné trop longtemps dans les pays européens utilisant l'EES". Le système rend également plus facile "la détection des voyageurs utilisant de fausses identités et ou de faux passeports" et contribue "à prévenir, détecter et enquêter sur les infractions terroristes ou autres infractions pénales graves".

L'UE affirme en outre que "le principal avantage de l'EES est le gain de temps" puisqu'il "remplace le tamponnage des passeports et automatise les procédures de contrôle aux frontières, rendant ainsi les voyages vers les pays européens utilisant l'EES plus efficaces pour le voyageur".

Mais tous ne semblent pas partager cet optimisme. Craignant que ce dispositif ne pose des problèmes dans les aéroports pendant les Jeux olympiques, la France aurait ainsi réclamé (et obtenu) le report de sa mise en place à fin 2024. Chez nos voisins britanniques, la préoccupation est encore plus grande depuis qu'un comité parlementaire a mis en garde contre les conséquences potentiellement désastreuses de ce système sur le trafic au port de Douvres.

"Des files d'attente de plus de 14 heures, des véhicules bloqués le long des grands axes routiers, des commerces privés de fréquentation: ces éléments dressent un tableau alarmant des risques potentiels liés à la mise en oeuvre de l'EES", s'est inquiété William Cash, le président du comité.

"J'implore les décideurs des deux côtés de la Manche de prendre note de ces éléments", dit-il, cité dans un communiqué. L'EES "doit être mis en oeuvre en octobre; le temps presse", a-t-il ajouté.

Des bornes d'enregistrement biométriques

Avec le système EES, les voyageurs se rendant dans l'UE devront se pré-enregistrer sur des bornes d'identification biométrique développées par Thales et installées dans les gares, ports et aéroports. Selon le chef du port de Douvres, cela pourrait conduire à allonger significativement les temps de contrôles, jusqu'à 10 minutes pour une voiture de quatre à cinq personnes, contre 45 à 90 secondes aujourd'hui.

"Dans l'état actuel des choses, ces nouveaux contrôles post-Brexit provoqueront le chaos à St-Pancras", a indiqué de son côté le maire de Londres, Sadiq Khan. La mairie de Londres fait valoir que la gare de Saint-Pancras ne disposera que de 24 guichets de contrôle pour l'EES, alloués par le gouvernement français, "alors que des modélisations suggèrent qu'il en faudrait près de 50 en heures de pointe".

"Les ministres doivent désormais offrir à HS1 (opérateur ferroviaire exploitant les liaisons entre Londres et le tunnel sous la Manche, NDLR) et à Eurostar tout le soutien dont elles ont besoin pour résoudre ces problèmes de toute urgence. Les réductions de services et les délais plus longs ne sont tout simplement pas une option", a insisté Sadiq Khan.

Inquiétudes des exploitants du tunnel sous la Manche

Eurostar a exprimé des inquiétudes similaires et indiqué que le système EES était davantage adapté aux aéroports qu'aux gares. Eurotunnel a pour sa part estimé que le contrôle d'une voiture passerait de 60 secondes aujourd'hui à 5 à 7 minutes avec le nouveau dispositif.

Certains pays ont confirmé l'allongement des durées des contrôles qui prendront "jusqu'à quatre fois plus de temps", selon le gouvernement slovène. L'Autriche a elle évoqué un délai de traitement qui allait au moins "doubler par rapport à la situation actuelle", quand la Croatie a reconnu que les contrôles aux frontières seraient "certainement beaucoup plus longs".

L'instauration du système EES sera complétée quelques mois plus tard par la mise en place d'un système européen d'autorisation de voyage baptisé ETIAS. Cette autorisation de voyage électronique sera obligatoire pour les ressortissants de pays tiers souhaitant entrer dans l'espace Schengen. Ce document fonctionnera sur le modèle du système électronique d'autorisation de voyage américain (ESTA) et coûtera 7 euros à chaque voyageur.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco