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Aérien: certifié, le C919 va permettre au chinois Comac de se mesurer à Airbus et Boeing

Le monocouloir court-moyen courrier symbolise les efforts de la Chine pour développer son propre avion commercial afin de secouer le duopole.

Le C919, premier moyen-courrier fabriqué en Chine a obtenu sa certification auprès des régulateurs chinois suite à 12 ans de développement et 5 ans de tests, ont rapporté les médias locaux, avec un début des opérations prévu pour début 2023.

Le biréacteur, construit par l'avionneur d'Etat Comac (Commercial Aircraft Corporation of China), a reçu le feu vert lors d'une cérémonie officielle à l'aéroport de Pékin jeudi, selon les médias et des photos publiées sur les réseaux sociaux.

Le monocouloir symbolise les efforts de la Chine pour développer son propre avion commercial afin de secouer le duopole Airbus/Boeing. Jusqu'à présent, Comac ne proposait que des aéronefs à vocation régionale.

Le C919 est un appareil court-moyen courrier capable de transporter 158 à 174 passagers sur 4075 kilomètres, il viendrait concurrencer directement les populaires A220 et A320 d'Airbus et le 737 de Boeing.

L'avion chinois C919 a effectué son premier spectacle aérien
L'avion chinois C919 a effectué son premier spectacle aérien © STR

S'il arbore fièrement le drapeau chinois, cet appareil est en réalité largement composé de pièces occidentales, notamment ses moteurs (le Leap-1C) fabriqués par le consortium franco-américain CFM International regroupant General Electric et Safran.

Provenance des pièces du C919 de Comac
Provenance des pièces du C919 de Comac © DR

China Eastern Airlines, deuxième plus grande compagnie du pays par le nombre de passagers, sera la première compagnie aérienne à faire voler cet avion sur des liaisons nationales et internationales. Le géant a commandé cinq appareils au constructeur chinois pour une mise en service au premier trimestre 2023.

Déjà 815 commandes en Chine

L'arrivée de C919 peut-il faire craindre des pertes de parts de marché pour l'avionneur européen, notamment en Chine, le deuxième plus important au monde?

Les compagnies nationales affichent en effet leur soutien à ce modèle produit localement. Comac assure avoir reçu au total 815 commandes de 28 compagnies même s'il n'a pas encore reçu le feu vert des régulateurs américains et européens et a besoin encore d'une autre autorisation pour passer à la production de masse.

Invité de BFM Business fin juillet, Guillaume Faury, directeur exécutif d'Airbus affiche une certaine sérénité mais ne sous-estime absolument pas ce nouvel adversaire.

"En effet, on aura un nouvel acteur sur le marché. On a déjà eu dans le passé d'autres tentatives par d'autres constructeurs de venir bousculer la compétition Airbus/Boeing dans le segment des courts et moyens courriers. C'est un acteur que l'on prend très au sérieux", souligne le dirigeant.

"Ils ont un marché un peu captif où ils vont pouvoir commencer à vendre, à mettre en service ces avions et donc on va observer avec énormément d'attention ce qui se passe avec Comac" souligne Guillaume Faury.

Néanmoins, "il leur faudra beaucoup de temps avant d'arriver à faire la montée en cadence, la fiabilisation de l'avion pour pouvoir être un des trois joueurs, sachant qu'aujourd'hui c'est Boeing et Airbus qui dominent très largement", poursuit-il.

Pour le CEO, Airbus a toutes les armes pour préserver ses positions. "On a un concurrent américain qui historiquement est très fort. Aujourd'hui, on est passé devant eux, ça montre que les choses peuvent bouger. On pense que la meilleure façon de s'en sortir est de continuer à investir, continuer à innover et en particulier dans le domaine de la décarbonation du secteur".

Un espace laissé par Boeing

D'autant plus que Boeing n'est plus en odeur de sainteté à Pékin. D'abord pour des raisons politiques résultant des tensions commerciales entre Washington et Pékin. Ainsi, la Chine n'équilibre plus ses commandes entre les deux avionneurs comme elle le faisait traditionnellement et bride ses commandes au géant américain.

Ensuite, les autorités chinoises sont échaudées par le crash d'un Boeing 737-800 de la compagnie China Eastern Airlines en mars dernier près de la ville de Wuzhou, dans la région du Guangxi. Les 132 personnes à bord ont péri.

En mars 2019, le pays avait été par ailleurs le tout premier au monde à ordonner à ses compagnies de suspendre les vols des appareils 737 MAX pour des raisons de sécurité. Et avait été le dernier grand pays à lever l'interdiction de vol pour cet appareil.

Depuis, le groupe a dû se contenter de livrer en Chine une poignée d'avions cargo et quelques appareils commandés par des sociétés de leasing.

Dans le même temps, plusieurs compagnies chinoises ont commandé plus de 300 appareils à Airbus depuis le début de l'année. En juillet, Boeing s'est dit optimiste, misant pour une nouvelle autorisation de livraison en Chine cette année.

Olivier Chicheportiche avec AFP