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Les hôtesses et stewards de cette compagnie américaine en partie payés au pourboire

Depuis le 1er janvier, sur Frontier Airlines, les passagers peuvent laisser un pourboire s'ils sont satisfaits du service à bord.

Depuis le 1er janvier, sur Frontier Airlines, les passagers peuvent laisser un pourboire s'ils sont satisfaits du service à bord. - Airbus

Depuis le 1er janvier, sur les vols de Frontier, les passagers sont incités à laisser un pourboire lorsqu'ils achètent quelque chose à bord. La compagnie présente cette innovation comme un moyen d'améliorer les fins de mois du personnel navigant.

Frontier Airlines a trouvé un moyen d’améliorer les revenus des hôtesses et stewards sans que cela lui coûte. Comment? Depuis le début de l’année, cette compagnie aérienne low-cost américaine permet au personnel navigant de percevoir des pourboires, selon une information du Wall Street Journal repérée par Les Echos.

Les hôtesses et stewards n'ont pas besoin de tendre une soucoupe aux passagers. Ces derniers peuvent manifester leur gratitude grâce à un bouton "pourboire" sur le terminal de paiement par carte bancaire. Aux Etats-Unis, ce principe du paiement complémentaire à la discrétion des clients vise à inciter le personnel à offrir un service de qualité. C’est la norme dans les bars et restaurants, mais aucune compagnie aérienne n'avait jusque là osé l'appliquer à bord des avions. Cette initiative est mal accueillie par le personnel et par les syndicats professionnels, mais aussi par les clients, mêmes les plus fortunés.

Les salariés appuyés par de riches américains

Comme le signale l’association Patriotic Millionaires, cette méthode est néfaste à tous points de vue. Elle risque de paupériser les salariés, d'irriter les clients et finalement de dégrader le service. "Les travailleurs qui dépendent de pourboires gagnent moins que les autres, et avec une source de revenu beaucoup plus instable, sont beaucoup moins en mesure de planifier des achats importants ou des situations d’urgence". Cette association fédère une centaine de millionnaires "engagés à améliorer le sort de tous les Américains" et milite pour "garantir aux salariés un revenu juste et équitable". Selon ce groupe, "le système des pourboires n’apportera rien ni aux clients, ni aux salariés. Le seul gagnant est Frontier Airlines".

En effet, pour la compagnie de Denver ce système permet d’améliorer les revenus du personnel sans que l’employeur n’ait à augmenter les salaires. Frontier est d’ailleurs en conflit permanent avec son personnel à cause des conditions de travail qu’elle impose et des rémunérations qu'elle assure au personnel de bord. Elle oblige par exemple les femmes enceintes à prendre un congé sans solde pendant leur grossesse. Et, comme le rappelle l'Association des agents de bord (AFA) Frontier est, des toutes les compagnies aériennes américaines, celle où les salaires sont les plus bas. Depuis la mise en place de ce système, le ton monte avec les salariés qui ont menacé de faire grève en décembre. Rien n'y a fait.

Une incitation au harcèlement sexuel

Le système des pourboires pose d'autres problèmes. Il crée un traitement inégale selon, les destinations et les horaires de vols. En effet, les clients seraient plus généreux lorsqu’ils vont faire la fête à Las Vegas ou Cancun que lorsqu’ils voyagent par nécessité sur des vols intérieurs. De plus, les vols de nuit deviendraient moins intéressants pour le personnel puisque les passagers consomment moins.

Autre crainte: le harcèlement sexuel. Aux Etats-Unis, ce phénomène est en augmentation dans les avions de ligne et le personnel de bord est le plus exposé. Le risque serait, selon le syndicat américain du personnel navigant (AFA) à laisser croire à certains passagers qu'ils pourront obtenir ce qu'ils veulent en échange d'un pourboire. "Deux tiers de ces professionnels sont victimes de harcèlement sexuel au cours de leur carrière", signale l’AFA qui a réalisé un sondage sur le sujet en 2018 auprès de 29 compagnies aériennes américaines. Le syndicat prévient même que ce phénomène "compromet la capacité des agents de bord de s’acquitter de leurs tâches liées à la sécurité en cas d’urgence et d’aider les passagers".

Autant d’arguments qui n'ont pas pour l'heure suffit à dissuader Frontier de remettre en question l’instauration des pourboires. Elle espère même être suivie par d’autres compagnies low cost afin de transformer hôtesses et steward en commerciaux chargés d’inciter les passagers à la consommation. Et comme le rappelle l’AFA, la mission de ce personnel est d’assurer la sécurité des passagers pendant un vol, et non pas "de vendre des boissons".

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco