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Ces projets de téléphériques urbains qui ne verront jamais le jour

À Brest, une ligne de téléphérique traverse le port depuis fin 2016. Après des difficultés techniques de démarrage, ce transport par câble a pris son envol pour désenclaver un quartier de la ville.

À Brest, une ligne de téléphérique traverse le port depuis fin 2016. Après des difficultés techniques de démarrage, ce transport par câble a pris son envol pour désenclaver un quartier de la ville. - Fred Tanneau-AFP

Si Brest est la seule ville de France à exploiter un service urbain de téléphérique, treize projets sont à l'étude rien qu'en Ile-de-France. Mais les obstacles politique ou technique en freinent l'éclosion en zones urbaines denses.

Depuis 2016, à Brest, première en France à s'équiper d'un téléphérique, des cabines relient à 60 mètres au-dessus de l'eau le centre-ville à deux quartiers de la ville, isolés par la rivière Penfeld. Et la cité bretonne est en passe de gagner son pari. Alors que les estimations de trafic tablaient sur une fréquentation de 675.000 voyageurs l'an, la barre des 720.000 voyages a été atteinte en moins d'un an et le millionième voyage a eu lieu courant 2018.

Mais ce succès certain en matière de transport public révèle aussi les inconvénients et les obstacles inhérents au téléphérique en zone urbaine une fois en exploitation.

De nombreux incidents techniques ont eu lieu à Brest

De nombreuses difficultés techniques ont émaillé le démarrage de la ligne en 2016 et 2017, provoquant plusieurs interruptions de service. En mars 2019, les cabines se sont même bloquées à deux reprises avec des passagers à bord qu'il a fallu évacuer avec le retour en station des cabines.

Pour prévenir tout incident grave, un exercice de sauvetage de passagers bloqués dans les cabines a eu lieu en juin 2018 à Brest avec un hélicoptère hélitreuillant des secouristes (cf photo ci-dessous).

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- © Un exercice d'évacuation de la cabine du téléphérique de Brest a mené le 4 juin 2018. Fred Tanneau-AFP

Les riverains à Brest se sont également plaint du bruit causé par le passage des cabines. La cause provenait du câble métallique utilisé pour la traction. Pour remédier au problème, il faudra installer en mai 2019 un nouveau câble contenant du nylon sur deux kilomètres pour un coût de 270.000 euros, soit le double du câble actuel mais dont la durée de vie devrait être doublée, explique le quotidien régional Ouest-France.

En France, d’autres villes envisagent des projets de téléphérique urbain, telles Orléans et Toulouse. En Ile-de-France, pas moins de treize projets sont à l’étude. Le plus mûr est celui du Téléval, long de 4,5 km, qui reliera Créteil à Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne), pour transporter jusqu'à 10.000 passagers par jour (cf illustration ci-dessous). Son temps de parcours sera de 17 minutes avec des cabines toutes les 30 secondes aux heures de pointe. L'enquête publique est ouverte jusqu'au 11 mai 2019. Mais il faudra ensuite signer le contrat pour la construction et son exploitation, sachant qu'il faudrait encore de trois à cinq ans pour construire le téléphérique.

Dans la palette des transports en commun à la disposition des collectivités, le téléphérique urbain est présenté comme une solution "alternative" de choix. Sobre en énergie, le téléphérique n'empiète pas l'espace dédié à la voirie qu'ont déjà à se partager voitures, bus, vélos et piétons. Son emprise au sol se limite à quelques pylônes, aux stations de départ et d'arrivée, voire quelques gares intermédiaires, argumentent ses partisans.

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- © À Créteil (Val-de-Marne), des modélisations du survol d'immeubles d'habitation ont été réalisées pour le projet de téléphérique urbain.

Mais sa conception même de transport aérien pose problème, avec ses cabines amenées en zone urbaine à survoler les habitats. Quel est le degré d'acceptabilité des riverains vis-à-vis d'un câble et de télécabine passant à côté d'habitats collectifs ou au-dessus de leurs pavillons de banlieue?

C'est la fronde de riverains et l'action militante menée par l'association Actevi-Touche pas à mon ciel qui a conduit André Santini, le maire d'Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), à renoncer en 2008 à son projet de téléphérique reliant les quartiers bas et hauts de la ville. Celui-ci avait l'inconvénient de survoler le centre-ville à l'habitat très dense.

Des temps de trajets plus longs que le bus?

L’un des autres projets franciliens de téléphérique, qui projette de relier sur 6 km les villes de Boulogne (Hauts-de-Seine) et Vélizy (Yvelines), pourtant soutenu par la région, a vu l'un des maires concernés (celui de Sèvres) réviser sa position récemment. "L’idée était bonne, mais depuis nous avons reçu l’étude indépendante commandée par Ile-de-France Mobilités, et les conclusions s’imposent : le projet coûte cher, n’est pas sûr d’être rentable, et les temps de trajets sont plus longs qu’en bus" explique au Parisien, Grégoire de la Roncière, l'édile (Divers Droite) de cette commune survolée par le projet.

"Sur un certain nombre de liaisons, le téléphérique semblait assez séduisant au départ mais était finalement une fausse bonne idée, car compliqué à construire, plutôt cher, assez lent et peu capacitaire", remarque Elodie Hanen, directrice générale adjointe en charge du développement chez IDFM. Pas sûr que les 13 projets de téléphérique en Ile-de-France, voient le jour...

Frédéric Bergé