"On voit les lumières s'éteindre": les boutiques françaises de The Body Shop sous la menace d'un dépôt de bilan

Les boutiques françaises de la chaîne de cosmétiques britannique The Body Shop, en pleine tempête depuis son rachat par un fonds d'investissement, craignent la fermeture.

The Body Shop au bord du précipice en France. Dans les boutiques françaises de la chaîne de cosmétiques, chahutée depuis le rachat de l'entreprise britannique par un fonds d'investissement, personne ne sait vraiment ce qu'il se passera dans les prochaines semaines, voire les prochains jours.

"Il y a une grande zone d'ombre, on ne sait pas où on va", témoigne-t-on dans l'un des magasins.

Une situation difficile pour les équipes qui attendent d'être fixées sur leur sort, sans se faire d'illusion quant à l'avenir de la soixantaine de boutiques que compte l'Hexagone.

L'entreprise est récemment passée dans les mains du fonds d'investissement allemand Aurelius, précédé par sa réputation de "désosseur" d'entreprises, comme l'a été la branche européenne d'Office Depot. Le nouveau propriétaire annonce rapidement céder la filiale française, comme d'autres filiales européennes et asiatiques, à un family office baptisé Alma24, avant de faire marche arrière. En même temps, la maison-mère dépose le bilan au Royaume-Uni. Or, les témoignages sont unanimes dans les boutiques françaises: silence radio constant du fonds Aurelius.

"J'ai l'impression d'être dans une série B de mauvais goût", ironise un manager.

Du jour au lendemain, les livraisons depuis le Royaume-Uni vers la France ont été totalement interrompues. Les rayons ne sont pas encore vides, mais les stocks peineront à tenir au-delà d'un mois, un mois et demi au mieux, et certains best-sellers commencent à manquer – le site de e-commerce, lui, est inaccessible. Certains craignent maintenant que les salaires de mars ne soient pas versés. "C'est un flou artistique", déplore ce même manager. D'autant plus que le directeur général pour la France et le Bénélux, Hugues Laurençon, a démissionné et devrait bientôt quitter ses fonctions.

Il n'est plus possible de commander d'articles sur le site français de The Body Shop le 7 mars 2024 © Capture

"Anxiogène" pour les salariés

En interne, on regrette une situation "anxiogène" pour les salariés, loin des valeurs de The Body Shop qui a bâti son modèle sur des vertus sociétales et environnementales. "Ça a été brutal et violent. Et maintenant, on attend", soupire-t-on. Personne n'imaginait un tel scénario, malgré la rude concurrence de nouvelles enseignes comme Rituals. L'ex-propriétaire brésilien avait renouvelé la gamme et, porté par un discours rassurant, un réseau de franchise avait commencé à être déployé sur le sol français. La dernière ouverture d'une boutique franchisée ne remonte qu'à décembre 2023.

"On voit les lumières s'éteindre les unes après les autres" dans les pays voisins et "on a l'impression d'être la dernière chandelle", résume un manager.

Les salariés français suivent de près ce qui se passe ailleurs en Europe, où plusieurs filiales ont déjà déposé le bilan, comme en Allemagne, ou s'apprêtent à le faire. Selon nos informations, le dépôt de bilan pour The Body Shop France pourrait être réalisé d'ici quelques jours. "La seule issue possible", estime une source interne. Deux chemins seront alors possibles pour la filiale française: soit le redressement judiciaire, si le tribunal juge les perspectives d'avenir favorables, soit la liquidation judiciaire pure et simple. Dans le deuxième cas, les boutiques baisseront le rideau.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV