BFM Business
Entreprises

Négociations commerciales: le ras-le-bol des géants de l'industrie agroalimentaire

Ces dernières semaines, plusieurs multinationales ont annoncé des fermetures de lignes de production en France et les perspectives ne sont pas bonnes. Au coeur de leur agacement, surtout, les tensions dans les négociations commerciales avec les distributeurs.

31 janvier 2024. Mondelez International annonce qu'il va fermer son usine de biscuits Lu de Château-Thierry (Aisne). Le lendemain, son concurrent Nestlé fait savoir qu'il prévoit de céder à un fonds d'investissement ses activités françaises d'aliments pour bébé et l'usine vosgienne qui les produit.

Le 29 février, Unilever dit avoir reçu une offre ferme du breton Sill pour le rachat de ses soupes liquides de la marque Knorr en France. En 2021, déjà, il avait fermé son site de production de Duppigheim (Bas-Rhin). Il lui reste trois usines dans l'hexagone. Une source proche du dossier nous assure qu'il "n'y a pas de désengagement" du géant britannique et qu'il "poursuit son ancrage en France", qui reste "un marché très important" pour lui.

Problème d'attractivité

Mais le malaise est profond chez les fournisseurs de produits de grande consommation. C'est pourquoi le patron de l'Ilec, un des lobbies des industriels du secteur, a demandé une étude détaillée au cabinet EY. Publiée en décembre dernier, elle montre un vrai problème d'attractivité pour les filiales françaises des multinationales.

Selon cette étude, "environ un dirigeant sur six envisage ainsi de fermer un site de production en France dans les trois prochaines années, avec peu de nouveaux investissements et une faible valeur ajoutée des activités envisagées (peu en R&D, industrie, sièges...)".

Toujours d'après EY, près de quatre entreprises sur dix ont vu leur maison mère refuser des projets d'investissements en France.

"Plus tendu qu'ailleurs en Europe"

Aux sièges de ces multinationales, on s'agace du niveau des marges, du coût du travail, d'un trop plein de textes de lois, des centrales d'achats européennes, et surtout des relations avec les acteurs de la grande distribution, dans "un climat jugé plus tendu et dégradé que dans d'autres pays européens".

Pour expliquer sa décision de fermer son site de Château-Thierry, Mondelez évoque aussi dans un communiqué "la concurrence croissante des produits alimentaires de marques de distributeurs", sur lesquels ces derniers misent beaucoup.

La tension avec ces distributeurs est telle que plus d'un mois après la clôture officielle des négociations commerciales, d'après une source, une grande partie des contrats ne sont toujours pas signés avec une des centrales d'achats européennes.

"Il est important que les fournisseurs puissent rétablir leur profitabilité et qu'elles puissent passer des hausses de prix", souligne une source côté industriels.

Une conviction partagée par le patron de l'Ilec, qui explique "quand on compare les prix en Europe, les hausses de net en France sont inférieures à ce qui se fait ailleurs."

Un dossier suivi de près par Bercy

Ces derniers temps, le directeur général de l'Ilec Richard Panquiault a multiplié les rendez-vous avec des acteurs du secteur. Il raconte avoir rencontré fin décembre Roland Lescure, ministre délégué de l'industrie et de l'énergie, mais il regrette de n'avoir pas encore pu voir Bruno Le Maire à ce sujet.

Du côté de Bercy, on assure que le ministre de l'Économie suit ce dossier de près et qu'un focus particulier sur la filière agroalimentaire est prévu dans la mission parlementaire, qui a été lancée récemment et qui doit aboutir d'ici l'été sur un nouveau texte sur Egalim.

Contactés par BFM Business, Mondelez, Unilever et Nestlé n'ont pas commenté pour l'instant.

Pauline Tattevin