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Mascottes des JO 2024: pourquoi ne sont-elles pas à 100% Made in France?

Deux entreprises françaises ont été retenues pour la fabrication des mascottes des Jeux Olympiques Paris 2024. Pourtant, la majorité de leur production va s'effectuer... en Chine. Une pilule difficile à avaler pour les défenseurs du Made in France.

Les Jeux olympiques (JO) de Paris ont dévoilé leurs mascottes. Dénommés "Phryges", ces bonnets phrygiens rouges qui arborent deux pattes et deux grands yeux, seront les emblèmes de l'édition olympique tricolore de 2024. Mais voilà, au-delà de leur apparence, c'est l'origine de ces produits qui fait débat.

"On nous a vendu un bonnet phrygien chinois!", s'est emporté Yves Jégo, le fondateur de la certification Origine France garantie, sur l'antenne de RMC, mardi.

Si le marché a été confié aux entreprises françaises Gipsy et Doudou & Compagnie, une majorité de la production totale, évaluée à 2 millions de pièces, s'effectuera en Chine.

D'après Ouest France, sur le million de mascottes produites par l'entreprise Doudou & Compagnie, 200.000 seront fabriquées dans son usine de Guerche-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) qui s'agrandira pour l'occasion. Pour cette partie de la production, le rembourrage, l'assemblage, et la couture seront réalisés en France tandis que les matières premières et les préparations des pièces détachées s'effectueront en Chine, a rapporté l'AFP.

Une "douche froide"

"Cette annonce a été une douche froide pour tous ceux qui espéraient que ces Jeux olympiques soient Made in France", a estimé Yves Jégo.

"Si les JO sont partis sur l'idée de ne pas être Made in France, on aura raté l'effet d'image, on aura raté l'effet retentissement des savoir-faire français", a-t-il regretté, avant de lancer: "il faut que le comité olympique se réveille".

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a quant à lui estimé mardi, au micro de Franceinfo, que la fabrication en Chine de la quasi-totalité des peluches servant de mascottes aux JO de Paris 2024 était "un problème". À tel point qu'il ne ferme pas la porte à un rapatriement de la production des Phryges dans l'Hexagone.

"Je veux croire qu'on a encore quelques mois avant que les JO ne se tiennent pour être capables de corriger le sujet", a-t-il affirmé.

Un "début"

Invité sur RMC, mardi, le ministre délégué en charge de l'Industrie Roland Lescure a, de son côté, défendu le choix du comité d'organisation.

"20%, ce n'est pas assez mais c'est quand même mieux que rien", a-t-il jugé en référence à la part de la production de mascottes réalisée dans l'Hexagone. "Pour ce faire, l'entreprise Doudou & Compagnie va accroître la taille de son usine en Bretagne et recruter des salariés", a-t-il ajouté. "Donc c'est un début".

D'autant que les deux PME sélectionnées ne sont pas les seules à délocaliser leur production. Lors de la présentation de ces mascottes lundi, le comité d'organisation a en effet rappelé que "la très grande majorité des peluches vendues" en France étaient produites en Chine. Car fabriquer des pièces dans des usines de l'Empire du Milieu permet avant tout de minimiser ses coûts de production.

Une relocalisation moins coûteuse

Il existe pourtant des exceptions, à l'image de Pioupiou & Merveilles, un autre fabricant de peluches tricolore qui a décidé de rapatrier une majorité de sa production en France depuis l'automne 2020. Et, grâce à cette stratégie, l'entreprise parvient à vendre certains de ses produits 60% moins cher que s'ils étaient produits à 100% en Chine.

"Notre peluche Gaston [un ours beige, NDLR] d'un mètre est vendue 50 euros contre plus du double si elle était complètement produite en France et 80 euros si elle l'était en Chine", nous avait détaillé son fondateur et dirigeant Jérôme Duchemin.

Pour réduire ses coûts, l'entreprise a notamment optimisé le nombre de peluches stockées et transportées en conteneurs, dont le prix avait fortement augmenté suite au Covid. Et s'il a chuté entre temps, le fait de ne désormais réaliser que "l'enveloppe du produit" en Chine permet à Pioupiou & Merveilles de placer 10.000 pièces dans chaque conteneur, contre 1100 avant la relocalisation. Dès leur arrivée en France, les peluches sont ensuite garnies, mises en forme, fermées avec la machine à coudre avant d'être séchées, soufflés puis mises en carton.

"Des produits complexes" à fabriquer

Toutefois, les phryges de 24 cm ne ressemblent pas vraiment aux ours d'un mètre de haut de Pioupiou & Merveilles. Et, selon son dirigeant Jérôme Duchemin, c'est justement la petite taille de ces mascottes qui compliquent le rapatriement à 100% de leur confection en France.

"Il s'agit de produits complexes en termes de design et de façonnage dont la fabrication demande énormément de temps de travail", indique-t-il.

"D'autant que la main d'oeuvre représente, en moyenne, plus de 60% du coût d'une peluche", explique Sandra Callahan, directrice générale de Gipsy, le deuxième acteur français en charge de la fabrication des mascottes. Or le coût horaire du travail reste bien plus important en Europe qu'en Chine. "Ce coût de revient très élevé obligerait à pratiquer un prix de vente pas très attractif", affirme Jérôme Duchemin.

Une différence de coût qui se retrouvera en partie en magasins sur les deux gammes de produits commercialisés par Doudou & Compagnie. Selon Ouest France, les 20% de peluches Made in France de l'entreprise seront vendues au prix de 49,90 euros, contre 34,90 pour les pièces fabriquées en Chine.

Au-delà du coût, la quantité de produits totale, estimée à deux millions, rend aujourd'hui cette relocalisation quasi-impossible.

"Aucun atelier, aucune usine en France n'est capable aujourd'hui d'absorber ce volume", assure Sandra Callahan.

Une désertification qui aurait pu être évitée, selon le président du label Origine France Garantie, Gilles Attaf, en adoptant une stratégie de long terme. "Pour produire en grande quantité, il faut avoir un outil industriel performant, ce qui n’est plus le cas en France car nous avons abandonné notre industrie pendant des décennies: les produits manufacturés représentent en effet 10% du PIB en France, contre 16% en Europe et même 22% en Allemagne", a-t-il dénoncé dans une tribune.

Pour la dirigeante de Gipsy, l'attribution de ce marché représente avant tout "un énorme accélérateur de business pour deux acteurs majeurs français du jouet". "Réjouissons-nous!"

Nina Le Clerre