BFM Business
Entreprises

Manufrance, l'ASSE et maintenant Casino: Saint-Etienne frappée au coeur

Après la fin de Manufrance et la relégation de son club de foot, les menaces de démantèlement du groupe Casino touchent à nouveau au cœur de l'identité stéphanoise, laissant la ville "traumatisée".

Tout Saint-Etienne est appelé à défiler dimanche pour défendre Casino, fleuron de l'économie locale créé il y a 125 ans et dont l'histoire est profondément imbriquée avec celle d'autres institutions phares de la ville. Après la fin de Manufrance et la relégation de son club de foot, les menaces de démantèlement du groupe de grande distribution touchent à nouveau l'identité stéphanoise, laissant la ville "traumatisée".

Au-delà des risques sur l'emploi, "c'est triste ce qui arrive car Casino fait partie du patrimoine de Saint-Etienne et de l'ASSE", relève l'international Dominique Rocheteau qui fut champion de France à trois reprises avec le club stéphanois dans les années 70.

Dans un échange avec l'AFP, "l'Ange vert" se rappelle des "repas partagés entre jeunes joueurs à la cafétéria de l'hypermarché de Monthieu" aux grandes heures de l'AS Saint-Etienne, aujourd'hui relégué en Ligue 2.

Les liens entre l'AS Saint-Etienne et Casino remontent bien plus loin. L'épicier Geoffroy Guichard a créé l'entreprise à succursales en 1898 et a ensuite manifesté "une forte implication dans les clubs sportifs de la ville", rappelle Pierre-Régis Dupuy, directeur des Archives municipales de Saint-Etienne. Le stade de foot de Saint-Etienne, le bouillonnant "chaudron", porte d'ailleurs son nom. Casino a aussi joué un rôle dans la construction, en 1987, du Musée d'Art Moderne et Contemporain de la ville, par l'architecte Didier Guichard, un des nombreux descendants du fondateur, souligne M. Dupuy.

Surtout, à en croire le comédien Jacky Nercessian, qui a vécu 38 ans à Saint-Etienne, Casino participe à une ambiance générale. Il garde "le souvenir d'une ville où il y a une sincérité, une humilité prégnante de gens qui comme (les footballeurs Georges) Bereta ou (Aimé) Jacquet ont appris à "taper dans le dur. On la ressentait jusque chez les caissières de supermarché fières d'appartenir à Casino, qui véhiculait une image de qualité".

"Enjeu identitaire"

Pourtant aujourd'hui, "le nom de Casino a vocation à disparaître, c'est un traumatisme !", estime Quentin Bataillon député de la Loire Renaissance. "Dans ma circonscription, qui ne compte pas que Saint-Etienne, il n'y a pas une seule famille où personne n'a travaillé chez Casino".

L'élu craint "le même choc que celui qui a suivi la fin des mines". "Ce genre de choses marquent un territoire", dit-il en notant qu'il existe déjà "un sentiment de déclassement très fort" autour de Saint-Etienne. Le groupe Casino employait encore fin 2022 200.000 personnes dans le monde dont 50.000 en France.

Nathalie Devienne, porte-parole de l'intersyndicale du groupe Casino - 05/12
Nathalie Devienne, porte-parole de l'intersyndicale du groupe Casino - 05/12
7:11

C'est aussi "le plus gros employeur privé du département, avec 1.800 salariés au siège, le double avec les entrepôts et les magasins", souligne Maurice Vincent, ancien maire PS de Saint-Etienne qui défilera dimanche avec son successeur Gaël Perdriau (ex-LR) et des élus de tous les partis. Parmi eux, le Premier adjoint Jean-Pierre Berger a occupé la direction des ressources humaines du groupe de distribution. Lui aussi souligne "l'enjeu identitaire" de sauvegarder la marque.

"Casino, c'est Saint-Etienne, donc si le nom de l'enseigne disparaît comme a disparu Euromarché", racheté par Carrefour en 1991, ou le groupe breton Rallye fusionné avec... Casino en 1992, "ce sera une vraie perte pour notre territoire", affirme-t-il.

Depuis des mois, les syndicats de l'entreprise tentent de mobiliser pour éviter "un nouveau Manufrance". La liquidation de la société de vente par correspondance en 1985 - près de cent ans après sa création - a laissé un souvenir cuisant localement, tout comme, une décennie plus tard la fermeture par l'État de sa manufacture d'armes militaires. Dimanche, ils appellent à la "mobilisation générale des salariés du groupe de toute la France, élargie aux fournisseurs et sous-traitants, aux joueurs et supporters de l'ASSE et plus largement à la population attachée à l'enseigne".

PS avec AFP