BFM Business
Licornes

Vivatech: les licornes, une espèce menacée?

Le grand salon parisien de la tech se tient de mercredi à samedi à la Porte de Versailles. Si les innovations spectaculaires seront encore nombreuses, l'écosystème des start-up traverse une période délicate.

L'argent facile, c'est fini. VivaTech, le plus grand événement européen de la tech, s'ouvre ce mercredi à Paris (avec Elon Musk en tête d'affiche), alors que le secteur entame une période de vaches maigres.

Masque de ski avec réalité augmentée, exosquelette pour les soignants, dialogue avec un Van Gogh animé par l'intelligence artificielle, robots à roulettes, drones, véhicules propres… Si cette foire exubérante de la "French Tech" ravira les amateurs d'innovations, elle ne fera pas oublier le coup de froid sur le secteur, après les levées de fonds spectaculaires de 2020-2022.

2022, année en deux temps pour la tech

L'an passé, les start-up françaises ont levé un record de 13,5 milliards d'euros et engendré huit nouvelles "licornes", ces entreprises valorisées plus d'un milliard de dollars. Un critère sans rapport avec leur rentabilité ou leur chiffre d'affaires. Parmi les levées de fonds remarquables: 486 millions d'euros pour la néo-banque Qonto, 450 millions pour BackMarket, 500 millions pour Doctolib.

Mais ces grosses opérations sont en réalité l'arbre qui cache la forêt car 2022 a surtout été l'année du retournement pour le secteur de la tech. Le premier trimestre 2023 affiche une dégringolade de 69%, d'après le cabinet Newfund.

Les fonds américains, qui ont largement contribué à la survalorisation, sont globalement repartis aussi vite qu'ils étaient arrivés, refroidis par des faillites, ainsi que la guerre en Ukraine, la hausse de l'énergie et la hausse des taux. Mais les plus gros, comme KKR, continuent à parier sur l'Europe et ses poids lourds comme le français OVH (cloud) et l'allemand Körber (automatisation des entrepôts).

"On n'est pas parti et on n’a pas l'intention de partir! La France est perçue comme un très bon pays où investir", martèle Jean-Pierre Saad, qui pilote les investissements tech de KKR en Europe.

"Les entreprises de logiciels métiers ont explosé avec le Covid et la digitalisation de l'économie. Les valorisations se sont envolées, l'argent n'avait plus de valeur et les start-up en dépensaient beaucoup. C'est un retour à la normale, plutôt sain. Et les fondamentaux restent très bons", fait valoir pour sa part Xavier Lorphelin, cofondateur du fonds Serena Capital.

"On va avoir douze mois de consolidation. Des sociétés vont disparaître ou se refinancer sur des valorisations beaucoup moins élevées", renchérit Pierre-Eric Leibovici, cofondateur du fonds Daphni.

Selon lui, l'époque a changé, avec le retour d'un certain pragmatisme économique: "les fonds sont devenus très exigeants sur la rentabilité".

L'écosystème français se restructure

Parmi les entreprises les plus surcotées, tous citent les plateformes de commerce spécialisées et les néo-banques, dont les valorisations théoriques sont souvent jugées quatre ou cinq fois supérieures à la réalité. Certains citent Warren Buffet: "C'est à marée basse que l'on voit ceux qui n'ont pas de maillot de bain".

"Licorne, c'est un mot que je ne supporte plus", résume un investisseur.

En revanche, les "deeptech", fondées sur des innovations industrielles ou scientifiques, résistent mieux, souligne le patron de Daphni. Et l'écosystème français est plus solide. "Avant 2017, dans les boîtes il n'y avait pas un étranger. Maintenant, il y a des profils internationaux. Les jeunes entrepreneurs partaient aux Etats-Unis. Maintenant, ils restent."

Même optimisme chez la banque publique Bpifrance, très présente dans le secteur. "Pour les grosses levées de fond, nous voyons une baisse de 35% sur les quatre premiers mois de 2023 et les montants sont réduits d'une bonne moitié", relève Paul-François Fournier, directeur de Bpifrance Innovation. Il vise néanmoins la création de 500 start-up par an dans les "deeptech", notamment dans la santé et l'environnement.

C.L avec AFP