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Le secteur des cryptos sort ses propositions pour la présidentielle

A trois mois de l'élection présidentielle, l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan) publie une note avec 20 propositions en vue de développer l'écosystème crypto.

Le jeune secteur des entreprises françaises liées aux cryptomonnaies et à la blockchain se structure et veut profiter de la présidentielle pour mettre en avant ses ambitions. Une forme de "normalisation" qui n'est pas sans rappeler celle sur les cours des cryptomonnaies, qui semblent corrélés depuis quelques semaines aux évolutions des autres actifs financiers plus traditionnels.

L'Association pour le développement des actifs numériques (Adan), fondée début 2020 et qui rassemble les principaux acteurs français du secteur (avec parmi les adhérents Coinhouse, Ledger ou encore Kaiko), publie ainsi ce mardi une note avec 20 propositions "à l'attention des candidats à la présidentielle".

"Les crypto-actifs regorgent d’opportunités en matière d’emplois, de financement de l’économie, de responsabilité sociétale, de sécurité, de cohésion des territoires, et d’efficacité de nos politiques publiques", fait ainsi valoir cette note de l'Adan.

"La France et l’Europe ont des atouts majeurs afin d’être au cœur de cette révolution de la finance ; en premier lieu desquels des talents mondialement reconnus et une réglementation précurseur. Dans un environnement ultra-concurrentiel où la course à l’innovation a déjà commencé, il ne tient qu’à nous de préempter cette industrie stratégique pour la compétitivité et l’autonomie à venir de nos États", ajoute l'association.

En filigrane, il s'agit pour le Vieux continent de ne pas rater le train en marche et de se retrouver d'ici quelques années avec des acteurs américains omniprésents, à l'instar de ce qu'il s'est passé avec les GAFAM (acronyme regroupant Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

Des actifs qui se démocratisent

D'autant que la détention de bitcoins et autres ethers s'est largement démocratisée au cours des derniers mois. Selon une étude menée en janvier par KMPG et Ipsos pour le compte de l'Adan (qui doit paraître de façon détaillée dans le courant des prochaines semaines), 8% des Français interrogés déclarent déjà détenir des jetons numériques. A l'échelle mondiale, la capitalisation totale des cryptomonnaies dépassaient les 3000 milliards de dollars fin novembre, selon les données de Coingecko, un site spécialisé dans le suivi de plus de 10.000 cryptomonnaies, repris notamment par Les Echos. Certes, le bitcoin culminait alors à un niveau record, proche de 69.000 dollars. Il a perdu depuis pratiquement 50% de sa valeur (il s''échangeait autour de 36.000 dollars ce mardi vers 14h30) et d'autres cryptomonnaies sont également en fort repli. Mais il ne s'agit plus d'un marché de niche.

On pourrait aussi évoquer l'émergence extrêmement rapide des NFT (des jetons numériques adossés à une blockchain), sortes de certificats de propriété numériques pouvant être rattaché à un objet (virtuel ou non). C'est par exemple sur cette technologie que s'est développée la licorne française Sorare, valorisée 4,3 milliards de dollars lors de sa dernière levée de fonds en septembre dernier. Cette start-up créée en 2018 propose ainsi des cartes numériques à collectionner et des jeux de fantasy sport dédiés au football. La technologie NFT pourrait d'ailleurs donner des idées à certains artistes de la musique et potentiellement mettre à mal le modèle actuel des plateformes de streaming, comme le pointaient les dernières "prévisions chocs" de Saxo Bank.

Concurrencer le roi dollar et le yuan numérique

L'Adan souhaite donc que l'Etat identifie "la blockchain et les crypto-actifs comme des technologies d’avenir" et définisse "une stratégie nationale d’accélération pour l’innovation qui y soit consacrée". L'association milite également en faveur d'initiatives en vue de "favoriser l'essor de crypto-actifs d'initiatives privées et européennes adossées à l'euro". Car aujourd'hui sur ce créneau, le dollar est ultra-dominant, tandis que la Chine prépare son yuan numérique. Sur ce plan, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, avait lancé un cri d'alarme en juin dernier. "Qu'il s'agisse des monnaies numériques ou des paiements, nous, en Europe, devons être prêts à agir aussi vite que nécessaire, ou prendre le risque d'une érosion de notre souveraineté monétaire", avait-il souligné. Et le gouverneur de réclamer en "urgence" un cadre réglementaire européen pour les crypto-actifs.

Le secteur des cryptos pointe aussi du doigt les critères pour accéder aux financements publics, par exemple dans le cadre du plan d'investissement de 30 milliards d'euros France 2030. "La structure intrinsèque des réseaux blockchain, basée sur un assemblage de technologies, complexifie ses capacités à entrer dans les critères d’investissement traditionnellement définis. De manière opérationnelle, une vision verticale de la recherche et du développement telle qu’elle existe aujourd’hui paraît donc inadaptée", estime l'association. L'Adan prpose ainsi de "créer des guichets dédiés au financement des technologies blockchain et des crypto-actifs pour les investisseurs publics" ou encore des "partenariats entre les banques et les prestataires de services de conservation d’actifs numériques pour permettre aux fonds professionnels de financer les entreprises par investissement dans leurs jetons".

Concernant la fiscalité, la loi de finance pour 2022 prévoit que les plus-values liées aux cryptomonnaies soient imposées à partir de 2023 de la même manière que celles sur les actions pour les non-professionnels (avec un prélèvement forfaitaire unique ou PFU de 30% des gains). Après cette première étape, l'Adan veut aller plus loin et "aligner le régime d’attribution gratuite d’actifs numériques par une entreprise sur le régime d’attribution gratuite d’actions".

Financer les énergies renouvelables... grâce au minage

Parmi les autres propositions qui ressortent de cette note, il y a celles sur l'aspect environnemental. Un point noir pour les activités liées aux blockchains, souvent très énergivores. De manière assez originale, l'Adan veut se servir des surplus d'énergie produits, notamment en provenance… des énergies renouvelables lorsque la demande n'est pas assez forte. Il s'agirait par exemple de permettre aux mineurs de crypto-actifs d'utiliser les surplus d'énergie et de flécher "une partie du rendement du minage vers le financement des énergies renouvelables".

L'association avance aussi le lancement de "partenariats afin que les entreprises puissent réutiliser la chaleur produite par le minage", les ordinateurs nécessaires aux calculs liés aux blockchains dégageant beaucoup de chaleur.

Sur l'aspect de la sécurité, là aussi un point souvent soulevé par les contempteurs des cryptos, l'Adan énonce plusieurs propositions, notamment le fait d'harmoniser "les règles de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au niveau européen". Plus généralement, l'association met en avant la capacité de traçage des transactions en cryptomonnaies qui peut aider les autorités à mieux contrôler les activités illégales.

Enfin, en matière d'éducation, cette note vise à encourager "l’ouverture de nouveaux cursus de formation initiale sur des sujets innovants tels que les nouvelles technologies, la finance numérique et l’informatique" et "faciliter l’accès des décideurs publics et privés à des formations continues liées aux nouvelles technologies et aux cas d’usage innovants".

Jusqu'ici plutôt discret face aux politiques, le secteur des cryptos tente donc de se positionner comme un écosystème plus "institutionnel". Pour l'instant, les candidats à la présidentielle ne se sont pas vraiment positionnés sur les enjeux liés aux blockchains. Mais les cryptos semblant intéresser davantage les jeunes, il n'est pas impossible que certains candidats s'emparent de certaines propositions pour tenter de gagner des voix lors du premier tour auprès de cette catégorie d'électeurs.

https://twitter.com/jl_delloro Jean-Louis Dell'Oro Rédacteur en chef adjoint BFM Éco