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Quatre traitements à l'essai contre le coronavirus: quels labos pourront les produire? 

L'Inserm coordonne le programme européen de recherche thérapeutique Discovery pour la France avec 4 traitements à l'essai contre le covid-19.

L'Inserm coordonne le programme européen de recherche thérapeutique Discovery pour la France avec 4 traitements à l'essai contre le covid-19. - Luis Robayo-AFP

Le programme européen de recherche thérapeutique Discovery étudie l'efficacité de plusieurs médicaments contre le Covid-19. L'hydroxychloroquine en fait partie. Cette variante d'une molécule utilisée depuis plus d'un demi-siècle peut aisément être produite à grande échelle, mais pour d'autres médicaments, ce sera plus compliqué.

La semaine dernière a démarré un vaste essai clinique européen, baptisé Discovery et coordonné par l’Inserm en France pour tester quatre traitements expérimentaux contre le Covid-19. Ce sont 3200 patients qui sont concernés dont 800 rien qu'en France, gravement atteints et hospitalisés. 

Pour financer cet essai thérapeutique, les autorités sanitaires françaises ont récupéré quelques millions d'euros dans le budget de la Direction générale de l'offre de soins du ministère de la Santé.

Quatre traitements testés à grande échelle

Les quatre traitements testés à grande échelle sont les molécules suivantes: le remdesivir (antiviral conçu initialement pour Ebola), le lopinavir en combinaison avec le ritonavir (médicament utilisé contre le VIH), la même combinaison mais associée à l'interféron bêta pour tenter de baisser le processus inflammatoire et l'hydroxychloroquine (cousine de la chloroquine, mais présentant moins de risque de toxicité et d'effets indésirables).

Les premières évaluations de patients commenceront après quinze jours de traitement, dans une semaine environ. On pourra notamment mesurer l'amélioration de leur état de santé, l'évolution de la présence du virus dans leur organisme, et les éventuels effets indésirables du traitement en comparant ces résultats avec ceux observés auprès de patients qui auront pris un placebo, un médicament ne comprenant aucune substance active. En attendant ces résultats, les laboratoires pharmaceutiques en mesure de produire ces différents médicaments, au cas où leur efficacité sur les patients Covid-19 serait prouvé, sont sur le pied de guerre.

Hydroxichloroquine: une forte capacité industrielle

En France, Sanofi est le producteur historique du médicament prôné par le professeur Didier Raoult, l'hydroxychloroquine, disponible sous la marque Plaquenil. "Nous disposons en France d'une usine capable de produire quelques centaines de milliers de boîtes par semaine. Et le principe actif est aussi maîtrisé et fabriqué par Sanofi" nous explique-t-on chez l'industriel français qui fournit gratuitement son médicament aux hôpitaux de l'Hexagone dont celui où travaille Didier Raoult à Marseille. Le Plaquenil a l'avantage d'être connu et bon marché (de 4 à 5 euros la boîte de 30 comprimés). Si Sanofi dispose en interne de la maîtrise du principe actif, selon les informations du site pharmacompass.com, il y aurait plusieurs producteurs en Inde ainsi qu’un producteur chinois, un américain, un taiwanais et trois européens (dont Sanofi).

Concernant la chloroquine, "les laboratoires qui commercialisent un générique ou une variante de la chloroquine se préparent à relancer leurs chaînes de production. On recense dix-neuf usines, dont sept en Inde, qui sont en mesure de les fabriquer" précise le JDD. Enfin, signalons le cas particulier de la société francaise Famar placée en juin 2019 en redressement judiciaire, alors qu'elle est pourtant la seule société habilitée à produire de la chloroquine en France, commercialisée sous le nom de Nivaquine par Sanofi-Aventis. Autrement dit, aucune pénurie n'est à craindre si le traitement défendu par le professeur Raoult fait la preuve formelle de son efficacité

Remdesivir: un médicament à usage de recherche jamais commercialisé

Ce médicament antiviral du laboratoire américain Gilead Sciences a été développé à l'origine pour lutter contre le virus de la fièvre Ebola. L'espoir qu'il suscite vient de résultats positifs obtenus sur modèle animal et sur d'autres coronavirus, Sras et Mers, d'où l'idée de l'évaluer sur Covid-19. "Il n’y a à ce jour aucune preuve scientifique démontrant une quelconque efficacité clinique potentielle du remdesivir contre le CoVID-19 chez l’homme. Ce médicament n'a reçu aucune autorisation de mise sur le marché et n'a donc jamais été commercialisé", explique-t-on au siège de la filiale française du laboratoire américain. Outre son usage expérimental dans le cadre du programme Discovery, il a été dispensé à un millier de patients dans le cadre d'un usage "compassionnel" et ce dans plusieurs pays dont la France. Cette procédure permet de traiter des malades covid-19 n'ayant aucun autre recours thérapeutique et qui n’ont pas non plus le temps d’attendre la fin des essais cliniques et du processus d’autorisation. Le Remdesivir a d'ailleurs reçu mi-mars le feu vert du haut conseil de la santé publique pour le traitement des formes graves du covid-19.

Mais, devant le boom de la demande pour son médicament, fabriqué au départ uniquement pour fournir la recherche clinique, Gilead a annoncé restreindre l'accès pour les prescriptions à usage compassionnel, sauf pour les patients mineurs et les femmes enceintes.

Par ailleurs, le patron de Gilead, laboratoire américain basé en Californie, a expliqué durant le week-end dernier, dans une lettre ouverte: "Nous sommes en train de passer à ce qui devrait être une approche plus rationalisée et durable avec des programmes d'accès élargi" ouverts à l'utilisation d'urgence du remdesivir. Ces essais cliniques ont lieu à la fois aux Etats-Unis, en Europe et en Chine. Cette molécule ne donnera pas lieu à d'échanges commerciaux, puisqu'elle sera fournie à titre gracieux aux hôpitaux en faisant la demande, nous a-t-on précisé au siège de la filiale française de Gilead. 

Lopinavir+ritonavir: une piste ayant fait ses preuves contre le VIH du sida

C'est un médicament utilisé comme antiviral contre le virus du Sida, le VIH. Il est commercialisé en association avec le ritonavir du laboratoire Abbvie sous la dénomination Kaletra. L'association de lopinavir et de ritonavir est l'une des pistes retenues dans l'urgence pour lutter contre l'infection Covid-19 et ses formes sévères. Le Kaletra avait obtenu son autorisation de mise sur le marché en 2006, au prix à l'époque, de 433,72 euros.

AbbVie a fourni du Kaletra dans un cadre expérimental et de recherche pour le traitement du Covid, nous précise la filiale française qui rappelle qu'à ce jour, "l’efficacité de ce médicament dans le traitement du coronavirus, n’est pas démontrée et que la réalisation d’essais cliniques est nécessaire."
"Nous avons pris les mesures nécessaires pour accroître notre capacité d’approvisionnement en Kaeltra/Aluvia, des patients atteints du COVID 19 tout en garantissant la continuité d’approvisionnement pour les patients atteints de VIH, aujourd’hui sous Kaletra" ajoute-ton chez AbbVie France.

Selon le quotidien anglais Financial Times, le laboratoire Abbvie a renoncé a faire valoir ses droits (qui courent encore dans certaines zones géographiques) sur cette combinaison, ouvrant plus largement la voie aux génériques de Lopinavir/Ritonavir pour l'étude du traitement des patients covid-19. Le laboratoire Mylan a, de son côté, développé un générique associant ces deux molécules.

Mais, cette association a fait l'objet d'une première étude clinique sur Covid-19, réalisée avec 199 patients et parue le 18 mars 2020 dans la réputée revue médicale New England Journal of Medicine. L'essai n'a pas été concluant, ne permettant pas de démontrer une quelconque efficacité du traitement sur les malades testés, ajoute le Quotidien du médecin.

Ce médicament est également associé à l'interféron beta, dans le cadre d'une quatrième modalité de traitement du programme de recherche thérapeutique Discovery. 

Frédéric Bergé