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Pourquoi l'armée française ne pourra pas équiper ses snipers de fusils made in France

La DGA a lancé cet été un appel d'offres pour remplacer le fusil de précision français utilisé par l'armée depuis 1986. L'armurier français Verney-Caron aurait aimé remporter le marché, mais il ne remplit pas les conditions financières. C'est l'allemand Heckler & Koch qui devrait rafler le marché.

Le 5 octobre, l’appel d’offres de la DGA pour remplacer le FRF2, le fusil de précision français utilisé par les militaires depuis les années 80 sera clos. Il faudra encore du temps pour savoir qui va obtenir le contrat portant sur 2600 armes livrables sur quatre ans, mais tous les regards sont tournés vers le HK417 de l’allemand Heckler & Koch. Cet armurier a toutes les chances de remporter le contrat car il répond à tous les critères de l'appel d'offres. L’entreprise a d'ailleurs déjà remporté le contrat pour remplacer le Famas, le fusil d’assaut de l’armée française, avec son HK416.

Chez Verney-Caron, l'armurier français, c'est la déception, comme son PDG l’a fait savoir au Parisien. L’entreprise se prépare depuis plusieurs années pour remporter des marchés de la défense et de la sécurité. Elle a développé deux armes pour les militaires: un fusil d’assaut et un fusil de précision, le VDC-10 pour remplacer le FRF2. Verney-Caron a les capacités industrielles pour honorer la commande et son savoir-faire est mondialement reconnu.

"Le made in France n'est pas la question"

Par contre, elle n’offre pas les garanties financières pour obtenir le contrat. Pour avoir leur chance, les entreprises doivent aussi réaliser un chiffre d’affaires d’au moins 50 millions d’euros. Celui de Verney-Carron progresse mais en est encore loin. La PME stéphanoise de 90 salariés n’atteint que 15 millions d’euros.

Comme nous l’a précisé la DGA, ce critère est aussi primordial que les spécificités techniques. "Dans ce type de contrat, il ne s’agit pas de faire du made in France coûte que coûte", explique la DGA en ajoutant que pour des armes à feu, "la souveraineté n’est pas en question, contrairement à un avion de chasse ou un navire de combat".

Par ailleurs, ce critère financier est aussi important que la qualité des produits. "Il a deux objectifs", nous a précisé la DGA, "il assure au ministère que l’entreprise peut honorer le contrat sur le long terme, mais aussi, il protège les entreprises qui seraient tentées de concourir à des marchés trop importants pour leur capacité".

Un baroud d'honneur

Guillaume Verney-Carron n'a pas l'intention de baisser les bras. Pour tenter de remporter le contrat, l’entreprise veut s’allier à ses sous-traitants pour atteindre le seuil des 50 millions d’euros imposé par l’appel d’offres. "Mon projet est de faire en sorte qu’il y ait un peu de Made in France entre les mains de nos soldats", a indiqué le dirigeant au Parisien en signalant que "le VCD10 a été testé par les forces et corps de l’armée française, et a présenté des résultats satisfaisants".

Ce montage 100% français a-t-il des chances d’aboutir ou s'agit-il d'un baroud d’honneur? Il faudra attendre plusieurs mois pour le savoir, mais les chances sont minces. Comme le rappelle le Parisien, en janvier dernier le Service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (Saelsi) ont lancé un appel d’offres pour 307.000 gilets pare-balles avec des conditions équivalentes à celles de la DGA.

Le français Protecop a alors constitué un groupement avec dix sous-traitants pour être éligible. Au final, le contrat a été confié à Cooneen, une entreprise irlandaise, dont les gilets sont fabriqués en Asie.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco