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LIGNE ROUGE - Carlos Ghosn, les secrets d'une chute

Le 19 novembre 2018, le PDG de l'Alliance Renault-Nissan était arrêté à la descente de son jet, à Tokyo. Pour ce nouveau numéro de Ligne Rouge, l'émission dédiée aux longs formats et au décryptage, Aurélie Casse revient ce lundi sur l’affaire Carlos Ghosn, des sommets de l’industrie automobile à la prison de Kosugé, au Japon.

Tout parait millimétré, comme l’assemblage d’une voiture sur une chaîne de montage. Danseurs en livrées, hallebardes en guise de haies d’honneur, un orchestre classique pour rythmer le tout, ce 9 mars 2014, la soirée organisée au château de Versailles ne laisse rien au hasard. Aux fourneaux s’affaire Alain Ducasse. Dans la galerie des Batailles, Carlos Ghosn salue, accueille, pose avec les 130 invités triés sur le volet.

Coût de la soirée: 636.000 euros, une facture réglée par l’Alliance Renault-Nissan. Officiellement, cet événement mondain est en effet donné pour les 15 ans de l’Alliance. Ce 9 mars, ce sont aussi les 60 ans du patron des deux constructeurs… et ce soir là à Versailles, ils ne sont que trois à travailler au sein de Renault-Nissan, en plus de Carlos Ghosn.

La coïncidence de ces deux dates semble résumer toute l’ambiguïté de l’affaire Carlos Ghosn. Entre intérêts privés et saga industrielle, jusqu’à son arrestation le 19 novembre 2018, à la descente de son jet au Japon, un jet immatriculé "NI55AN" (comme Nissan), Ligne Rouge, présentée par Aurélie Casse, revient un an après son arrestation sur "les secrets d'une chute", ceux de l’un des plus grands patrons français, à la tête de l’entreprise devenue numéro 1 des ventes de voitures particulières l’an dernier. Un long format de Quentin Baulier et Alexandre Funel.

Des conditions de détention qui apparaissent très dures

Cinq ans après cette soirée du 9 mars, ce ne sont plus les dorures d’un château, mais le dénuement d’une prison que filment les caméras. La justice japonaise a en effet organisé début juin une visite de la prison de Kosuge, où Carlos Ghosn a au total été détenu 131 jours. Une façon de montrer que l’ancien dirigeant, destitué pendant son incarcération des directoires de Renault comme de Nissan, est incarcéré dans des conditions tout à fait correctes.

Ce que contestent son épouse comme ses avocats, comme Maître François Zimeray, qui rappelle que Carlos Ghosn devait "dormir sur le dos, tête découverte", selon les règles de surveillance japonaises.

"Les procureurs ne gagnent des cas que sur la base des aveux, explique Philippe Ries, ancien journaliste de l’AFP au Japon, et biographe de Carlos Ghosn. Les Japonais le disent eux-mêmes, c’est une épreuve extrêmement dure".

Si Carlos Ghosn a quitté la prison le 25 avril dernier, son ami Francis Ford Coppola le défend au micro de BFMTV. Le réalisateur dénonce les conditions extrêmement dures de sa liberté surveillée, sans pouvoir notamment rencontrer son épouse, ce qui l'affecterait beaucoup.

"Il avait une image exceptionnelle au Japon, que la chute est d’autant plus dure", analyse Patrick Pélata, ancien numéro 2 de Renault de 2008 à 2011, limogé suite à l’affaire des faux espions.

"Le sentiment d'être unique"

"C’est l’une des seules personnes au monde à diriger deux entreprises, cela finit par forger le sentiment que vous êtes unique, que rien ne peut se faire sans vous", résume Clément Lacombe, journaliste économique à L’Obs.
"Il ne parlait pas aux ministres, c’était trop petit pour lui […], c’était une personnalité hautaine, distante, lointaine", se souvient l’ancien locataire de Bercy Michel Sapin.
"Pour lui, il était une chance pour la France, se souvient Ruth Elkireff, journaliste BFMTV qui l’avait interviewé lors d’un forum économique. Il est celui qui a redressé Nissan".

Ce statut spécial serait-il monté à la tête de Carlos Ghosn? Au point de vouloir toujours plus?

"Beaucoup s’interrogeaient sur l’obsession sans fin de percevoir des rémunérations pour le moins indécentes, se souvient Fabien Gâche, délégué syndical central CGT chez Renault. Ce sont des gens qui se considèrent en dehors des lois".

C’est sur cette soi-disant obsession sans fin pour l’argent que s’est appuyée la justice japonaise, lors de l’arrestation de Carlos Ghosn. Il aurait dissimulé une partie de ses revenus. Certaines sommes d’argent auraient transité vers Oman, via le Liban, le pays d’origine de Carlos Ghosn. Ce que démentent les avocats de Carlos Ghosn. Il n’aurait jamais touché cette partie de sa rémunération.

Carlos Ghosn attend désormais son procès au Japon, prévu pour mars 2020. Plusieurs enquêtes sont ouvertes également en France, notamment sur une autre soirée versaillaise, le mariage de Carole et Carlos Ghosn le 8 octobre 2016.

Pauline Ducamp