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ISS, Soyouz… la guerre en Ukraine menace la bonne entente spatiale entre les Russes et les occidentaux

L'ISS vue depuis la capsule Crew Dragon de Space X avant son arrimage, le 24 avril 2021

L'ISS vue depuis la capsule Crew Dragon de Space X avant son arrimage, le 24 avril 2021 - - © 2019 AFP

Le patron de l'agence spatiale russe a prévenu: la station spatiale internationale pourrait retomber sur Terre en raison des sanctions américaines. Une menace provocatrice qui cache de vraies interrogations sur la coopération internationale dans le domaine.

"Le trampoline fonctionne!" Entre Américains et Russes, les rancœurs sont souvent tenaces. En mai 2020, le fondateur de SpaceX Elon Musk avait lâché cette petite phrase en guise de revanche alors que le premier équipage s'envolait dans une capsule du fabricant américain.

Le "trampoline" fait référence aux propos en 2014 de Dmitri Rogozine alors vice-président du gouvernement russe chargé de la Défense et de l'Industrie spatiale. La Russie venait d'annexer la Crimée et encaissait les premières sanctions américaines. Connu pour ses provocations, l'homme d'Etat russe avait "invité les États-Unis à envoyer leurs astronautes sur l’ISS [la Station spatiale internationale, ndlr] avec un trampoline", puisque seule les fusées Soyouz pouvaient, avant l'arrivée de SpaceX, lancer des hommes dans l'espace.

Voilà pour le personnage, devenu en 2018 le patron de Roscosmos, l'agence spatiale russe. Sa dernière sortie envers les Etats-Unis, ce jeudi, est tout aussi provocante: "Si vous bloquez la coopération avec nous, qui sauvera l'ISS d'une désorbitation incontrôlée et d'une chute sur les États-Unis ou l'Europe" menace-t-il sur Twitter.

"Je vous suggère de ne pas vous comporter comme un irresponsable (…) Pour éviter que vos sanctions ne vous tombent sur la tête. Et pas seulement au sens figuré."

En pratique, les indispensables corrections d'orbite sont effectivement effectuées par le vaisseau cargo russe Progress mais une désorbitation d'ISS est très improbable.

En réalité, cette menace cache de vraies interrogations sur la coopération internationale dans le domaine spatial. Si les tensions entre la Nasa et Roscosmos ne sont pas nouvelles, l'importance des coûts obligent les Etats-Unis et la Russie à s'entendre dans ce domaine. "Pendant la guerre froide, un des rares endroits où Russes et Américains continuaient à se parler, c'était dans l'espace" rappelait récemment le patron d'Arianespace Stéphane Israël sur BFM Business.

Si l'industrie spatiale russe décline année après année, elle possède encore une expertise importante et surtout une technologie d'une fiabilité redoutable. Entre la fin de la navette américaine en 2011 et l'arrivée de SpaceX en 2020, seul un lanceur Soyouz pouvait envoyer des hommes dans l'espace. C'est d'ailleurs depuis le pas de tir de Baïkonour que Thomas Pesquet a fait son premier séjour dans l'ISS.

Partenariat Russie/Europe

Sur le plan industriel, Soyouz fait aussi partie du catalogue d'Arianespace pour l'envoi des satellites commerciaux, notamment depuis Kourou. "L'activité de Soyouz en Guyane est garantie jusqu'à la fin 2023 et on va discuter avec nos partenaires russes: est-ce que l'on va au-delà de 2023? Nous sommes ravis de ce partenariat" assurait Stéphane Israël.

Mais après l'intervention ukrainienne, les tensions diplomatiques pourraient influer sur ces contrats même si tout pourrait évoluer d'ici l'année prochaine.

Pour le moment, les acteurs du domaine – à l'exception évidente du décrié Rogozine – cherchent à apaiser les tensions. La Nasa "continue de travailler avec Roscosmos et nos autres partenaires internationaux au Canada, en Europe et au Japon pour maintenir des opérations sûres et continues de la Station spatiale internationale" a indiqué un porte-parole de l'agence américaine.

Même tonalité à l'Agence spatiale européenne (ESA) qui assure que la guerre n'a pas fait bouger les lignes sur le plan de la coopération.

Actuellement dans la Station spatiale se trouvent quatre Américains, deux Russes et un Japonais. Et, pour le moment, tout se passe bien…

Thomas Leroy Journaliste BFM Business