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Défense: comment les missiles hypersoniques pourraient redéfinir la dissuasion

En 2022, la course aux missiles hypersoniques pourrait s'accélérer. La Chine, la Russie, les Etats-Unis, mais aussi la France en font une nouvelle arme de dissuasion et des marqueurs de puissance.

Rien ne peut arrêter un missile hypersonique. Le message lancé par des officiels russes est clair. La vitesse qui pourrait être dix fois supérieure à celle du son et la distance de plusieurs milliers de kilomètres entre le lancement et la cible crée une menace inédite. Pour ne pas être détectables à temps par les radars, ces engins peuvent en effet survoler la planète en planant ou en orbite basse.

Depuis des mois, Russes, Chinois et désormais Nord-Coréens laissent fuiter leurs avancées dans ces nouvelles armes qui deviennent peu à peu un nouvel élément de dissuasion. Ces plans ont pour toile de fonds les tensions entre la Chine et les Etats-Unis et entre la Russie et l'Otan.

Dans un article repéré par le site Opex360, le général Andreï Kartapolov, ex-vice-ministre de la Défense et aujourd'hui chef du Comité de défense de la Douma, affirme qu'une salve de plusieurs "Zirkon", le missile hypersonique testé par Moscou en Mer Blanche, serait capable d'anéantir simultanément plusieurs porte-avions américains.

"Les budgets d'armement engagés par nos 'partenaires' sont inutiles contre ce missile", promet Andreï Kartapolov en affirmant que les porte-avions sont au cœur de la stratégie militaire américaine depuis plusieurs décennies.

Selon le lieutenant-général Andreï Ioudine, commandant en chef de l'Armée de l'air russe, des avions de combat (MiG-31 et Kh-47M2 Kinjal) seront armés de Zirkon dès 2022. Il y a quelques semaines, des tests ont été réalisés depuis un navire de surface et en sous-marin en plongée.

Missile hypersonique en orbite

La Chine, qui est devenue en 2020 selon un rapport du Sipri le second pays en budget d'armement (245 milliards de dollars), reste discrète sur les tests mais ne cache pas ses intentions en matière de missiles hypersoniques. En 2020, une vidéo publiée sur les réseaux sociaux montrait un bombardier H-6N transportant un missile identifié comme l'engin hypersonique dévoilé par la Chine lors d'un défilé militaire.

Officiellement, Pékin dément mener des essais. Mais selon le Financial Times, la Chine aurait mis en orbite l'été dernier un missile hypersonique de capacité nucléaire qui a fait le tour de la Terre pour frapper sa cible qu'il a raté de plus de 30 kilomètres.

"En matière d'armement, les Chinois tentent de rattraper leur retard technologique et le développement de missiles hypersoniques est l'un des moyens qu'ils mettent en œuvre pour y parvenir", explique à la BBC le Dr Zeno Leoni, du King's College de Londres.

De son côté, Pyongyang laisse planer une menace. Le 28 décembre, un communiqué de l'agence de presse sud-coréenne Yonhap dévoile que la Corée du Nord pourrait effectuer un nouveau tir d'essai "à l'approche des élections américaines de mi-mandat prévues en novembre de l'année prochaine".

Menace réelle, mais exagérée

Côté américain, ces projets provoquent des réactions mesurées. Les experts du Darpa, l'agence de recherche du Pentagone, disent ne comprendre "pas comment il est possible de tirer un projectile depuis un engin volant à une vitesse hypersonique". Une façon de dire que la Chine gonfle peut-être un peu ses prétentions.

L'US Army poursuit des tests en admettant publiquement un retard inquiétant. En novembre dernier, David Thompson, vice-chef de l'US Space Force, l'a reconnu lors d'un forum au Canada.

"C'est un nouveau défi, et n’avons pas encore de missiles similaires [à celui testé par la Chine, NDLR], mais ça ne veut pas dire que nous n’arriverons pas à les créer", a déclaré David Thompson.

Le Pentagone prévoit de disposer de missiles hypersoniques en 2024. La marine vise à mettre sa propre version du missile sur un destroyer en 2025 et sur des sous-marins de classe Virginia en 2028. Par ailleurs, le Pentagone a conclu un contrat de 60 millions de dollars avec trois géants américains de l'industrie de la défense, Raytheon, Lockheed Martin et Northrop Grumman, pour développer des missiles intercepteurs pour se protéger des attaques hypersoniques.

Mais pour Zeno Leoni, il faut raison garder. Selon cet expert, la menace que représentent les missiles hypersoniques est bien "réelle" notamment pour les porte-avions. Toutefois, elle serait "exagérée" par certains responsables occidentaux pour financer la technologie spatiale militaire.

V-Max, le planeur hypersonique français

Elle reste néanmoins à la fois un nouveau moyen de dissuasion et comme le signale l'Ifri (Institut français des relations internationales) dans un rapport "des emblèmes de la modernisation capacitaire des États et des marqueurs de puissance".

"L’hypersonique n’est plus uniquement envisagé dans le cadre d’une stratégie de dissuasion nucléaire, mais aussi de frappe terrestre et antinavire", indique l'Ifri en rappelant que le Zirkon est conçu pour "frapper conventionnellement partout dans le monde en moins d’une heure [...] de plus grosses unités navales, mais également des cibles terrestres".

Sur ces technologies militaires la France n'est pas en reste. En mai dernier, lors d'une visite sur la base aérienne de Creil, dans l'Oise, où il était question de la feuille de route en matière d'intelligence artificielle pour la défense, Florence Parly, ministre des Armées, a évoqué le projet du planeur hypersonique.

Développé par Arianegroup et l'Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), le V-Max (Véhicule Manœuvrant eXpérimental) sera capable d'atteindre des vitesses de 6000 à 7000km/h. Il devait être testé avant la fin de l'année avait annoncé Florence Parly. Si ces essais ont bien eu lieu, ils n'ont pas été révélés par le ministère des Armées.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco