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Bentley, maillon faible de Volkswagen?

Bentley fait partie des marques de luxe du Groupe Volkswagen, avec Lamborghini ou Porsche, mais réussit moins bien que ses illustres marques.

Bentley fait partie des marques de luxe du Groupe Volkswagen, avec Lamborghini ou Porsche, mais réussit moins bien que ses illustres marques. - Bentley

Alors que sa jumelle Rolls-Royce n’a jamais vendu autant de voitures, la marque de luxe britannique affiche des chiffres dans le rouge. Et cherche la clé pour exister dans le Groupe Volkswagen.

Marques sœurs mais moribondes, elles avaient été cédées la même année, en 1998, presque pour une bouchée de pain. Vingt ans plus tard, leurs destinées n’ont jamais semblé aussi éloignées. Rolls-Royce, propriété du Groupe BMW, a vu ses ventes grimper de 13,1% au 1er semestre. Tombée dans l’escarcelle de Volkswagen, Bentley a depuis janvier vendu 400 voitures de moins que l’année précédente. Nouvelle Rolls-Royce Phantom: 1, Nouvelle Bentley Continental GT: 0.

Des pertes financières au 1er semestre

Plus inquiétant, la mollesse ne vient pas que du carnet de commande, elle se retrouve aussi dans les livres de compte. Au premier semestre, Bentley affiche en effet une perte de 80 millions d’euros. Et le quotidien allemand Handelsblatt ne manque pas de souligner les propos de Frank Witter. Le directeur financier du groupe prédit une "année difficile" à la marque anglaise.

Or, 2017 n’avait déjà pas été une brillante cuvée. Avec une marge d’à peine 3%, Bentley affichait un bilan plus proche côté marge d’un constructeur généraliste que d’une marque de luxe. A contrario, Ferrari caracole avec 25% de marge par véhicule, Porsche empoche en moyenne 16.780 euros nets par voiture vendue, selon le Handelsblatt. Les dirigeants de VW sont en droit d’attendre les mêmes résultats de la part de Bentley, surtout dans la période de tension financière actuelle post-dieselgate. Or, Bentley perd 17.425 euros sur chaque véhicule sorti de concession.

La marque anglaise ne semble jamais avoir vraiment trouvé sa place dans le portefeuille du Groupe. "C'est très compliqué de changer fondamentalement l'image d'une marque, nous explique un fin connaisseur du secteur. Bentley est peut-être une marque trop anecdotique, qui vivotait très bien dans l'ombre de Rolls-Royce, mais a-t-elle une image assez forte pour exister par elle-même?". A la manière d'un Jaguar ou d'un Aston Martin, autres marques anglaises en difficulté qui affichent aujourd'hui de beaux résultats. 

Bentley a renouvelé cette année son best-seller, la Continental GT.
Bentley a renouvelé cette année son best-seller, la Continental GT. © Bentley

Un SUV, le renouvellement du best-seller Continental GT

La marque a en effet travaillé depuis 2 ans son plan produit. En 2016, Bentley a tout d’abord développé ce qui lui manquait: un SUV. Le Bentayga a même inauguré la catégorie des SUV ultra-luxe, ouvrant la voie à Rolls-Royce et au Cullinan, sorti cette année, au Lamborghini Urus ou au futur Aston Martin, le DBX. Ce type de véhicule est indispensable, notamment sur le marché chinois.

Deuxième atout, Bentley commercialise cette année la nouvelle version de la Continental GT, son coupé best-seller. Malheureusement, cela ne semble pas suffire pour le moment. Après un bon démarrage en 2016 (et au passage un record de ventes pour Bentley, à plus de 11.000 voitures), le Bentayga ne semble pas avoir tout à fait trouvé son public, avec des ventes stables en Europe depuis l’an dernier (un peu plus de 800 exemplaires au 1er semestre 2017 comme au 1er semestre 2018), et une baisse de 10% au global, selon le site spécialisé Autoblog.

Bentley mise donc beaucoup sur la nouvelle Continental GT, très bien reçue par la presse. Le coupé aurait cependant connu des problèmes de montée en cadence de la production, en particulier de software. Par ailleurs, le public de ce type de coupé sport avait délaissé ce segment suite à la crise de 2008/2009, n'est pas complètement revenu. Il a même parfois migré vers les SUV, plus à la mode, plus pratiques aussi pour cette population d'acheteurs qui prend de l'âge.

Un nouveau patron pour relancer la marque

Deux questions interviennent alors. La première est celle de l’avenir de Bentley? Adrian Hallmark, venu de Jaguar Land Rover, a pris la succession de Wolfgang Dürheimer en octobre 2017, et plusieurs directeurs ont encore changé en juillet. Adrian Hallmark n'est pas tout à fait un inconnu chez Bentley. Il faisait en effet du directoire de la marque lors de son rachat, en 1999. Il a notamment participé à la mise au point de la première Continental GT.

Le Handelsblatt croit aussi savoir que Porsche pourrait travailler plus étroitement avec Bentley, sur des questions de qualité et de production notamment. Porsche pourrait aussi permettre à Bentley d'électrifier ses modèles, un élément indispensable dans la course à la baisse d'émissions de CO2. Bentley pourrait aussi reprendre la stratégie de séries spéciales mises en place par Porsche, laisse entendre Adrian Hallmark dans une interview au magazine spécialisé Autocar. Ces tensions autour de Bentley amènent une seconde interrogation. Ne reflètent-elles pas (surtout) les tensions et inquiétudes au sein du directoire du Groupe Volkswagen, suite aux difficultés financières post-dieselgate?

Pauline Ducamp