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Vendre ou attendre? Le PDG d’EDF et l’Etat s’opposent sur l’avenir de la "pépite" Edison

INFO BFM BUSINESS. Luc Rémont refuse de procéder à des ventes de filiales comme le souhaite Bercy. Il demande des garanties pour assurer la trajectoire financière d’EDF.

Le premier bras de fer entre EDF et l’Etat actionnaire a commencé. Depuis quelques semaines, le PDG de l’entreprise a entamé des discussions avec le ministère de l’Economie sur sa trajectoire financière. EDF a perdu 18 milliards d’euros l’an passé, doit investir environ 17 milliards d’euros cette année et va devoir à nouveau être renfloué alors qu’il croule sous 65 milliards d’euros de dettes.

L’un des sujets de négociations concerne des ventes de filiales dont deux sont régulièrement citées depuis deux ans: Edison et Dalkia. La première surtout, est au cœur des débats. "Bercy considère qu’Edison n’est pas stratégique" résume un habitué du ministère. La filiale italienne d’EDF distribue du gaz mais s’est aussi beaucoup développée dans les énergies renouvelables. Les banquiers d’affaires estiment qu’Edison vaut entre 6 et 7 milliards d’euros contre 5 à 6 milliards d’euros pour Dalkia. Celle-ci est moins concernée car franco-française et opère dans des activités stratégiques de la transition énergétique. Les potentiels acheteurs comme Veolia ou Vinci ont en tout cas reçu une fin de non-recevoir d’EDF. Contactée, la direction du groupe n’a d’ailleurs pas souhaité commenter nos informations.

EDF discute avec l’Agence des participations de l’Etat (l’APE) qui lui a déjà versé 3 milliards d’euros l’an passé. Du coup, la logique est simple: "plus EDF vend d’actifs, moins l’Etat devra injecter de fonds" explique le dirigeant d’une entreprise publique. Le patron de l’APE, "Alexis Zajdenweber pense qu’il ne faut pas s’interdire de vendre Edison si son prix est élevé" défend une source qui le connaît bien. Le gouvernement souffle le chaud et le froid. "Nous travaillons très bien avec EDF dont le PDG doit nous remettre sa feuille de route d’ici l’été", explique-t-on au cabinet du ministre de l’Economie avant de lâcher: "Nous avons déjà financé l’augmentation de capital d’EDF, on ne va pas recommencer".

Négocier une nouvelle régulation

Pour le moment, le PDG Luc Rémont refuse de lâcher Edison qu’il qualifie de "pépite". "Nos activités internationales ont très fortement contribué à la résilience du groupe, avait-il déclaré lors de la présentation des résultats annuels, mi-février. Ça serait une erreur de considérer qu’il faut se priver d’activités dans d’autres pays car la France a fait face à un problème industriel sur une année". Dès son arrivée, Luc Rémont a traité ce dossier.

"Il a été question de la vente d’Edison en début d’année mais la piste a été vite écartée" explique un cadre d’EDF.

En réalité, son approche est plus tactique. Le nouveau PDG sait bien que des cessions seront indispensables. Mais pas tout de suite. Alors il fait monter les enchères. Il cherche d’abord à obtenir des "garanties" de la part de l’Etat. "Luc Rémont négocie une nouvelle régulation des prix pour les dix prochaines années", explique une source proche du groupe. La durée de deux mandats chez EDF… "Il sait aussi qu’en contrepartie, la commission européenne lui demandera de toutes façons des concessions donc il garde ses munitions", ajoute une autre source.

Engagement des concurrents sur dix ans

Le PDG d’EDF estime que la régulation actuelle, "l’Arenh" (accès régulé à l’électricité nucléaire historique, ndlr) est "à bout de souffle". L’entreprise publique milite depuis plusieurs années pour une nouvelle régulation consistant à augmenter ce prix régulé, de 42 euros à 49 ou 50 euros, soit près de 20%. Une hausse que l’Etat français avait acceptée il y a deux ans mais depuis la flambée des prix lié à la crise énergétique, il est plus réticent. "Bercy ne veut pas augmenter les prix pour les particuliers" glisse un bon connaisseur du dossier. EDF pousse surtout à un encadrement du prix de l’électricité pour stabiliser son équation financière.

Ces dernières semaines, une note interne a circulé dans laquelle EDF réclame aussi que ses concurrents, (Engie, TotalEnergies…) "s’engagent sur les volumes d’électricité nucléaire qu’ils achèteront sur dix ans" explique un cadre de l’entreprise. Toujours dans l’idée de garantir au maximum des revenus stables pour EDF afin de financer ensuite les EPR de Penly qui seront construits à partir de 2027. L’ensemble de la direction d’EDF, et les représentants de l’Etat débattront sur l’ensemble de ces sujets lors d’un séminaire stratégique qui promet d’être intense, mi-mai. Il se tiendra sur le site symbolique de Flamanville où l’EPR doit démarrer l’an prochain.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business