BFM Business
Energie

TOUT COMPRENDRE - Pourquoi l'EPR de Flamanville accuse un nouveau retard

EDF a annoncé vendredi un nouveau retard de six mois avant la mise en service du réacteur EPR de Flamanville, désormais prévu mi-2024. Le coût global est désormais estimé à plus de 13 milliards d'euros.

Nouvel épisode dans ce qui peut être considéré comme l’un des plus grands fiascos industriels français. Comme annoncé par EDF vendredi, l’EPR de Flamanville va accuser un nouveau retard de six mois avant sa mise en service. Une énième péripétie qui intervient au moment où la France ambitionne de relancer un programme nucléaire avec la construction de 6 voire 14 EPR supplémentaires pour assurer sa transition énergétique.

Le démarrage commercial du réacteur EPR de Flamanville, le premier de cette génération prévu sur le sol français, est désormais annoncé pour mi-2024. Soit un retard total de 12 ans par rapport à la planification initiale. Le délai supplémentaire de six mois entraînera par ailleurs un surcoût de 500 millions d'euros, essentiellement lié au maintien des personnels et entreprises sous-traitantes sur place. Ce qui portera le montant total de l'EPR de Flamanville, dont le chantier a été lancé en 2007, à 13,2 milliards d'euros, a précisé EDF, soit quatre fois le budget initial de 3,3 milliards d'euros.

Face aux déboires d'EDF, Henri Proglio, ancien patron du groupe énergétique, n'a pas hésité à affirmer la semaine dernière lors de son audition à l’Assemblée nationale que l’EPR était "un engin beaucoup trop compliqué et quasi-inconstructible".

• Pourquoi un tel retard?

Depuis 2007, le chantier du réacteur conçu pour offrir une puissance et une sûreté accrues, accumule les déconvenues, qu'il s'agisse des anomalies sur l'acier du couvercle et du fond de la cuve ou des problèmes de soudures. Cette fois encore, le retard de six mois est dû à la nécessaire révision de procédures de traitement de quelque 150 soudures "complexes", au sein du circuit secondaire principal du réacteur, a expliqué à la presse le directeur du projet Flamanville 3, Alain Morvan.

Le problème est apparu cet été, quand il a fallu procéder au traitement thermique de "détensionnement" de ces soudures: le processus utilisé a fait apparaître une "non-conformité de comportement" de matériels sensibles à proximité, affectés par de trop fortes températures.

"Nous avions un comportement des températures des vannes non conforme à ce que l'on attendait", a expliqué Alain Morvan, d'où la reprise des "études pour définir une méthode (...) permettant de garantir le bon niveau de réalisation de ces traitements thermiques". Ces modifications "ont été présentées à Bureau Veritas, qui les analyse, et d'ici la fin de l'année nous aurons l'autorisation de reprendre les traitements thermiques dits complexes", a assuré le directeur du projet.

Outre ces aléas techniques, un arrêt du réacteur est déjà prévu pour changer, d'ici à la fin 2024, le couvercle de sa cuve qui présente des anomalies, a rappelé Alain Morvan.

• Des causes plus profondes?

Le fiasco industriel de Flamanville peut aussi s’expliquer par des défaillances plus profondes. En 2020, un rapport de la Cour des comptes pointait notamment la concurrence féroce qui a opposé EDF et Areva ces dernières années, lorsque le premier s’est lancé dans Flamanville tandis que le second s’occupait des EPR à l’international. "Cette course entre les deux entreprises françaises a conduit au lancement précipité des chantiers de constructions des deux premiers EPR, sur la base de références techniques erronées et d’études détaillées insuffisantes", écrivaient les Sages.

Ajoutée à cela, "la prise de conscience tardive de la perte de compétences techniques et de culture de qualité des industriels du secteur". Un constat partagé un an plus tôt par le rapport de Jean-Martin Folz, ancien PDG de PSA, qui déplorait "une perte de compétences généralisée", estimant que "des efforts considérables de formation initiale et d’entretien" desdites compétences, notamment dans le soudage, "devront être entrepris pour que se reconstitue une réserve de professionnels qualifiés dans cette discipline très exigeante".

• Quelles conséquences pour l’approvisionnement énergétique?

Faute de pouvoir disposer de l'EPR de Flamanville l'an prochain, la France devrait donc de nouveau faire face à des tensions sur son approvisionnement en électricité lors de l'hiver 2023-24 alors qu'EDF fait déjà face au vieillissement de son parc nucléaire et que le déploiement des énergies renouvelables, solaire et éolien, est à la peine.

Le démarrage de l’EPR ne sera ensuite que progressif. Si le chargement du combustible est désormais annoncé pour le 1er trimestre 2024, le réacteur enverra ses premiers électrons quand il aura atteint près de 25% de sa puissance, "environ trois mois plus tard", donc d'ici à la mi-2024, avant d’atteindre les 100% en 2025.

Dans ces conditions, RTE a appelé les pouvoirs publics à maintenir en service la centrale à charbon de Cordemais jusqu’au démarrage de l’EPR. Pour rappel, le gouvernement avait déjà pris la décision de redémarrer début décembre celle de Saint-Avold, fermé en mars, pour sécuriser l’approvisionnement électrique du pays.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco