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TOUT COMPRENDRE – L'Europe peut-elle se passer du gaz russe?

Les tensions entre la Russie et les occidentaux laissent planer le spectre d'une coupure des approvisionnements russes en gaz pour des pays européens très dépendants de cette énergie. Mais des alternatives existent.  

Faut-il s'attendre à voir le robinet de gaz russe se fermer? La suspension par l'Allemagne du gazoduc Nord Stream 2 est venu rappeler que les importations russes sont majeures pour l'Europe. Le continent peut-il s'en passer?

• Quelle est la consommation de gaz naturel en Europe? 

En 2020, l'Union européenne a consommé 394 milliards de mètres cubes de gaz naturel. Un chiffre en baisse par rapport à 2019 alors que la pandémie frappait le monde entier. La consommation a d'ailleurs rebondi en 2021 pour s'établir autour de 400 milliards de mètres cubes. Cela représente environ un quart de l'énergie consommée dans l'UE. 

Mais ce volume cache des consommations très diverses entre les pays. En proportion, sur le total de l'énergie finale consommée, le gaz naturel représente 37% de l'énergie des Pays-Bas, 32% pour le Royaume-Uni (qui n'appartient plus à l'UE), 30% pour la Hongrie, la Belgique et l'Italie, 26% pour l'Allemagne et 20% pour la France.  

Mais en regardant cette consommation en volume, l'Allemagne affiche des besoins bien supérieurs au reste de l'Europe: 53.196 Ktep (milliers de tonnes d'équivalent pétrole) contre 28.278 Ktep pour la France. Cette répartition est liée au mix énergétique choisi par les pays: l'Allemagne, qui a renoncé au nucléaire après l'accident de Fukushima, consomme énormément de gaz naturel pour compenser. 

• D'où vient le gaz consommé en Europe? 

Environ 10% du gaz consommé en Union européenne est produit par les Etats-membres. Le reste du gaz vient de l'étranger principalement par des gazoducs (environ 80% du total) avec la Russie comme premier fournisseur (41%). Puis viennent la Norvège (24%) et l'Algérie (11%).  

Le reste des importations (20% du total) est du gaz naturel liquéfié (GNL), une technique qui permet de transporter le gaz par navire sans besoin de gazoducs. Cette fois, ce sont les Etats-Unis (28%) qui arrivent en tête devant le Qatar (20%) et… la Russie (20%). Le Nigéria (14%) et l'Algérie (11%) complètent le tableau. Au final, c'est bien la Russie qui fournit la grande majorité du gaz pour l'Europe. 

• Tous les pays européens sont-ils exposés de la même façon? 

Non. De façon naturelle, les pays de l'Est sont davantage tournés vers la Russie. C'est notamment le cas de la Hongrie, de la Pologne mais aussi de l'Allemagne qui importe un tiers de son gaz depuis la Russie. En revanche, la France est moins exposée, en volume comme en proportion, puisque son premier fournisseur est la Norvège (36%), loin devant la Russie (17%) et l'Algérie (8%).  

L'Hexagone pourrait probablement faire face à des tensions avec la Russie, en poursuivant sa diversification, notamment en important du GNL du Qatar. Mais pour plusieurs pays, la situation s'avère plus compliquée. 

• Quelles sont les alternatives à la Russie? 

Sur le plan géographique, il est difficile de remplacer la Russie, seul pays de la région à fournir massivement du gaz, en dehors de la Norvège. Les autres grands producteurs de gaz sont les Etats-Unis, le Canada, l'Iran, l'Australie ou le Qatar. Ces pays peuvent envoyer davantage de GNL mais ils ne remplaceront pas totalement le gaz russe. Au moins pour des raisons techniques: il faut regazifier le GNL en Europe et les installations sont limitées sur le continent. 

Sans compter que le fret maritime est encore au ralenti depuis la relance économique, ce qui freinerait les importations si elles devenaient urgentes. 

Côté pipelines, la Norvège avait déjà accepté d'augmenter ses exportations l'autonome dernier, en pleine crise énergétique. L'Algérie pourrait aussi devenir un nouvel acteur majeur des échanges. 

Pour autant, la fin de l'hiver s'annonce tendu. Réunis à Doha cette semaine, les pays exportateurs de gaz ont prévenu qu'ils ne pourraient pas compenser immédiatement une baisse des livraisons russes, s'étant déjà engagés avec d'autres partenaires sur des contrats à long terme. 

• Ce système est-il tenable? 

Si la pandémie est venue rappeler la dépendance de l'Europe à l'électronique asiatique, la crise à la frontière ukrainienne pourrait inciter les Européens à mieux diversifier leurs importations gazières. Pour autant, sauf si un embargo est décidé, la Russie n'a pas vraiment intérêt à fermer le robinet. Ses hydrocarbures restent leur principale source de revenus.  

Thomas Leroy Journaliste BFM Business