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Les petits arrangements de l’Etat pour la renationalisation d’EDF

L’Autorité des Marchés financiers a donné mardi son feu vert à la renationalisation d’EDF. Avec deux semaines de retard sur la date indicative, l’Etat et EDF ont œuvré en coulisses le weekend dernier pour obtenir cet agrément, à la limite des règles de gouvernance.

Chez EDF, un PDG en sauve un autre. Dimanche soir au siège de l’électricien, les administrateurs se sont réunis pour la deuxième fois en deux jours. A 18 heures, ils ont été convoqués pour voter une seconde fois en moins d’un mois sur l’offre publique d’achat (OPA) visant à la renationalisation du groupe par l’Etat, actionnaire à 84%. Dans une ambiance tendue, les administrateurs indépendants, qui soutiennent l’OPA, font face aux administrateurs salariés qui, eux, s’y opposent.

Fin octobre, les deux camps avaient terminé sur un match nul, six administrateurs indépendants contre six administrateurs salariés. Cette situation avait obligé Jean-Bernard Levy à recourir à sa voix prépondérante de PDG dont il dispose en cas d’égalité des votes. Les actionnaires salariés s’en étaient émus et ont déjà déposé deux recours auprès du tribunal de commerce. Ils lui reprochent d’être en situation de conflit d’intérêt alors qu’il est aussi censeur de la Société Générale, une des banques en charge de l’OPA. Selon eux, le PDG aurait dû s’abstenir lors du vote.

Match retour

L’Etat avait à cœur de revenir sur ce vote contesté. Vendredi, le conseil d’EDF a alors coopté Luc Rémont, choisi par l’Etat pour en prendre la tête, en tant qu’administrateur. Un processus exigé par les statuts de l’entreprise publique et nécessaire avant sa nomination officielle par décret présidentiel prévu ce mercredi en Conseil des ministres…

Lorsqu’EDF convoque un nouveau conseil dimanche dernier, les deux PDG sont alors autour de la table dans une configuration inédite. Jean-Bernard Levy est encore officiellement PDG et Luc Rémont attend sa nomination par décret, qui doit intervenir ce mercredi. Si le conseil d’EDF s’est réuni dimanche, c’est qu’il doit statuer sur des modifications à l’offre de rachat. Luc Rémont prend part à ce nouveau vote.

Les opposants se retrouvent alors en minorité face aux cinq administrateurs indépendants, plus les deux PDG qui votent en faveur de l’OPA.. Le "match retour" se solde par un score sans appel de sept voix contre six. Ce nouveau vote vient "effacer" celui du 27 octobre, considéré comme litigieux par les actionnaires salariés.

Des "manoeuvres frauduleuses", selon les syndicats

Deux PDG pour un vote aussi crucial, les syndicats dénoncent des "manœuvres frauduleuses", quand la communication d’EDF évoque seulement un "hasard de calendrier".

Le feuilleton n’est sans doute pas terminé alors que l’Autorité des marchés financiers (AMF) a donné, mardi soir, son feu vert à l’OPA de l’Etat. Les actionnaires minoritaires montent au créneau sur la méthode de valorisation d’EDF qui a déterminé le prix de l’OPA à 12 euros par action.

EDF n’a pas souhaité communiquer sur le vote du conseil de dimanche soir et les nouveaux éléments apportés à l’OPA. « Le manque de transparence sur cette affaire ne rend pas service à la place parisienne » remarque Sophie Vermeille, avocate de fonds d’investissement américains actionnaires d’EDF. « En ne rendant pas publiques les nouvelles informations apportées par EDF, c’est comme si l’AMF n’avait entendu qu’une seule partie ». Après la renationalisation, l’avocate n’exclut pas de demander un complément de prix pour ses clients auprès du tribunal de commerce. Elle pourrait être rejointe par d’autres actionnaires minoritaires.

Aude Kersulec et Matthieu Pechberty