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Energie

Les mini-réacteurs, l'autre pari nucléaire d'EDF

Le plan France Relance devrait largement soutenir le projet de mini-réacteurs officiellement initié en 2019 par EDF et ses partenaires.

La question de l’avenir du nucléaire est en train de s’imposer dans la campagne présidentielle. Et face à des candidats de droite qui y sont très favorables, Emmanuel Macron ne veut pas être pris de court. Une partie des investissements prévus dans le cadre du plan France Relance seront donc consacrés à cette filière.

Les détails n'ont pas encore été officialisés, mais il est clairement acté que pour préserver son indépendance énergétique, la France ne pourra pas uniquement compter sur l’EPR. Un autre projet bénéficiera d’un coup de pouce de l’Etat: le mini-réacteur nucléaire d’EDF, baptisé Nuward.

Pour simplifier, Nuward recourt à la même technologie que l’EPR. Il s’agit d’un réacteur nucléaire à eau pressurisée. Mais sa puissance (170 MW) est dix fois inférieure à celle de son grand frère. Il entre dans la catégorie que dans la filière on appelle les "SMR" (Small Modular Reactors en anglais, petits réacteurs modulaires en français).

Des délais de production qui ne dépasseraient pas 5 ans

A défaut de profiter des économies d’échelle générées par le gigantisme de l’EPR, ces micro-réacteurs auraient pour eux l’avantage de la modularité et d’une potentielle production de masse. Au stade actuel du projet, les experts estiment que les premiers exemplaires de ces réacteurs, par définition les plus coûteux, généreraient donc une électricité un peu plus chère que celle d’un EPR.

Selon l’Usine Nouvelle, pour une puissance installée de 1 kW, les coûts de production et d’assemblage atteindraient 4000 dollars (3440 euros). Mais la production des pièces à grande échelle permettrait de passer sous les 3000 dollars (2580 euros) voire 2600 dollars (2240 euros).

Les promoteurs de Nuward soulignent par ailleurs le raccourcissement des délais de production. Là où, au mieux, un EPR met une décennie à sortir de terre, la production des pièces d’un SMR et leur assemblage sur le site de la centrale ne nécessitera pas plus de cinq années. Avec des risques de retard bien moindres que ceux qui ont marqué les chantiers des premiers EPR.

Remplacer une centrale à charbon en gardant une partie de l'infrastructure

Dernier avantage, ce type de réacteur peut avoir de nombreux usages: produire de l’hydrogène, dessaliniser l’eau de mer et surtout remplacer les centrales à charbon ou au gaz en conservant les infrastructures existantes pour distribuer l’électricité produite.

Seul problème pour EDF et ses partenaires: le retard à l’allumage. Le projet a été officiellement annoncé par le consortium en septembre 2019. Et en l’état actuel, la commercialisation de Nuward ne pourra pas débuter avant 2035.

Or la France n’est pas la seule sur le créneau, loin s’en faut. L’Agence internationale de l’énergie atomique recense 72 projets dans lesquels sont impliqués 17 pays. Et parmi les concurrents du projet français, certains sont bien plus avancés. Une unité est déjà opérationnelle en Russie. Le projet américain le plus avancé (NuScale), qui devait l'être d'ici 2027, a certes pris un peu de retard. Mais de nombreux pays européens (Pologne, Bulgarie...) sont déjà sur les rangs pour s'équiper de ces SMR de conception américaine.

Un modèle économique qui repose une production de masse

Il va de soi que plus les concurrents seront nombreux, plus il sera compliqué de décrocher des contrats. Or sans exportation massive, Nuward n’offrirait pas une rentabilité suffisante. Rappelons que son modèle économique repose sur une production de masse des pièces.

De ce point de vue, les subventions décrochées dans le cadre du futur plan de relance seront donc particulièrement bienvenues puisqu’elles pourraient permettre de rattraper une partie du retard.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco