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Energie

La stratégie énergétique de la France ne passera finalement pas par la loi

L'exécutif saisira d'ici la fin de semaine la commission nationale du débat public (CNDP) qui sera chargée d'organiser une concertation "à partir de mai, pour une durée de 2 mois" et dont les résultats sont attendus "à la fin de l'été" en vue d'un décret publié "d'ici la fin de l'année".

Le gouvernement adoptera finalement sa feuille de route énergétique par décret à l'issue d'une consultation du public, sans passer par la loi contrairement à ce qui avait été envisagé. L'exécutif saisira d'ici la fin de semaine la commission nationale du débat public (CNDP) qui sera chargée d'organiser une concertation "à partir de mai, pour une durée de 2 mois", a annoncé jeudi à la presse le cabinet du ministère délégué à l'Industrie et l'Energie, Roland Lescure. Les résultats de la consultation sont attendus "à la fin de l'été" en vue d'un décret publié "d'ici la fin de l'année".

L'objectif du gouvernement avec cette consultation est de "dépasser les clivages" sur des sujets qui divisent, le nucléaire et les renouvelables. "La route devant nous implique d'aller à fond sur ces deux curseurs", insiste le cabinet de Roland Lescure. Avec cette programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), le gouvernement doit acter les objectifs de production par filière d'énergie, le nucléaire du parc de réacteurs existant, d'une part et les renouvelables d'autre part (électricité, chaleur, gaz verts), à l'horizon 2030 et 2035. Des orientations qui doivent permettre à la France d'accélérer sa production d'énergies décarbonées pour réduire sa dépendance aux fossiles et atteindre la neutralité carbone en 2050.

"A la fin de ce débat, et dans un souci de lisibilité, d'efficacité et de rapidité, ces différents objectifs et moyens seront adoptés par voie réglementaire", a indiqué le cabinet de Roland Lescure, mettant fin à plusieurs mois de flou sur la façon d'adopter cette stratégie.

Discuter avec le grand public des moyens pour atteindre ces objectifs

A travers cette consultation, le gouvernement entend aussi aborder avec le grand public "les chemins" pour parvenir à ces différents objectifs. "Quand on dit qu'il faut multiplier le solaire par cinq d'ici 2035 pour atteindre 100 GW, il y a plusieurs manières d'y parvenir comme plus de panneaux sur les toits ou dans les champs et sur l'éolien terrestre qui doit doubler aussi entre la taille des mâts et la régionalisation du déploiement", explique le cabinet du ministre déléguée à l'Energie.

"C'est aussi l'occasion de pousser les citoyens à continuer de se réapproprier les enjeux de transition énergétique et qu'ils saisissent la plus-value en termes d'emploi, de protection contre les crises énergétiques, de souveraineté industrielle de cette bascule."

En effet, la programmation pluriannuelle de l'énergie met également en avant la production des composants des matériaux des capacités de production électrique supplémentaires sur le territoire français et européen. Outre le solaire et l'éolien terrestre, la capacité de gaz verts doit être multipliée par cinq tandis que la production de chaleur doit doubler d'ici à 2035. Pour atteindre une production électrique annuelle de plus de 600 TWh à cet horizon, celle du parc nucléaire doit enfin revenir à son niveau historique autour de 400 TWh.

Un texte de loi au sujet de la protection des consommateurs

D'abord annoncé en conseil des ministres pour début février, un projet de loi sur l'énergie avait in fine été amputé en janvier de ses objectifs de production d'énergie et de réduction des émissions de carbone, avant de disparaître des radars, sur fond de difficultés pour le gouvernement à former une majorité au Parlement. En cause : une "guerre de religion (...) entre pro-renouvelables et pro-nucléaires", selon les mots du ministère. Ces orientations énergétiques figuraient pourtant dans un document gouvernemental de 102 pages publié cet automne, la Stratégie française pour l'énergie et le climat (SFEC), aux conclusions largement basées sur un travail de plusieurs mois avec de nombreuses parties prenantes (associations, industriels, énergéticiens...).

Deux autres volets initialement prévus dans le projet de loi avorté feront malgré tout un passage au Parlement. Un "texte de loi" est ainsi prévu pour protéger les consommateurs face à d'éventuels abus des fournisseurs d'énergie. "Une mission parlementaire" sera en outre lancée sur les barrages hydroélectriques aujourd'hui en panne d'investissements en raison d'un contentieux avec Bruxelles vieux de 15 ans. Une autre consultation spécifique sur la stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui repose sur des objectifs climatiques similaires à la PPE et doit en définir en matière de réduction des gaz à effets de serre, sera également lancée mais son calendrier n'est pas encore défini.

Timothée Talbi avec AFP