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Energie

L’appel à réduire sa consommation d’énergie a-t-il été entendu?

Fin juin, les patrons d'EDF, Total et Engie avaient invité leurs clients -entreprises et particuliers- à reduire sensiblement leur consommation. Un appel à la sobriété dans la droite ligne de celui d'Emmanuel Macron. Ces demandes ont-elles produit leurs effets?

Fin juin, les patrons d’EDF, Total et Engie ont signé une tribune dans laquelle ils appelaient les Français à moins consommer d’énergie: pour réduire les émissions de CO2 mais surtout parce que la guerre en Ukraine a mis en péril les approvisionnements en gaz et pétrole. Jean-Bernard Lévy, Patrick Pouyanné et Catherine MacGregor avaient utilisé des mots forts comme en témoigne cet extrait.

"La meilleure énergie reste celle que nous ne consommons pas (...) ​Nous appelons donc à une prise de conscience et à une action collective et individuelle pour que chacun d’entre nous – chaque consommateur, chaque entreprise – change ses comportements et limite immédiatement ses consommations énergétiques, électriques, gazières et de produits pétroliers".

Cet appel, qui est aussi celui du gouvernement, a-t-il été entendu?

Pour répondre à cette question, il convient de regarder, énergie par énergie, l’évolution de la consommation. Commençons par l’électricité. RTE, qui gère la distribution d’électricité, relève que le nombre de kWh consommés le mois dernier a été inférieur de 9,4% par rapport à la moyenne observée en octobre entre 2014 et 2019. La baisse observée en septembre a donc été amplifiée.

De combien la consommation aurait baissé si octobre n'avait pas été aussi chaud?

Mais octobre a été exceptionnellement chaud. Il n’a donc pas été nécessaire de brancher les radiateurs, même d’appoint. RTE a donc recalculé ce qu’aurait été la consommation si les températures avaient été normales. Il ressort de cette estimation que même s’il n’avait pas fait aussi chaud, la consommation aurait baissé de presque 6%.

Une baisse essentiellement imputable à la demande en électricité des entreprises qui font partie de ce qu’on appelle la grande industrie. Entre 2017 et 2021, leur consommation sur les 31 jours d’octobre a oscillé entre 4507 et 4177 GWh, soit une moyenne de 4305 GWh. Le mois dernier, elle n’a atteint que 3654 GWh, soit une baisse de 15%.

Des industriels avant tout contraints d'interrompre une production pas assez rentable

Sauf que la majorité des industriels qui ont réduit leur consommation s’y sont résolus parce que le prix auquel l’électricité leur était facturé s’était envolé et que, pour eux, maintenir la production dans certaines usines revenait à produire à perte. D'où la décision, par exemple, de Duralex de mettre ses fours en veille pour cinq mois.

Ce qui est vrai pour l’électricité l’est encore plus pour le gaz. Pour les particuliers, les températures exceptionnelles d’octobre ont fait que la consommation en octobre a été quasiment réduite de moitié (-45% selon GRT par rapport à octobre 2021. Et pour les industriels, on observe une baisse de 13%, là encore essentiellement imputable à des interruptions de leur production consécutives au prix prohibitif auquel le gaz leur était facturé.

La consommation de carburant en nette... hausse

Reste le carburant. Comparons cette fois la consommation de septembre 2022 à celle de septembre 2019, avant donc, à la fois la crise Covid et l’essor du télétravail. L’Ufip n’a pas encore rendu public les données pour octobre et de toutes façons, elles seraient biaisées par les grèves et les pénuries qui ont eu un impact majeur sur la consommation.

En septembre dernier, les livraisons de carburants routiers ont atteint 4,444 millions de m3 contre 4,110 millions de m3, trois ans plus tôt. Soit une hausse de 8,1%. Alors bien sûr, en septembre, les ristournes consenties à la fois par l’Etat et par Total ont indubitablement eu un effet incitatif. Mais dans tous les cas, on voit bien que pour réduire la consommation de carburant en France on ne peut pas juste compter sur la bonne volonté des automobilistes.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco