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Energie

Finance verte européenne: bras de fer entre la France et l’Allemagne sur le gaz et le nucléaire

La Commission européenne doit dévoiler ce mardi sa "taxonomie verte", un classement des "énergies propres" qui pourront bénéficier de financements à moindre coût pour accélérer la transition écologique des Etats membres. Mais la France et l'Allemagne s'opposent sur la place du nucléaire et du gaz dans cette "taxonomie".

Le gaz naturel et le nucléaire seront-ils inclus dans la "taxonomie" européenne? Bruxelles doit dévoiler ce mardi son classement des énergies les plus propres et nécessaires à la transition énergétique. Evidemment, le solaire et l’éolien en feront partie, contrairement au pétrole. Ce qui signifie que les projets basés sur ces énergies pourront plus facilement trouver des financements privés et attirer les investisseurs.

Le sort qui sera réservé au nucléaire et au gaz naturel demeure en revanche inconnu. Or, la place de ces deux énergies dans la taxonomie verte est un sujet particulièrement sensible qui a révélé d’importantes divisions entre les Etats membres. En particulier entre la France et l’Allemagne. Car quand la première défend le nucléaire pour assurer sa transition écologique, la seconde mise sur le gaz pour accomplir la sienne. Et quand la première pointe les émissions de CO2 liées à l’exploitation du gaz, la seconde rappelle la potentielle dangerosité de l’énergie nucléaire et les difficultés à stocker ses déchets.

L’enjeu est de taille. Si le nucléaire est exclu du classement, difficile pour la France de financer à hauteur de 50 milliards d’euros les six nouveaux réacteurs EPR qu’elle envisage de construire dans les prochaines années. Emprunter pour financer un tel projet lui coûtera bien plus cher qu’aujourd’hui: les investisseurs fuiront cette énergie qui pourrait finir par être bannie des marchés financiers, un peu comme le sont les fabricants de tabac. Il en va de même pour l’Allemagne avec le gaz, énergie qui lui est pourtant indispensable pour remplacer ses centrales à charbon.

Vers un compromis?

Pour obtenir gain de cause, la France a rappelé que le nucléaire n’émettait pas de CO2 et qu’il avait donc toute sa place dans le classement des énergies vertes. Surtout, l’Europe aura sans doute besoin du nucléaire tricolore pour respecter ses objectifs climatiques à horizon 2030 et 2050. Un point sur lequel la France a également insisté.

Côté allemand, le gaz qui émet beaucoup de CO2 est probablement plus difficile à défendre. Mais la première puissance européenne peut compter sur quatre alliés fidèles, à savoir l’Autriche, l’Espagne, le Luxembourg et le Danemark. Lesquels s’opposent à l’intégration du nucléaire dans la taxonomie verte.

Il est malgré tout peu probable de voir la Commission européenne choisir entre le nucléaire et le gaz. Autrement dit, entre la France et l’Allemagne. Si bien que les deux pays discutent d’un compromis qui pourrait consister à classer le nucléaire dans les énergies propres car il n’émet pas de CO2. En contrepartie, les Allemands demanderont à ce que le gaz puisse également bénéficier de financements verts lorsqu’il permet de remplacer le charbon.

Les gaziers français inquiets

La décision qui sera rendue par la Commission ce mardi pourrait aussi fragiliser certaines entreprises tricolores. Si la position du gouvernement français en faveur du nucléaire est indispensable pour sauver EDF, d’autres groupes qui misent sur le gaz (Air Liquide, Engie, Total…) s’inquiètent des résultats de cette taxonomie européenne dont ils craignent de faire les frais.

Ces derniers ont ainsi fait valoir auprès du gouvernement que le nucléaire ne pouvait être la seule énergie à promouvoir. Et que la France avait dès lors tout intérêt à trouver un compromis avec l’Allemagne pour préserver ses fleurons dont l’activité repose sur le gaz.

Matthieu Pechberty avec Paul Louis