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Électricité: comment EDF optimise les arrêts de centrales nucléaires pour maintenance

Depuis 2019, l'énergéticien a lancé le programme "START 2025" (pour Soyons Tous Acteurs des Arrêts de Tranches) afin d'améliorer la performance des arrêts de centrales nucléaires pour maintenance et donc leur production à terme.

EDF a tenu ses engagements ces derniers mois: augmenter la disponibilité du parc nucléaire de 5 à 10 gigawatts (GW) par rapport à 2022. À l'heure actuelle, 35 de ses 56 réacteurs fournissent 37 GW d'électricité soit 6 GW de plus qu'à la même période l'année dernière.

Mais l'objectif des 40 GW reste dans la ligne de mire de l'énergéticien. Au cours des trois dernières années, la crise sanitaire, le phénomène de corrosion sous contrainte ainsi que la forte diminution de la consommation ont généré de fortes perturbations qui ont conduit EDF à réviser sa programmation de maintenance et ses arrêts de tranche.

Tableau de bord BFM Business de l’énergie : Des réacteurs nucléaires arrêtés pour des problèmes de corrosion ? - 13/02
Tableau de bord BFM Business de l’énergie : Des réacteurs nucléaires arrêtés pour des problèmes de corrosion ? - 13/02
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Depuis 2019, cette programmation s'inscrit dans un projet à part entière intitulé START 2025, pour "Soyons Tous Acteurs des Arrêts de Tranches", qui vise à améliorer la performance des arrêts pour maintenance. Dans un premier temps, EDF a fait remonter les difficultés rencontrées sur les sites puis des expérimentations ont été menées entre 2020 et 2022 avant que leur succède à partir de 2023 la phase de déploiement qui sera renforcée jusqu'en 2025.

Chaque année, 43 arrêts de réacteur en moyenne

Entre les cycles de production normés, de 12 ou 18 mois selon les caractéristiques physiques du combustible, les réacteurs sont à l'arrêt et font l'objet d'opérations de contrôle, de maintenance voire de modification. Chaque année, 43 arrêts de réacteur surviennent en moyenne sous trois formes différentes.

Les arrêts à simple rechargement qui nécessitent peu d'opérations de maintenance, durent en moyenne 35 jours et représentent 3.800 à 4.500 activités (soudures, tests, remplacements de pièces, etc.). D'une durée moyenne de trois mois, les visites partielles induisent davantage d'opérations de maintenance avec un nombre accru d'activités (entre 10.000 et 11.500). Enfin, les visites décennales désignent de plus grandes opérations et s'accompagnent de 15.000 à 20.000 activités sur une durée moyenne d'au moins un semestre.

L'un des principaux enjeux dans la gestion de ces arrêts est de faire coïncider les contrôles réglementaires avec les arrêts programmés en fonction des cycles de production. "Il faut aussi placer la production au bon moment et éviter de s'arrêter l'hiver, précise Etienne Dutheil, directeur de la Division production nucléaire d'EDF. Les arrêts de tranche doivent aussi être programmés lorsqu'on a la capacité industrielle de le faire. Sur un site avec plusieurs réacteurs, on en n'arrête pas plus de deux en même temps."

L'homme à l'origine du programme START 2025 indique que les collaborateurs préparent sans cesse les arrêts à venir avec une avance qui varie de 3 à 18 mois en fonction du type d'arrêt.

"En ce moment, le parc fait face à une charge industrielle élevée, ce qui est positif car on investit dans des travaux qui permettent au parc de fonctionner dans la durée. Ce moment est historique dans la vie du parc car on n'a jamais eu autant d'activités et c'est lié au niveau d'ambition dans nos examens périodiques."

Les sites davantage autonomes dans la gestion des arrêts

Le programme START 2025 s'articule autour de quatre orientations stratégiques. Il adapte les organisations à la réalité industrielle de chaque site.

"Les arrêts d'aujourd'hui sont beaucoup plus complexes donc les exigences de préparation sont extrêmement élevés", souligne Etienne Dutheil.

Cela signifie un bon dimensionnement des équipes d'arrêt sur chaque site, la création d'équipes dédiées aux arrêts de tranches pour venir en appui des sites comme ce fut le cas à Belleville-sur-Loire ou encore le renforcement de la vision pluriannuelle des programmes d'arrêts de tranches. Sur le plan managérial, chaque site fixe un contrat d'engagement de résultats.

"Les sites fixent eux-mêmes la durée des arrêts désormais et l'ambition peut être différente en fonction du niveau de maîtrise des sites."

Le troisième volet majeur est le développement des compétences des salariés et des partenaires industriels à travers notamment le partage d'expérience pour professionnaliser les plus jeunes ou la ré-internalisation de prestations qui demandent un savoir-faire particulier comme le soudage ou l'ouverture et la fermeture de cuve.

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START vise également à retrouver de l'efficacité opérationnelle via l'industrialisation des méthodes qui a permis de réduire de plusieurs semaines la durée de préparation des arrêts et des dossiers d'activités. Cela passe aussi par un parcours optimisé des pièces de rechange et l'augmentation des stocks sur les sites. Enfin, la réalisation de certains gestes de maintenance est standardisée grâce à la numérisation de certains contrôles par exemple, ce qui permet là aussi de gagner quelques heures pour se consacrer à d'autres activités.

Des fourchettes de production confirmées

Démarré il y a quatre ans, le programme produit déjà des résultats puisque le taux de réussite sur les déchargements de réacteurs (première opération majeure dans le cadre d'un arrêt de tranche) est passé de moins de 10% en 2021, à 40% l'année suivante et presque 70% en 2023. Entre 2022 et cette année, les prolongations d'arrêt ont été réduites d'un tiers. Par ailleurs, plusieurs sites ont battu des records de durée d'arrêt réduite à l'image de Paluel, dont la dernière visite partielle s'est étendu sur 100 jours, un seuil sous lequel le site n'était pas passé depuis 2011.

"Saint-Laurent a enregistré son arrêt le plus court depuis 8 ans, signale Etienne Dutheil. Nogent a aussi eu de l'avance sur ses arrêts mais c'est un site qui a traditionnellement de bonnes performances."

Les effets sur la production sont également visibles si on se fie au taux d'indisponibilité fortuite qui désigne l'indisponibilité constatée durant le cycle de production entre deux arrêts. Depuis l'année dernière, ce taux est historiquement bas, autour de 3,1% -et donc inférieur à l'objectif de 3,5% d'EDF- ce qui signifie que les réacteurs sont disponibles pendant presque 97% du temps après leur remise en service. Comme évoquée plus haut, la disponibilité du parc nucléaire à l'approche de l'hiver a aussi sensiblement progressé par rapport à l'année dernière. Enfin, les effets de START 2025 permettent de confirmer les fourchettes de production pour 2023 (entre 300 et 330 TWh), 2024 (entre 315 et 345 TWh) et 2025 (entre 325 et 365 TWh).

"Après START, on va continuer START car il y a une impérieuse nécessité d'être concentré sur les arrêts de tranche, c'est un objectif permanent, insiste Etienne Dutheil. On doit faire de START 2025 un projet souple avec la possibilité d'ajouter des activités, ce n'est pas gravé dans le marbre et ça continuera d'évoluer."
Timothée Talbi