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Carburant: y aura-t-il de l'essence et du diesel pour le week-end de Pâques?

Les départements franciliens recensent toujours une part importante de stations-services en rupture, notamment sur le sans-plomb. Si le réapprovisionnement a désormais repris et devrait rapidement porter ses fruits, les prix à la pompe risquent d'augmenter dans les prochains jours.

La situation reste compliquée dans les stations-essence franciliennes alors qu'elle s'améliore au niveau national avec désormais un taux de rupture partielle d'à peine 9% (contre 17% la semaine précédente). La quasi-totalité des départements de la région parisienne figure ainsi parmi les 29 départements français qui recensent des difficultés dans au moins plus de 10% de leurs stations-services. Le département le plus touché est toutefois l'Indre-et-Loire avec 45,26% des stations en pénurie d'au moins un des carburants.

Un tiers des stations en difficultés

Dans toute la région parisienne, environ un tiers des sites manquent d'au moins un carburant. Un pourcentage qui dépasse même les 40% en Essonne et dans le Val-de-Marne. Les ruptures partielles atteignent presque ce seuil dans les Hauts-de-Seine tandis qu'elles touchent 36,7% des stations dans les Yvelines, 33,7% de celles en Seine-Saint-Denis et près de 31% à Paris.

"C’est essentiellement un problème de sans-plomb sur la région parisienne mais aussi un problème de logistique qu’il faut constamment réadresser en fonction de la disponibilité d’un produit", expliquait Francis Pousse ce matin sur BFM TV.

Par "problème de logistique", le président de la branche stations-service et énergies nouvelles du syndicat professionnel Mobilians entend les réaffections des livraisons de carburant vers les dépôts en tension, ce qui peut génèrer des ruptures dans certaines stations en aval.

Une amélioration dès cette semaine en Île-de-France

Olivier Gantois, président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP Energies et Mobilités), confirme que la problématique se concentre sur le sans-plomb en région parisienne. "Sur le diesel, il n’y a pas plus de problèmes qu’au niveau national, on est aux alentours de 9-10% de stations en difficulté, explique Olivier Gantois. En revanche, sur le sans-plomb, on avait environ 39% de stations en difficulté ce lundi soir en Île-de-France."

Cette situation plus tendue en Ile-de-France s'explique par le fait que les aéroports parisiens ont été les sites privilégiés dans le cadre de l'approvisionnement par oléoduc depuis la Normandie de la région, le but étant de limiter les perturbations du trafic aérien déjà touché par la grève des contrôleurs. "La bonne nouvelle est que depuis, de l’essence sans-plomb a été remise dans le pipeline en Normandie et qu’elle va arriver dans les dépôts d’Île-de-France dans les jours qui viennent, indique Olivier Gantois. A partir de ce moment-là, elle sera envoyée très rapidement par camion-citerne vers les stations-services."

"Il y a un certain délai entre cette décision de réapprovisionnement de dépôts d'Ile-de-France en essence sans plomb et le moment où toutes les stations seront réapprovisionnées, poursuit le patron de l'UFIP-EM. Dans le courant de cette semaine, on verra déjà une nette amélioration de la situation dans les stations d’Ile-de-France."

Toujours des difficultés dans les raffineries

Les tensions se sont déjà sensiblement réduites dans les zones géographiques touchées en premier par les difficultés à la pompe, notamment la Loire-Atlantique et les Bouches-du-Rhône où le taux de rupture partielle s'établit respectivement à 16 et 21% ce mardi.

Sur le plan national, le président de l'UFIP-EM n'entrevoit pas encore un retour à la normale qu'il conditionne à la fin du mouvement social contre la réforme des retraite: "On ne peut pas encore parler de retour à la normale puisqu’un certain nombre de raffineries sont toujours bloquées par des grèves."

"Tant qu’on n’aura pas récupéré toutes les raffineries françaises en production, on sera dans un fonctionnement dégradé", explique Olivier Gantois.

Lundi soir, les expéditions de carburants de trois des six raffineries conventionnelles de France, toutes situées dans l'ouest du pays, étaient encore à l'arrêt, selon un dernier pointage de la CGT: les raffineries TotalEnergies de Donges et Gonfreville-L'Orcher et la raffinerie Esso-ExxonMobil de Port-Jérôme-Gravenchon, également en arrêt de production pour des raisons techniques ou à l'initiative des grévistes.

Ailleurs, la raffinerie TotalEnergies de Feyzin (Rhône) "tourne et ils livrent", indiquait Eric Sellini, représentant CGT chez Totalénergies. Mardi matin, une tentative de blocage des expéditions sur place a été avortée par les forces de l'ordre. La raffinerie Esso-ExxonMobil de Fos-sur-Mer est selon le secrétaire gédéral de la CGT Chimie toujours en grève mais doit expédier des carburants sporadiquement pour vider ses bacs, tandis que la raffinerie voisine PétroIneos de Lavéra a repris ses expéditions et pourrait redémarrer sa production.

Une forte hausse des prix d'ici deux semaines?

A court terme, la situation devrait donc être meilleure dans les stations-services françaises sans pour autant revenir à la normale dans l'immédiat. Cependant, un événement survenu ce week-end pourrait avoir des répercussions à moyen terme à la pompe, non pas sur les volumes mais sur les prix affichés cette fois.

En effet, huit pays membres de l'OPEP+, dont l'Arabie saoudite, la Russie ou encore les Emirats arabes unis, ont annoncé ce week-end qu'ils réduisaient leurs niveaux de production de plus d'un million de barils par jour et ce, jusqu'à la fin de l'année. "L’OPEP est inquiète de la situation économique avec la crise bancaire qu’on vient de connaître et également une croissance chinoise qui repart peut-être plus lentement après la fin de la politique « zéro-Covid »", justifiait ce matin sur BFM TV Benjamin Louvet, directeur des gestions matières premières chez Ofi Invest AM.

"La stratégie de l’OPEP est claire: faire augmenter le prix du baril vers ce qui est son objectif, c’est-à-dire 100 dollars, ajoute Philippe Chalmin, professeur à l'université Paris-Dauphine. Sachant qu'il y a quand même un facteur qui pèse puisque le prix du pétrole russe à l’exportation est inférieur de 20 ou 30 dollars.

Vers 09H30 GMT (11H30 à Paris), le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin se vendait à 85,29 dollars, soit une hausse hebdomadaire de près de 4 dollars. Si Philippe Chalmin estime que cette hausse des prix sur le marché du pétrole ne se traduira pas à la pompe avant une dizaine de jours, Olivier Gantois anticipe d'ores et déjà une hausse de 3 à 4 centimes par litre de carburant d'ici quelques jours.

"Il faut voir si cette hausse de prix continue dans la durée, rappelait Francis Pousse ce matin. Heureusement pour nous, l’euro est relativement fort, ce qui nous protège un peu."

Benjamin Louvet estime de son côté que la traditionnelle loi de l'offre et de la demande jouera son rôle. "On pourrait connaître dans la deuxième partie d’année des prix du pétrole qui remontent sensiblement, aussi parce que le pétrole est un produit du temps long, confie le directeur des gestions matières premières chez Ofi Invest AM. Pour produire du pétrole, il faut du temps pour mettre en place un nouveau puit par exemple et ces dernières années, on a fait assez peu d’investissements par rapport à nos besoins. Cette année, on va battre le record de consommation de pétrole dans le monde. Moins d’offre, plus de demande, on sait comment ça se termine."

Timothée Talbi